CHAPITRE 55

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Seona

Ce que nous sommes en train de faire est une très, très très très mauvaise idée. Se pointer dans cette maison est tout sauf quelque chose à prendre à la légère, mais bien sûr, ça, je ne vais pas le lui dire.

Je pensais ne plus jamais revenir ici, et quand bien même elle est la maison de mon enfance, de ma famille, de ma vie, elle n'était qu'un lointain souvenir. Pourtant, cette demeure, je ne l'ai quittée qu'il y a plusieurs mois. Ce n'est pas grand-chose, en réalité. Mais je suppose que c'est ce que je veux, dans le fond.
Qu'elle reste un lointain souvenir.

Forcément, nous avons quittés le cimetière en tout début d'après-midi, et comme ma mère doit normalement finir sa journée de travail à 18h d'après son planning, Gabriel n'a pas voulu attendre.
C'est de mon père qu'il s'agit, ou du sien ?

Le fait qu'il soit aussi pressé et intrigué que moi me fait me demander si ce ne serai pas plutôt lui qui devient complètement obsédé par cette histoire. J'accepte son aide, je le laisse s'immiscer dans ma vie privée, je lui fais confiance.. Putain. Je lui fais confiance. Ce Gabriel qui m'a aussi mentit pendant des semaines, qui a voulu se servir de moi, qui a amadoué mon propre cousin qui l'aimait beaucoup. Mais malgré toutes ces choses horribles qu'il m'a fait, je n'arrive pas à éloigner ce que je vois de bien en lui. Il m'a soutenu par rapport à ma mère, a défendu mon mensonge auprès d'Adam, m'a permise de relâcher mes démons, souffler après la pression. Une épaule sur laquelle j'ai pu me reposer, voilà ce qu'il a été. Et des épaules, on ne m'en a jamais prêté à proprement parlé.

Alors certes, tout le coté négatif de sa personne me revient toujours en mémoire, mais le positif prend le dessus. Parce que je crois que j'ai découvert ce que ça fait de tomber amoureuse de quelqu'un.

En vérité, je n'ai connu qu'une seule fois ce que je pensais être l'amour. À ma deuxième année de lycée, je suis sorti avec un garçon. Paul. Le premier jour de la rentrée, c'est là que je l'ai rencontré. Il était nouveau dans l'école. Moi, je passais mes récréations seule dans le hall, et je mangeais mon sandwich dans les toilettes des filles que j'achetais tout les matins en me rendant au bahut. Et puis, au bout d'une semaine, Paul a été absent. La professeur principale m'avait alors chargée de lui copier ses devoirs. Finalement, quand il est revenu le vendredi, je lui ai tout redonné timidement.

Pensant que j'étais nouvelle aussi, il a ensuite passé toutes ses récréations avec moi, et m'a forcé à manger chez lui le midi car il était externe. J'avais peur que mes parents le découvre, mais l'interdit me brûlait la langue. Alors j'avais accepté. En échange, je lui proposais mon aide pour les devoirs. Au début, on était très complices, comme des amis. Des vrais. Puis, au fur et à mesure du temps, je le trouvais de plus en plus beau, de plus en plus proche de moi. Et là, je crois que j'ai ressenti.. un truc pour lui. Je n'ai rien osé lui dire, et même à l'heure actuelle je ne suis pas sûre qu'il le sache. Puisqu'il s'est fait viré du lycée après deux mois. Je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles, et j'ai compris qu'il m'avait bloqué de partout quand j'ai vérifié ses réseaux sociaux en rentrant chez moi le soir où j'ai appris la nouvelle. J'ai même tenté de me rendre chez lui, un midi. Mais j'ai fais demi-tour. Je n'aurais jamais osé. Car l'interdit attire, mais fait beaucoup plus peur.

- C'est où ? Me rappelle à l'ordre Gabriel.

Nous sommes dans le quartier de notre maison, et je dois reconnaître que je me sens toute bizarre.

- Euh, là bas, dis-je en pointant du doigt la maison de ma vie plus loin.

Mon conducteur s'arrête immédiatement.

- On va se garer là, explique t-il dans le parking d'une résidence voisine. Je ne vais pas me garer devant chez elle.

L'angoisse et le stress m'envahit, et j'ai du mal à le cacher.
Soudain, ses doigts s'entrelacent dans les miens :

À la nuit tombée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant