Compagnons D'âmes Vagabondes

ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝔻𝕚𝕩-ℕ𝕖𝕦𝕗

"The old me hides

While the new me fights

Look in my eyes"

Mr. Forgettable - David Kushner

Depuis une semaine, avec l'équipe nous avions commencé l'enregistrement. Je m'entendais très bien avec l'ensemble de l'équipe, ce qui rendait l'expérience encore plus plaisante. Il s'agissait là de mon tout premier gros projet. Avant, je ne faisais que de petits films d'animation et quelques phrases pour des jeux vidéo. Ça s'arrêtait là.

Je n'avais encore jamais eu la chance de décrocher un rôle principal. C'était mon rêve bien sûr, comme tout acteur aimant son métier, mais j'avais toujours cette part de peur en moi. La peur de ne plus pouvoir avoir de vie privée, celle-ci étant supprimée par les paparazzis et les fans un peu trop curieux. Je ne voulais pas me retrouver à être suivie dans la rue, comme certaines célébrités avaient pu l'être.

C'était cette perspective qui me faisait le plus peur. Je l'avais déjà vécu. De manière très douloureuse. A un jeune âge, on m'avait propulsé dans un monde qui n'était pas pour une jeune enfant qui ne voulait que profiter de sa vie, de sa jeunesse. On m'y avait propulsé brutalement et on m'avait fait goûter les pires aspects. Ceux de la jalousie, de la curiosité mal placée, de l'ambition, de l'irrespect...

Revivre une chose de la sorte me faisait peur. Mais maintenant que je touchais ce rêve de gamine du bout des doigts, j'en étais heureuse et fière.

Nous venions d'achever notre première semaine d'enregistrement. Comme j'avais passé de nombreuses heures à analyser le texte de mon personnage et à le travailler pour avoir un rendu optimal, nous avions pratiquement rattrapé tout le retard qui avait été accumulé par le changement de voix. De ce fait, la productrice du film, Lindsey Collins, nous avait offert notre après-midi.

Ma matinée avait particulièrement mal commencé. Les enregistrements commençaient à huit heures et demi, comme tous les matins, mais j'étais arrivée avec dix minutes de retard. Une douleur aiguë dans le bas du ventre m'avait maintenue clouée dans mon lit. Elle avait été si intense et brutale qu'elle m'avait coupé la respiration. Le temps qu'elle se calme et que je reprenne un peu mes esprits, j'avais déjà dix minutes de retard. J'étais donc arrivée à huit heures quarante. Je n'avais clairement aucune excuse car, mon hôtel n'étant pas loin des studios, je venais toujours à pied.

Je m'étais donc excusée, prétextant un imprévu de dernière minute que j'avais dû gérer d'urgence, sans entrer plus dans les détails. L'équipe de production ne m'en avait pas tenu rigueur. Je leur avais immédiatement proposé de rattraper mon retard, chose à laquelle ils avaient répondu que ce n'était pas grave. J'avais lâché l'affaire, malgré la colère contre moi-même que je pouvais ressentir.

J'avais donc mon après-midi de libre et je devais avouer que je ne savais pas trop comment le combler. Le week-end, je ne rentrais pas chez moi, j'allais le passer chez mes deux meilleurs amis, Sebastian et Elisa. Ils habitaient à mi-chemin entre San Diego et Los Angeles et ils gardaient Woody, le temps que je travaille aux studios. Je ne voulais pas qu'il me suive tous les jours et que cela l'épuise.

Je connaissais Elisa et Sebastian depuis plus de treize ans, les ayant rencontrés en même temps qu'Isaac. A la base, nous étions un groupe de cinq adolescents, un peu perdus dans leur vie. Nous nous étions épaulés dans les moments difficiles, nous avions rigolé tous ensemble, pleuré... Nous avions vécu beaucoup de choses fortes, bonnes ou mauvaises, ce qui avait forgé des liens indestructibles entre nous.

Elisa et Sebastian étaient ensemble depuis plusieurs années et avaient enfin officialisé la chose en se mariant l'an passé. Isaac n'était plus là... Et enfin, il y avait Mylène. Cette dernière vivait à Florence, en Oregon, où elle vivait son rêve de toujours en étant kinésithérapeute ostéopathe. Nous ne la voyons plus beaucoup, il était vrai, pourtant, souvent nous avions de ses nouvelles par message.