Un.

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Mégane

Je traverse les interminables couloirs de l'hôpital à la recherche de la chambre dans laquelle ma sœur a été admise il y a deux jours suite à un accident ; elle est tombée dans les escaliers.

Mes yeux scrutent frénétiquement les numéros affichés sur les portes, impatiente de pouvoir serrer Lucy dans mes bras. Et au bout de quelques minutes me voilà en face, prête à entrer. Je jette un dernier regard dégoûté au sinistre numéro attribué à ma sœur avant de saisir la poignée.

13.

Le chiffre porte poisse par excellence. Et non, il n'est pas porteur de chance, pas la peine de me baratiner. Je ne crois pas non plus que les citrouilles se transforment en carrosses à minuit.

Ce truc de « chance » à été inventé par les génies de loterie pour faire croire à d'honnête âmes que c'est une journée spéciale. Je ne me laisserai pas avoir, c'est seulement de la poudre de perlimpinpin pour faire vendre des tickets !

Dans de nombreux pays, ce nombre est banni de la plupart des hôpitaux.

Bon sang, ils ne sont pas très superstitieux ici, hein ?

Je toque, j'entre et découvre Lucy, allongée dans son lit médicalisé. Mon cœur se serre douloureusement, mais je lutte pour ne pas laisser mes larmes couler. Je ne veux pas qu'elle me voie dans cet état. Je déglutis bruyamment, tente de garder contenance.

À côté d'elle, un tableau de bord de machines émet un bourdonnement, des sifflements et des « bip » incessants. Les câbles et les tuyaux s'entrelacent autour de ma sœur.

— Mégane ?

Sa voix cassée et fatiguée résonne.

— Je t'ai dit de rester avec les parents, râle-t-elle.

Elle tourne rapidement sa tête en direction de la petite table en plastique sur laquelle trône un bouquet de fleurs fanées, témoin qu'un visiteur à pris soin de venir la voir. Est-ce une amie ? Une connaissance ? Un amoureux secret ?

Je décide de ne pas entamer la conversation à ce sujet et pénètre un peu plus profondément dans la chambre.

La fenêtre, dont le rideau est resté ouvert, offre une vue sur l'extérieur, où l'on peut voir les branches dénudées des arbres, tordues comme des doigts crochus. Ils annoncent clairement que nous sommes entrés dans la saison que je déteste le plus au monde. Entre les feuilles mortes qui tombent comme des âmes en peine, les citrouilles éventrées ornées de sourires terrifiants, les hurlements des enfants en quête de bonbons, les squelettes pendus dans les rues ... Brrrr, rien que d'y penser, ça fait froid dans le dos.

— Les chambres avec vue sur les palmiers et la mer n'étaient plus disponibles ? plaisanté-je en m'avançant jusqu'à elle.

À Londres ?

Je sais conscience, c'était une boutade.

La brunette étire ses lèvres dans une tentative de sourire qui se transforme en une grimace maladroite.

— Pourquoi t'es là...?

La question n'en est pas vraiment une. Elle est soufflée désespérément, comme si je n'étais pas la bienvenue ici.

— J'avais envie de voir ta sale tête en vrai...

Je m'approche un peu plus et détail les dégâts sur son visage. Quelques blessures, un ou deux points de sutures qui vont sûrement laisser des traces.

Ça fait quoi, trois longs mois que je n'ai pas vu son visage autrement qu'à travers l'écran de mon téléphone. Alors même si nos retrouvailles sont teintées de tristesse, je suis infiniment heureuse de la revoir en chair et en os... cassés.

Nightmare IslandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant