Chapitre 48

236 11 6
                                    

Amalie LeBlanc

     Je me traîne hors de mon lit et regagne la salle de bain. J'ose à peine relever la tête pour m'observer dans le miroir. Les cernes bleutées détournent l'attention de mon teint blafard et de mes yeux rouges, c'est déjà ça.

     Je me place sous le jet d'eau brûlant en espérant qu'une douche saura me remettre d'aplomb. C'est une pensée très optimiste. Mais après avoir passé les dernières vingt-quatre heures à pleurer, je n'ai pas envie de broyer du noir plus longtemps à cause d'un homme. Le trajet retour depuis Napa et l'après-midi au fond de mon lit m'ont suffi. Ou presque.

     À chaque fois que je ferme les yeux, je vois son visage. Et ça commence à me rendre dingue. Toute cette histoire n'a jamais été réelle, alors comment ça peut autant me faire mal ? Peut-être parce que pour moi non plus tout ça n'a jamais été faux. Peut-être parce que moi aussi j'aime Thomas. Depuis la première fois où je l'ai aperçu dans les couloirs du lycée. Depuis que je l'ai croisé à mon arrivée à Los Angeles.

     Et c'est pour ça que c'est autant douloureux.

     Je m'étais enfin laissée avoir des sentiments pour quelqu'un d'autre. Je m'étais enfin détachée de Joshua et j'étais prête à ouvrir mon cœur à une autre personne. Mais la même histoire s'est répétée.

     J'ai retrouvé la sensation de vide dans ma poitrine et la boule dans ma gorge. J'ai retrouvé les sanglots. Et rien de tout ça ne m'avait manqué. J'ai de nouveau laissé quelqu'un me briser le cœur et devenir l'ombre de moi-même, alors que je m'étais jurée de ne plus laisser ça arriver. Mais c'est ça l'amour. C'est laisser l'opportunité à la personne à qui vous offrez votre cœur de le détruire quand et comme il en a envie. C'est loin d'être aussi romantique que l'image que l'on se fait de l'amour habituellement, mais j'ai la sensation de ne plus y croire.

     Je sors de la douche à contrecœur et attrape les premiers vêtements qui me tombent sous la main. Je tente de me maquiller pour camoufler le teint de cadavre qui va m'accompagner aujourd'hui, mais ce n'est pas une grande réussite. On va dire que ça fera l'affaire. De toute façon, mon travail ici est fini. Je comptais faire traîner les dernières semaines de ma présence à la Cité des Anges pour profiter de celui dont on ne prononce plus le nom, mais comme j'ai fait tout ce que j'avais à faire, il est temps de rentrer chez moi.

     "Chez moi" ne sonne plus aussi bien aujourd'hui, mais je n'ai pas envie de m'éterniser ici. Et plus vite je serais rentrée à New York, plus vite je pourrais passer à autre chose.

     Et dire que j'étais partie à sa recherche pour lui dire que j'étais en train de tomber amoureuse de lui quand je l'ai retrouvé en train d'embrasser la fille qu'il essaye de rendre jalouse depuis des mois. Je suis vraiment stupide.


     Laetitia répond après trois sonneries alors que je tente d'utiliser le ton le plus enjoué que je peux offrir actuellement.

     - Hey ! Alors comment va notre Californienne ?

     - Sur le départ, je lui lance. Douce Aurore connaît un excellent démarrage alors je me dis que je peux rentrer à New York. Je peux gérer à distance maintenant.

     - Oh, vraiment ?

     Son ton traduit sa surprise.

     - Tu ne veux pas rester les dix jours prévus à la base ? Pour profiter du soleil et des Californiens ?

     - Ma mission ici est finie. Plus rien ne me retient, j'affirme.

     - Bien, comme tu veux. Envoie moi les informations de ton vol et dis moi quand tu reviens au bureau.

Tu sautes, je sauteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant