#2.THRUTH

8. Abîmé

Je sens la terre se dérober sous mes pieds.

Dans ma tête, c'est un boucan sans nom.

Les voix autour de moi, alors que j'ai le regard sur la vidéo affichée à mon écran, deviennent si lointaines.

J'essaie de ne pas voir ce visage, mais il est là, affiché en grand.

Je peux entendre ma mère au micro, mais je ne sais pas ce qu'elle peut bien dire.

Lentement, je me fraye un passage parmi les gens et atteint le vent frais, hors de la résidence. Les yeux fermés, je respire de tout mon être pour me détendre. Quoique, mes dents ne l'entendent pas de cette oreille. Ils grincent. Très fort.

J'ai l'impression de sentir mes entrailles se déchirer et enfonce mes doigts dans mon crin en riant. C'est impossible !

— Pourquoi cela devrait-il l'être ?

Cette fois-ci, il n'a pas lu dans ma tête, parce que j'ai dû penser à voix haute. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que c'est Luciano. Super, le pire compagnon qui doit se pointer au pire moment !

— Ne t'inquiète pas, on s'en remet très vite.

Je m'apprête à lui sauter au cou avant qu'il ne sorte la suite.

— Henk nous trouvera celui qui a balancé ces conneries sur le net. Pour l'instant rentre et pleure dans ta baignoire. Ça te fera une douche de rupture idéale. Et... cherche un discours pour reprendre à Pepper la bague de notre mère. Et sans bégayer, je te prie.

Je me retiens de lui arracher ses yeux honnêtes et sadiques, alors qu'il fait un de ses sourires en coin qui ont plus l'air moqueur que désolé avant de se retirer, mains dans ses poches.

Je grogne de tout mon corps en me retournant vers la rue. N'importe qui peut être entrain de me filmer. Je ferai mieux de me trouver un lieu ou me cacher des vautours de ce pays de merde !

Je hèle un taxi qui se promène dans les parages et finit par descendre devant une résidence autre que la mienne. Le gardien m'ouvre et je fonce la tête la première. L'homme sur le perron un verre à la main, se relève.

— Monsieur José.

— Bonsoir, Heather, je marmonne en gravissant les escaliers. A son retour dites à Lucci que je suis dans une des chambres d'amis.

Je suis trop loin pour entendre sa réponse et me dirige droit sur la vitre pour retirer une bouteille de vin et ramasser un verre, afin de monter ensuite. Dès que je suis dans la chambre, je m'asseois et repasse en boucle la leçon de la journée.

— Punaise ! balbutié-je en m'astiquant le visage des mains.

Comment est-ce arrivé ?

Comment en suis-je arrivé là ?

Elle m'a trompé... je veux dire, littéralement !

La femme en qui j'avais le plus confiance, celle à qui j'ai tout offert et qui sait tout de moi, une personne avec laquelle je cheminais depuis plus de trois décennies, une relation plus âgée que deux de mes frères, une perle avec laquelle je voulais passer toute ma vie... la frénésie me fait lever mon verre pour le balancer contre le mur, mais tout ce que j'arrive à faire, c'est le serrer de tous mes muscles pour empêcher mon corps de vibrer.

Je ferme les yeux.

Elles coulent, les larmes.

Je ris.

Ouais, c'est tellement drôle, cette situation dans laquelle je me trouve. Le pire n'est pas de savoir que ma fiancée a partagé le lit d'un autre. Le pire, c'est d'avoir été aveugle tout ce temps.