Chapitre 43

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Mégane.

Je suis contrainte de suivre Jérôme, laissant Harper seule : un choix insoutenable pour moi. La peur serre mon cœur alors que les larmes sillonnent mes joues. C'est un abandon qui me ronge, une douleur insondable. Je dois me contenir, malgré la terreur qui m'envahit. Il m'a promis de me tirer dessus si je refusais de l'écouter et de quitter les lieux et il a raison, le traumatisme aurait été trop grand pour la petite et puis, je ne veux pas mourir. Alors j'ai pris cette lourde décision en espérant qu'elle soit vite repérée, en sécurité avec un adulte ou le personnel de sécurité.

Le blond me garde en otage contre son flanc, l'arme toujours pointée discrètement sur moi. Sa présence est oppressante, sa posture est menaçante. J'ai suggéré de trouver un endroit discret pour faire notre affaire, inventant des lieux intimes où je prétends avoir été avec James. Mais c'est un mensonge éhonté. Je suis désespérée et je cherche désespérément une issue.

Peut-être qu'au détour d'une attraction je pourrais croiser Mike, lui faire des signes de détresse pour qu'il vienne à mon secours, ou bien semer Jérôme dans la foule. Reste la dernière option : céder à ses avances, vivre cet horrible moment en imaginant que c'est James qui me prend avec violence. Une pensée insoutenable, mais une alternative à la mort. C'est une souffrance à laquelle je préférerais me confronter plutôt que de succomber à une issue aussi tragique.

J'ouvre le passage à l'aide d'une carte qui me permet d'avoir accès à toute la partie privée, pour les employés, et veille tout de même à me rendre dans les endroits les plus fréquentés.

La nuit tombe et un nuage humide se forme rapidement au bord de mes lèvres lorsque je halète de peur. Je me crispe quand je réalise que Mike n'est pas à son poste ; près de l'entrée. Je jette un œil aux alentours et tourne à droite, m'enfonce dans le parc.

— Ne me fait pas trop perdre mon temps ma jolie, sinon je te prends ici, au détour d'une allée sombre.

— Il y a un local interdit au public derrière la maison hantée, affirmé-je en tremblant.

J'emprunte le sentier le plus peuplé, fonce et marche délibérément sur les pieds d'un homme, qui ne réagit pas et continue de se frayer un chemin – je n'aurais pas pu tomber sur un gars impulsif qui m'aurait incendier, plutôt qu'un gentil qui s'excuse alors que c'est moi qui lui ai foncé dedans ?

Un homme déguisé en clown, perché sur d'immenses échasses, attire toute une foule de visiteurs désireux de capturer un cliché avec lui. Je pointe du doigt l'imposante entrée en bois juste derrière l'homme costumé, signalant à Jérôme notre destination. Nous slalomons pour contourner le clown, puis, je bouscule violemment Jérôme qui vacille et s'écrase sur le géant échassier, envoyant ce dernier valdinguer dans une cacophonie de jurons. Les insultes retentissent dans mon sillage alors que je m'échappe dans le sens inverse, bousculant les visiteurs dans ma course effrénée.

Mes jambes flageolent, mon cœur martèle ma poitrine à un rythme fou et ma respiration, chaotique, me donne l'impression d'étouffer. Malgré mes efforts, je peine à avancer, comme si j'étais entravée par le poids de mes craintes. Je prie silencieusement pour que la petite Harper ait pu trouver refuge auprès de quelqu'un. Cette idée m'opprime et fait naître des larmes acérées sur mes joues frigorifiées. J'entends ensuite la voix de Jérôme dans mon dos.

— Mégane !

C'est chantant, c'est affreusement terrifiant, on dirait un tueur en série qui avance avec calme et détermination vers sa cible. Je me retourne, tente de voir à quelle distance il se trouve. Jérôme lève le bras, braque son arme dans ma direction face aux regards interrogateurs des visiteurs. Mais personne ne bouge, personne ne sait que cette arme n'est pas factice, ne fait pas partie d'un déguisement. Alors, je dévie rapidement à gauche, me glisse dans une attraction, et je me fraye un chemin au milieu de la foule dense. Je tends ma carte pour obtenir un accès rapide. Le manoir des phobies s'ouvre à moi.

Bravo Mégane, bonne idée.
Oh ! ironie, te voilà toi ?

Une musique sourde résonne dans les couloirs, alternant entre des lumières clignotantes et une obscurité troublante. Je m'enfonce dans ce dédale, essayant de ne pas prêter attention aux toiles d'araignées qui s'étendent autour de moi et qui m'empêchent d'avancer. De part et d'autre du couloir, des vivariums exposent des créatures effrayantes, des mygales et des araignées à faire froid dans le dos, mais je tâche de ne pas m'y attarder. J'ai pire, qui me poursuit.

Je monte dans un ascenseur, il me secoue dans tous les sens, fait mine de chuter. Je m'assieds, cale mon dos contre le miroir derrière moi et attends que ça passe. J'ai envie de gerber ma bille, j'ai envie de crier, de me réveiller de ce cauchemar. Je repense à ma soeur, à sa putain de dégringolade dans les escaliers, de la sensation de peur et la souffrance qu'elle a dû ressentir à cet instant. Elle avait besoin de moi et je n'étais pas là.

Au bout de quelques secondes, la porte arrière s'ouvre et je pénètre dans une salle où une fine poutre recouvre le sol, l'unique voie pour traverser. Je retiens mon souffle, hésite un instant avant de poser prudemment le pied sur ce chemin incertain. Mais le sol se met à vibrer, le bois grince, je glisse, précipitée vers ce qui semble être un abîme sous la poutre. Toutefois, la chute n'est qu'illusion, dissimulée par un écran. Un soupir de soulagement m'échappe alors que je reprends pied sur un sol ferme.

— Mégane, je sais que tu es là.

Comment a-t-il pu passer ?

La réponse me frappe lorsque j'entends derrière moi les échos des agents de sécurité ordonner à Jérôme de sortir et de faire la queue.

— Il est armé ! hurlé-je aussi fort que je le peux.

À peine dehors, une multitude d'ombres dansent dans le jardin. Des cris morbides résonnent, des voix éclatent dans les enceintes, des bruits de craquements, de vents, d'orages. Tout est orchestré pour amplifier l'angoisse.

J'entre dans une nouvelle pièce, un labyrinthe de miroirs qui déforme la réalité. La salle sombre amplifie ma peur alors que j'avance avec précaution, mes pas résonnent dans un silence affreusement oppressant.

Les miroirs distordent ma silhouette, créer des ombres mouvantes dans le noir. Des formes étranges prennent vie, me glacent d'effroi. Je me vois partout et nulle part à la fois, le visage marqué par la terreur, des larmes qui ruissellent sur mes joues pâles, mes cheveux ébouriffés, mes cernes, mon maquillage qui a coulé. Malgré tout, j'avance, tâtonne dans l'obscurité, les mains tendues pour me guider. Soudain, le reflet de Jérôme surgit dans plusieurs miroirs. Il sort une arme, tire sur plusieurs répliques de nous. Prise de panique, je m'abaisse, me protège la tête, puis rampe en quête de lumière, de la sortie. Dans un ultime élan, je bondis hors de l'attraction. Face à moi, le visage anxieux de James m'apparaît.

Est-ce un mirage ? Suis-je morte en réalité ?

— James !

Les doutes s'envolent quand ses bras s'enroulent autour de mes hanches et que sa voix rassurante se pose comme une plume, dans mes oreilles.

Puis, il reprend un air plus sérieux quand des lumières rouges et bleues fendent l'obscurité de la nuit.

— Il est à l'intérieur, armé et dangereux.

Une autre main se pose sur mon épaule.

— Nous sommes là, Lucy. La police aussi, me prévient Mike d'une voix chaleureuse et rassurante.

 La police aussi, me prévient Mike d'une voix chaleureuse et rassurante

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