Tu sautes, je saute

Chapitre 9

Thomas Anderson

     J'attrape mon téléphone qui vibre sur le plan de travail en découvrant un appel entrant de ma sœur. Je décroche en fronçant les sourcils alors que la voix de Sarah émane du combiné. Elle me demande si je suis chez moi et si je suis présentable. Dérouté, j'acquiesce avant qu'elle ne raccroche. Je reste quelques secondes à fixer l'écran de mon portable, ne parvenant pas à comprendre la raison de son coup de fil. D'habitude, quand elle passe me voir, elle ne prend jamais la peine de m'appeler pour savoir si je suis là, et encore moins pour me demander si j'ai une tenue décente.

     À peine quelques minutes après son appel, la sonnette retentit. Je traverse mon appartement et m'attend à tomber sur Sarah. Une expression de surprise prend possession de mon visage en découvrant la personne se tenant sur mon palier, qui n'est pas du tout ma sœur.

     - Amalie ?

     Elle m'offre un de ses fameux sourires qui provoque un courant de chaleur dans mon corps avant de sortir ces quelques mots.

     - Tu as dit que tu m'en devait une, non ?

     N'étant pas sûr de comprendre où elle veut en venir, je l'invite à entrer. Elle me remercie et reprend directement la parole.

     - J'aurai besoin que tu me rendes un service, s'il te plait.

     - Quel genre de service ?, je lui demande alors qu'elle me fait face.

     - Pour la faire courte, j'ai une soirée avec le travail demain et j'ai peut-être laissé sous-entendre à mon ex que je serais accompagnée.

     Je plisse les yeux en prenant en compte chaque mot qu'elle formule.

     - Et la version longue ?

     Elle entre-ouvre la bouche, ne s'attendant sûrement pas à ma question.

     - Si je dois t'accompagner à cette soirée, je poursuis, tu peux bien m'expliquer pourquoi.

     - Tu as du temps devant toi ?

     Elle m'arrache un rire alors qu'on s'installe dans la cuisine pour qu'elle me raconte en détail la situation. Je lui sers à boire alors que je prête une grande attention à ses paroles.

     - Quand j'ai déménagé à New York, j'ai rencontré ce garçon, Joshua. Il travaille dans la même entreprise que moi. On s'est régulièrement vu en dehors du travail et on est sorti ensemble pendant plus de deux ans. On s'était même fiancé. Mais la relation s'est vite dégradée. On ne cherchait pas les mêmes choses et on arrêtait pas de se disputer à cause de ça. Puis un jour je l'ai trouvé en train d'embrasser une autre fille. Il m'a sorti le baratin habituel "c'est pas ce que tu crois".

     Ses sourcils se froncent et son visage se referme au fur et à mesure de son récit. C'est alors que je découvre une expression sur son visage que je ne lui avais jamais connu avant.

     - Du coup, on s'est séparé, et il y a quelques mois, il avait été muté à Chicago. Ça m'avait bien arrangée mais je ne m'attendais pas à tomber sur lui ici.

     Un soupir quitte ses lèvres alors qu'elle reprend une expression un peu plus chaleureuse. Du moins, elle essaie.

     - Je n'ai pas envie qu'il croit que je suis désespérée et que j'ai le cœur brisé à cause de lui, je lui ai déjà donné assez de mon temps. Mais je ne sais pas pourquoi quand il m'a invité à la soirée et qu'il m'a demandé si je venais accompagnée, je n'ai pas pu m'empêcher de dire que j'avais quelqu'un.

     - Et tu te vois mal lui dire que ce n'était pas vrai et que tu n'as personne.

     Elle relève la tête vers moi avant d'acquiescer. Ses yeux brillent et je décèle des reflets verts dans ses iris bruns que je n'avais jamais remarqués auparavant. Elle m'offre un sourire compatissant, probablement pour me remercier de l'avoir écoutée.

     - J'accepte de t'accompagner à une condition.

     Son visage m'interroge, alors que je prends quelques secondes supplémentaires pour finalement ajouter :

     - Mes parents croient qu'on sort ensemble.

     - Katelyn ?, elle m'interroge en faisant référence à notre rencontre au centre commercial.

     J'hoche la tête affirmativement.

     - Je t'accompagne à la soirée si tu viens déjeuner avec ma famille dimanche.