Nightmare Island

Chapitre 9

Mégane.

Ça fait exactement cinq jours que je travaille pour monsieur Greyson et j'ai enfin le droit à mes deux jours de congés. Aujourd'hui et demain, c'est la grand-mère d'Harper qui prend la relève. Pourquoi ? Parce que ce soir est un grand soir pour monsieur Greyson : il va faire sa première apparition publique pour le lancement des festivités d'Halloween au parc. Et moi, je suis invitée à cette soirée VIP, tout comme les employés et bénévoles de Nightmare Island, les influenceurs, les journalistes, les partenaires, les sponsors, les clients gold, et même peut-être deux trois squelettes. Autant dire que la soirée promet d'être vraiment grandiose et que je vais devoir me tenir à carreau : j'entends par là, loin de James Harry Greyson et de l'alcool en général.

Je gare la voiture de ma sœur sur le parking de Nightmare Island, accroche mon badge d'entrée autour de mon cou et emboîte le pas aux autres invités qui se dirigent vers les allées du parc. Il est précisément 19 heures 43 et la musique effrayante diffusée en continu dans le parc envoie des frissons dans mon dos. Le spectacle macabre qu'elle évoque glace le sang. Je frissonne involontairement, resserre les pans de ma veste à moumoute noire sur ma robe dorée et continue à marcher, me dirigeant vers la grande salle où se tient la soirée.

Moi : Je suis arrivée.
Mike : Nous sommes là dans cinq minutes, ma belle.

En pénétrant à l'intérieur, je découvre une décoration terrifiante, à la fois magnifique et effrayante qui ne manque pas de faire sensation.

Les murs de la salle sont recouverts de toiles d'araignée géantes, de guirlandes de citrouilles lumineuses, de bougies noires suspendues au plafond comme dans Harry Potter et des lanternes fantomatiques projettent une lueur vacillante, créant des ombres inquiétantes qui dansent dans toute la pièce. Les squelettes attablés semblent prêts à s'animer à tout moment.

Au centre de la salle se trouve une grande table couverte de gourmandises terrifiantes. Plateau de charcuterie sanglante, gâteaux en forme de cercueils, glaçons en forme de doigts coupés, tout ça évoque l'horreur et l'émerveillement en même temps. Sans oublier les fontaines de punch écarlates et vert fluo qui me font penser à des breuvages ensorcelés.

Je m'installe dans un coin, attendant patiemment la venue de Mike et de ses potes, car je ne connais personne ici. Et quand on parle du loup, le grand blond débarque avec la troupe et me fait signe de la main avant de me rejoindre. Tous travaillent ici en tant qu'animateurs, danseurs, techniciens de surface ou encore dans la sécurité du parc. Je n'ai pas le temps d'engager la conversation que la lumière baisse en luminosité, les gens se mettent à chuchoter et une fumée verte et rouge surgit dans toute la salle.

Soudain, une ombre se dessine dans la pénombre, une silhouette imposante, musclée, aux cheveux bruns. C'est James. Il se positionne au centre de la pièce, ajustant son costume avec une légère crispation, ses yeux plissés pour se protéger des flashs des appareils photo. On peut clairement percevoir son appréhension, presque une pointe de nervosité. Il est évident qu'il n'aime pas être sous les feux des projecteurs et cette soirée spéciale ne fait qu'accentuer son malaise apparent.

Lorsque les photographes lui laissent un peu de repos, ce sont les curieux et les curieuses qui viennent lui parler. Il se présente, serre les mains et se force à sourire. J'entends d'ici les gens lui dire qu'ils sont ravis d'enfin faire sa rencontre. C'est vrai, certains travaillent pour lui depuis un an. Mais tous avaient été embauchés par son père et James n'était pas prêt à se mettre au devant de la scène.

— Il est CA.NON, s'exclame Marge. Dommage que je sois lesbienne ...

— Et moi, sur le point de me marier, ajoute Nola les yeux rivés sur James.

— Et toi qui le vois presque tous les jours... Veinarde, me lance Marge tout sourire.

— Pourquoi, t'es qui ?

Une voix suave résonne dans mon dos. Je me retourne et découvre une belle blonde.

— C'est la nounou d'Harper, l'informe Mike. Lucy, voici Victoria, elle bosse en tant que chorégraphe dans la troupe de spectacle du parc.

— Salut ! dis-je.

J'avance mon visage pour lui taper la bise, mais elle recule et me détaille de la tête aux pieds.

— Tu es la nouvelle Nanny, donc. Bien plus jeunes que les autres, grommelle-t-elle.

— Oh ! Ne fais pas ta jalouse Vic, continue Antonio. Victoria à monsieur Greyson à l'œil depuis un moment et je comprends pourquoi à présent. Vu son physique, il n'y a pas de place aux doutes, se marre-t-il. Sauf que mademoiselle Mitwell ne nous à jamais rien dit à son sujet. Pourtant nous l'avons cuisiné.

— Contrat de confidentialité, désolé les copains. Et je déteste l'idée qu'il sorte de sa tanière et se montre à tous...

Elle grimace et me fixe à nouveau avant d'ajouter :

— Tu as signé le contrat aussi Nanny, non ?

— Lucy... Et oui.

Ma sœur m'a parlé de ça. Interdiction de parler de sa vie privée, de partager ses habitudes, de prendre une photo de lui et de sa fille etc. Il est très à cheval sur cette partie du contrat et on s'engage à respecter ses demandes au risque d'avoir un procès au cul et une grosse sommes d'argent à devoir verser.

J'ose une question.

— Pourquoi est-ce qu'il a choisi ce soir pour se présenter à tous ?

— C'est la date anniversaire du décès de son père, me répond la blonde.

James tapote sur le micro mis à disposition sur une petite scène au fond de la salle. Tous les regards convergent vers lui. Je le scrute, découvre son stress évident. Ses mains sont légèrement moites, il ajuste nerveusement la veste de son costume. Un homme habituellement sûr de lui mais visiblement pas ce soir. James respire profondément, rassemble son courage. Sa voix résonne dans la salle tandis qu'il commence à parler, sa nervosité est perceptible dans ses intonations et son regard. Malgré son charisme naturel, il ne peut s'empêcher de jeter des coups d'œil occasionnels dans la direction d'une brune qui se tient juste devant lui, comme s'il avait besoin de son approbation pour débuter son discours – ou peut-être juste un soutien moral et sentimental.

— Bonsoir à tous et merci d'être présents à cet événement. Avant de débuter, j'aimerais qu'on puisse tous avoir une pensée pour mon père à cette date d'anniversaire macabre.

La salle tombe dans un silence solennel. La lumière tamisée ajoute au sentiment de recueillement. Certaines personnes font un signe de croix, d'autres ferment les yeux, laissant échapper des soupirs: ils le connaissaient presque tous. Mon regard parcourt l'assemblée, captant les diverses réactions des invités. Finalement, mes yeux rencontrent ceux de James, qui me fixe quelques secondes. Il incline légèrement la tête pour me saluer, je réponds d'un sourire en coin, mon cœur battant un peu plus fort. Il est vraiment beau.