Chapitre 27

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Mégane.

Je dispose quelques coussins sur le sofa pour que Lucy puisse s'y installer à son aise. Le claquement de ses béquilles sur le sol précède son atterrissage sur le canapé moelleux. Je la regarde, angoissée à l'idée de la laisser seule cinq jours par semaine.

— Arrête de te faire du souci Mégane, me dit-elle soudain, me tirant de ma rêverie. Je m'en sortirai. Et puis, j'ai Sloane qui viendra à la maison pour me livrer mes courses.

J'acquiesce, mais je ne suis pas convaincue. Néanmoins, je n'ajoute rien de plus et traîne les pieds jusqu'à la cuisine.

— Monsieur Greyson ne t'a pas parlé d'une possible prolongation de contrat ?

Je hausse les épaules, découpant avec soin des morceaux de saumon tout en écoutant ma sœur

— Dommage. Ça serait sympa, je pourrais prendre ta place et on ferait un échange en douce.

Cette intervention me glace le sang. J'imagine Lucy débarquer chez lui pour s'occuper de sa fille et James qui s'approchait à pas feutré dans son dos, pour embrasser sa nuque discrètement.

Un frisson traverse mon corps, et je passe un doigt sur le suçon qu'il m'a laissé il y a quelques jours, un souvenir brûlant qui persiste.

Pincement au cœur.
Tremblement.
Panique.

Je dois lui dire.

Ce job, c'est son rêve, et je me sens coupable de l'avoir gâché. Non pas une fois, mais deux. L'ombre de mes erreurs plane sur moi. Je dois vraiment arrêter de lorgner sur James, d'espérer qu'il me touche encore.

Un frisson glacial prend possession de mon corps. Je lutte pour réprimer les images qui défilent dans ma tête : notre corps à corps, sa voix suave dans mes oreilles, ses grandes mains brûlantes de désir, ses gestes bruts et sauvages. Il est temps d'arrêter mes conneries. Mais je ne suis pas prête à partager ce secret avec ma sœur. C'est ma jumelle, celle à qui j'ai envie de tout confier, mais elle m'a fait confiance en me demandant de prendre sa place, et je n'ai pas envie de la décevoir.

***

Après le repas, je m'installe à la grande table du salon, entourée de tissus colorés et d'accessoires de couture. Mon sourire aux lèvres, je trace avec précision le dessin du déguisement de citrouille sur le tissu orange vif. Les épingles sont plantées tout autour du patron spécialement conçu pour la petite blonde.

J'ai minutieusement choisi le tissu en optant pour un satin doux et lumineux, parfait pour évoquer la douceur d'une citrouille. Quant au vert foncé, découpé en forme de feuilles, il servira de décorations, tandis que le tissu noir sera utilisé pour les yeux et la bouche de la citrouille.

Alors que je faufile avec une concentration acharnée, je m'imagine secrètement en lançant un sort protecteur avec chaque point pour m'éviter de penser à autre chose qu'à mon activité du moment. Si seulement une incantation pouvait contrer l'effet irrésistible que James a sur moi dès que je le croise.

J'ajuste ma machine à coudre, effectue les derniers réglages, et après quelques tests concluants, je me lance dans la confection de la citrouille. Je presse sur la pédale, et le mécanisme se met en route.

Des heures plus tard, je contemple avec fierté et satisfaction mon œuvre achevée, quand ma sœur me fait sursauter en m'interpellant.

— Tu es faite pour ça. Tu ne devrais pas abandonner.

Lucy pose son menton sur mon épaule, souriante devant le déguisement que je viens de terminer.

— Tu sais très bien que je suis finie, dis-je, abattue. Ils m'ont blacklistée partout à cause d'eux.

Lucy récupère ses béquilles et contourne la table pour s'asseoir en face de moi.

— Pas ici. Viens vivre à Londres avec moi, monte ton petit magasin, bosse pour une enseigne anglaise. Je sais pas moi ! Mais Mégane sans couture, c'est plus Mégane.

— Ouais, ben en ce moment, je suis plus Lucy que Mégane, marmonné-je.

— Nadège a volé ton travail parce qu'elle n'est pas capable de faire mieux que toi. Mais n'oublis pas que ce qui t'a fait virer, c'est la bagarre que tu as délibérément commencée dans les bureaux.

— Elle l'avait cherchée...

Nadège a sciemment dérobé les esquisses et quelques prototypes de la nouvelle ligne de vêtements que je comptais présenter pour redresser la barque de l'entreprise. Alors oui, j'ai essayé de me défendre, mais peut-être pas de la manière la plus conventionnelle. Lorsque j'ai découvert qu'elle avait présenté le projet à son nom, j'ai pété un plomb et lui ai cassé la figure. Malheureusement, Jonathan a fait son apparition et m'a virée. Je n'ai pas eu la chance de me justifier, de prouver ce que ma collègue et ex-amie m'avait osé faire. Jonathan a choisi de croire sa petite amie parce qu'au moins, elle sait comment « écarter ses horizons professionnels » ( comprenez par là : les cuisses). La rage au ventre, j'ai balancé toutes mes affaires par la fenêtre, qui était bien entendu fermée. Le résultat ? Jonathan a appelé la sécurité et toutes les maisons de couture de la région pour déclarer que j'étais complètement zinzin.

Alors, d'accord, ma réaction était peut-être légèrement excessive, j'ai réussi à me planter le couteau bien profondément dans la peau toute seule. Mais bon, on ne se refait pas, je pars au quart de tour.

— Oh oui ! Mais c'était aussi la maîtresse de ton patron, elle a joué de sa relation avec lui pour te faire mettre à la porte. Sauf que regarde !

Lucy tourne l'écran de son téléphone vers moi et pointe un article sur son moteur de recherche.

— Les médias parlent de leur future faillite et du fait qu'ils se sont séparés... Rien de bon ne ressort des relations entre collègues, encore moins avec son patron. Ils allaient droit dans le mur !

Évidemment... je pense à James.

— Éteins cet écran avant que je ne le balance par la fenêtre... Mon idée était censée redonner un coup de modernité à la marque. C'était pas une si bonne idée, c'est tout.

Lucy fait non de la tête, les sourcils froncés.

— Non, c'était parfait, mais ils n'ont pas su le gérer. L'idée ne venait pas d'elle après tout ...

Je me lève, enlace ma sœur, un câlin chaud et réconfortant, quelque chose qui me fait du bien, qui offre du baume au cœur, qui m'apaise et me délivre un instant de tranquillité dans mon esprit. Lucy frictionne mes avant-bras. Je ne la voit pas, mais je sais qu'elle est en train de sourire alors j'en profite pour embrasser sa joue et lui glisser à l'oreille qu'elle ne doit surtout pas oublier d'appeler nos parents pour leur dire qu'elle est bien rentrée et que je veille bien sur elle.

 Je ne la voit pas, mais je sais qu'elle est en train de sourire alors j'en profite pour embrasser sa joue et lui glisser à l'oreille qu'elle ne doit surtout pas oublier d'appeler nos parents pour leur dire qu'elle est bien rentrée et que je veill...

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