Nightmare Island

Deux.

Mégane

C'est l'heure de l'ouverture du parc et les visiteurs sont déjà tous agglutinés à l'entrée.

Je vérifie l'heure sur mon téléphone, enfile mon poncho rouge et souffle énergiquement avant d'avancer à mon tour en direction de la grosse araignée qui surplombe l'entrée de Nightmare Island.

Je m'arrête rapidement face au panneau de l'entrée qui résume la création du parc. Histoire que j'ai étudiée en long, en large et en travers avant de prendre la place de ma sœur.

Fondé en 1992, à peu près au même moment que le parc Disneyland Paris, Nightmare Island a su se faire une place de choix dans le cœur des Britanniques. Il est ouvert toute l'année, mais c'est de septembre à mi-novembre, lorsque la fête d'Halloween approche à grands pas, que le parc bat tous les records de fréquentation et de chiffre d'affaires. À cette période, les visiteurs se bousculent pour avoir le privilège de passer quelques jours dans le royaume de l'horreur.

Je connais bien mon dossier.

Halloween ici, c'est une affaire sérieuse, presque plus importante que Noël, et c'est ce que le regretté Steve Greyson avait compris. Malheureusement, il a succombé à un cancer du pancréas il y a un an, laissant l'entreprise entre les mains de son fils – que j'imagine ; gosse de riche bedonnant et dégarni. Il s'est probablement fait largué par sa femme qui l'a épousé seulement pour jouir de sa richesse...

Nightmare Island propose un vaste éventail d'attractions qui plongent les visiteurs dans le monde des ténèbres. À proximité du parc principal, réservé aux plus grands, se trouve un espace pour les tout-petits, baptisé Pumpkin World. Ce parc a été spécialement conçu par James Greyson cette année pour que sa fille puisse également en profiter.

Et bien, je dirais que c'est un père aimant, et surtout mon nouveau patron.

D'ailleurs, en parlant de lui, je n'ai pas trouvé grand-chose à son sujet. James Greyson est d'un naturel discret. Aucune photo de lui n'a fuité sur la toile – ce qui me fait dire que sa calvitie doit au moins faire la superficie de l'Australie – aucune frasques dans les magazines. Monsieur est invisible comme un fantôme.

Les injures, balancées à mon égard par les gens que je double en prenant la file voisine fermée au public, me sortent de mes pensées et un frisson me parcourt lorsque je tombe nez à nez avec la statue d'un clown portant une scie à métaux dans sa main, un sourire carnassier sur son visage maquillé.

— Oh ! Bordel de m... susursauté-je.

— Je peux vous aider, mademoiselle ?

Un homme aux cheveux blonds et à l'uniforme d'argent de sécurité, s'avance vers moi.

— Lucy Bellerose, j'ai rendez-vous avec Madame Greyson à huit heures dix précise, articulé-je en retirant ma main de ma poitrine dans laquelle tambourine encore mon cœur.

L'homme bombe le torse et étire ses lèvres dans un sourire charmant.

— Ah ! C'est toi la nouvelle, s'exclame-t-il. Suis-moi.

Il passe son badge sur une borne noire, ce qui déclenche le mécanisme et fait coulisser les portes transparentes. Puis, il se tourne vers l'un de ses collègues.

— Je te laisse prendre ma relève quelques minutes.

Je lui emboîte le pas jusqu'à une maisonnette orange et noire. Il me fait entrer, s'adresse à une jeune femme à l'accueil avant de me lancer un « Bon courage ! » et de disparaître.

La brunette aux lunettes rondes me demande ma carte d'identité et en échange, elle fait glisser un badge visiteur que je passe négligemment autour de mon cou.