Chapitre 11

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Thomas Anderson

     Je m'assois face à mon père, alors qu'un air enjoué se fait entendre dans ses paroles.

     - C'est ta mère qui est ravie. Bon, ce n'est pas Katelyn mais tu vas enfin nous présenter la femme que tu fréquentes !

     - Mais papa, je ne vais pas vous la présenter, vous la connaissez déjà, je réponds.

     Il ne semble pas relever ma remarque. Je ne sais pas si je suis soulagé ou si je m'inquiète pour Amalie. Il n'y a qu'à voir comment April, la copine de Sarah, a été accueillie dans la famille. Mes parents étaient tellement ravis qu'ils parlaient déjà mariage alors que ma soeur et sa petite-amie n'étaient qu'au début de leur relation. Étant donné qu'ils apprécient déjà Amalie, je me demande combien de temps ça leur prendra avant d'aborder le sujet.

     - Il t'en a fallu du temps.

     - C'est gentil de te réjouir pour moi papa, mais je suis venu pour parler travail, je rétorque.

     - Pardon Thomas, je suis simplement content pour mon fils.

     D'habitude, mon père met un point d'honneur à séparer notre relation père-fils de notre relation professionnelle, mais quand je lui ai annoncé la présence de ma fausse petite-amie dimanche, il n'a pas pu s'empêcher de me faire part de sa joie.

     - Je viens te parler de Divine Dining, je reprends.

     J'observe Monsieur Andrew Anderson revêtir sa casquette de directeur pour prêter attention à la raison principale de ma venue.

     - Ils ont près d'une quarantaine de mariages durant les semaines à venir et ils veulent doubler leur commande.

     Il hausse les sourcils alors qu'il prend un instant de réflexion avant de me dire.

     - Je vais appeler Peter pour voir ce qui est envisageable alors.

     Divine Dining est l'un de nos plus gros clients. En même temps, quel meilleur endroit que les vignes de Napa Valley pour servir du vin aux mariages. Et l'été est une des plus grosses périodes. Tout le monde trouve ça très romantique. Peut-être que je ne suis pas très sensible au romantisme, ou "que je n'ai pas rencontré la bonne personne" comme dirait ma soeur. Alors je me contente simplement de m'assurer que ces couples aient du bon vin pour leurs invités.

     Mon père rebondit sur le fait que les célébrations d'amour sont fréquentes à cette période, remarque sous-entendue à ma nouvelle relation, mais je fais la sourde oreille. J'ai l'impression d'entendre ma mère. Quand bien même Amalie et moi étions réellement amoureux, et entretenions une vraie relation, il serait bien trop tôt pour parler de fiançailles.

     - Tu voulais autre chose ?, me questionne-t-il.

     - À vrai dire oui. J'aurai besoin de partir une heure plus tôt ce soir. Amalie a une soirée avec son travail et elle compte sur ma présence.

     J'ai à peine le temps de finir ma phrase que mon père s'exclame tout haut.

     - Bien évidemment mon fils, profite de ta bien-aimée. L'amour est plus important que le travail.

     - On croirait vraiment entendre maman, je réponds, amusé.

     - Elle me l'a suffisamment dit pour ne pas que je l'oublie.

     Je quitte son bureau en riant alors qu'une vague amère parcourt mon esprit. Je m'en veux un peu de mentir à mes parents concernant ma vie amoureuse, eux qui attendent depuis tellement longtemps que je trouve enfin quelqu'un. Mais leurs tentatives incessantes pour me caser deviennent vraiment compliquées à supporter. Je ne ressens pas le besoin d'avoir quelqu'un dans ma vie, donc une fausse copine semble être la meilleure option pour avoir un peu de répit. D'autant plus que mes parents sont contents de voir une femme à mon bras, et pas n'importe qui.

     Ils ont toujours adoré Amalie, depuis la minute où ils l'ont rencontrée. Ils l'ont accueillie et traitée comme un membre de la famille dès lors qu'elle est devenue amie avec Sarah. Le fait qu'elle ait été seule, loin de chez elle, était une raison suffisante pour la considérer comme leur troisième enfant. Je me rappelle encore quand ma mère insistait pour que je garde sans arrêt un œil sur elle. Je devais m'assurer qu'elle s'intègre bien, qu'elle n'ait pas le mal du pays ou encore qu'elle s'en sorte bien avec les cours. Et c'est ce que j'avais fait. De loin. Suffisamment loin pour qu'Amalie ne s'en rende pas compte. Et j'avais été incapable de faire autre chose que veiller sur elle. Dans les couloirs, je ne pouvais pas m'empêcher de la chercher du regard. Quand elle travaillait à la maison, je passais volontairement devant la chambre de ma sœur pour essayer de l'apercevoir. Mais j'étais resté en retrait. Puis ça n'avait été qu'un coup de cœur de lycée, comme c'est arrivé à tous les jeunes de seize ans. Il n'y a aucun risque que ce soit encore le cas aujourd'hui. Je crois.

Tu sautes, je sauteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant