"Once we've both said our goodbyes
Let's just let it go
Let me let you go"
When The Party's Over - Billie Eilish
Onze semaines de traitement.
Trois séances par semaine.
Trente-trois séances.
C'était deux cent soixante quatre heures.
Quinze mille huit cent quarante minutes.
Neuf cent cinquante mille quatre cents secondes.
Tout ce temps où un poison coulait dans mes veines, me tuant petit à petit. Où je voyais mon corps ne plus être le mien.
Mon propre corps, ma propre enveloppe charnelle, ne m'appartenait plus. Et c'était terrifiant. Lors d'un traitement de chimiothérapie, son administration change considérablement le patient. De plusieurs points de vue.
D'abord d'un point physique forcément. Vomissements, nausées, mucite, douleur, dessèchement de la peau, acouphènes, diarrhées, chute de cheveux, de cils, sourcils, poils, perte de poids considérable, incapacité de manger, le faire par les veines, impossibilité de se lever, de marcher, articulations douloureuses, difficultés respiratoires, tremblements, perte de sensibilité des extrémités, un fatigue extrême et constante... La liste était encore très longue.
Et puis, il y avait le côté psychologique de la maladie. La déconnexion au monde, le stress, l'angoisse, la culpabilité, l'impuissance, la fatigue, la charge mentale, la peur, l'impression de se voir mourir à petit feu, le découragement, l'envie de se battre, l'espoir, le désespoir, voir son corps changer, l'envie de mourir, garder ses peurs pour soi, la solitude, les encouragements des proches, l'incompréhension, le vide, le néant, l'envie de tout foutre en l'air, l'envie de se foutre en l'air, la terreur constante, s'en vouloir, les crises de panique, d'angoisse, les cauchemars, les terreurs nocturnes, le choc, l'ignorance, nier tout en bloc, tenter de reprendre une vie normale, les déceptions, encore de l'espoir, les joies remplies d'illusions... La liste ne s'arrêtait pas.
C'était devenu mon quotidien depuis maintenant environ deux mois. Ma vie, mes émotions, mes sentiments étaient résumés à être des montagnes russes. Des putains de montagnes russes.
J'en avais marre. Je n'en pouvais plus. J'étais fatiguée. J'étais exténuée. Je n'arrivais plus à rien. Même tenir une guitare m'était devenu impossible. Tenir un crayon aussi.
On m'avait tout retiré. Ma capacité à faire de la musique, ma capacité à écrire, ma capacité à vivre, mon Woody. Comment étais-je censée faire ? Sans lui ? Tout le monde s'inquiétait pour moi. Je le savais, je le sentais. Mais je n'avais pas besoin qu'on le fasse. Je n'avais pas besoin que l'on s'inquiète pour moi. Je voulais au contraire que l'on vive pour moi. Que je puisse, dans un sens, vivre par procuration.
Mes parents, bien qu'ils étaient à plusieurs heures de route de chez moi, ou plutôt de chez Chris, chez qui j'avais quasiment emménagé le temps de mon traitement, m'avaient obligée à voir une psychologue. J'avais d'abord, catégoriquement refusé, prétextant que l'aide d'Elisa me suffisait amplement. Et puis Chris avait fini par me convaincre que parler avec quelqu'un qui m'était inconnu ne pouvait que me faire du bien.
Alors j'avais commencé à voir une psychologue durant mes séances de chimio. En huit heures, j'avais largement le temps. Cela soulageait ma famille et mes amis. Ça m'avait fait du bien mais mes idées noires continuaient d'affluer dans ma tête. Je ne pouvais pas les en empêcher. Chassez le naturel et il revenait au grand galop. C'était bien connu.
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Compagnons D'âmes Vagabondes
Fanfiction"Peut-être n'étions nous que deux âmes vagabondes destinées à nous rencontrer et à nous sauver mutuellement ?" La vie n'est qu'un jeu de masques. Quand la vie a été d'une violence sans pareille envers vous, comment se la réapproprier ? Le bonheur ne...