29. Réminiscence

3 1 0
                                    

Le regard de José est brillant alors qu'il fixe le contenu de ma boite. Il doit se dire que je lui ris au nez.

Mais là, tout ce que je fais c'est me battre contre toutes ces émotions qui prennent le dessus. Je l'observe, je l'analyse sans même penser à la prudence.

Ce besoin intense qu'il me connaisse, je ne peux y remédier.

Il soupire et, croisant les doigts alors que ses coudes tiennent sur ses genoux écartés, reste figé.

— La nuit de ton anniversaire, lorsque ta tante s'est approché de moi, elle a parlé de mon bébé.

Il a l'air foudroyé et se relève lentement, pris au dépourvu. Il ne s'y attendait pas du tout.

— Je...

— Tu as exploré mon corps et tu n'as rien vu, je sais... c'est parce que j'en ai pris grand soin et surtout... ça remonte à très longtemps.

Il inspire lourdement et finit par s'adosser, l'esprit égaré. Je me penche sur la table pour saisir le collier. Le simple bruit qu'il émet me fait frémir. Je peux sentir le regard perçant de José sur moi. Mais contre toute attente, cela ne me fait pas peur. Au contraire.

— La vie était très belle en Afrique. Pour moi, le monde se résumait à mon quartier et ma famille. C'était paradisiaque ! je souris en laissant échapper des perles. Je me rappelle encore mon père Nigérian courant après moi et ma mère, originaire d'un pays voisin, qui hurlait dans la cuisine pour que nous fassions moins de bruit. Ou encore, la sœur cadette de maman, pour la plupart du temps absente et sa présence qui ne changeait tout de même pas grand-chose. Je les adorais tous.

Je trouve enfin le courage de lever les yeux vers lui qui me détaille avec attention et calme. Il n'y a aucune pitié dans ses yeux, il se transforme littéralement en confesseur pour moi... mais un ami encore plus.

— Ce collier, mon père en avait pris double. Pour ma mère et moi. Le mien, je ris, j'allais devoir l'enrouler mille fois à mon poignet pour que ça tienne. Papa le trouvait encore plus beau que le sien. Je l'avais tout le temps. Je me trouvais si jolie. Je voulais ressembler à Dada, ma tante. Je pensais que c'était son vrai nom, mais il voulait juste dire Grande-Sœur. Elle s'appelle Sisi.

Je souris à José, qui n'a pas du tout d'humeur pour me le rendre. Il semble plongé dans mon récit à un point que moi-même, risque d'oublier où j'en suis.

— Elle avait pour habitude de papillonner d'homme en homme. Jusqu'à ce qu'elle tombe sur un étranger métissé qui lui avait promis de l'amener en Amérique. Elle y croyait. Je me rappelle qu'elle disait de ne plus l'appeler Mlle Migan, parce qu'elle allait bientôt être la plus grande reine de l'Amérique ! Quelle sotte ! je m'esclaffe.

Je marque une pause et inspire.

— C'est cet homme qui a détruit notre bonheur.

Mon annonce semble le fait vibrer et il enfouit les mains dans ses cheveux. Mais alors, je me permets de continuer.

C'est comme si j'y étais encore.

Je la revois.

Un bruit douteux qu'entendit la gamine au beau milieu de la nuit. Ou alors, une intuition satanique. Lentement, elle quittait la chambre de ses parents et se faufila dans les couloirs.

Dada était là, sortant de sa chambre en marchant comme une voleuse sur les orteils, un colis dans une main et ses escarpins dans l'autre. La petite fille sourit, pensant que c'était un simple jeu. Elle le savait pourtant, maman lui avait dit de ne plus jamais suivre Dada quand elle s'en allait.

#2.THRUTHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant