Chapitre 41

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Thomas Anderson

     Je raccompagne Amalie chez elle après cette soirée intense. Je suis vraiment honoré qu'elle m'ait invité à la soirée de lancement de Douce Aurore, la marque française sur laquelle elle travaille depuis des mois. Je suis fier de voir que tout le travail acharné qu'elle a fourni a payé. Je suis encore plus ravi de savoir qu'elle n'a pas eu besoin de faire appel à Joshua.

     Depuis que j'ai quitté son appartement pour la laisser avec lui, il y a dix jours, quelque chose a changé. Je ne saurais pas dire quoi. Elle n'a pas voulu me raconter ce qu'il s'est passé. Elle ne m'a pas expliqué pourquoi Joshua est venu la voir. Tout ce qu'elle m'a dit, c'est qu'elle ne veut plus jamais qu'il fasse partie de sa vie, et cette réponse est loin de me déplaire. Pas seulement parce que j'ai des sentiments pour elle, mais parce qu'elle mérite bien mieux. Il n'a pas su la rendre heureuse, alors il n'a plus rien à faire dans sa vie. Ça a également ravi ma sœur, qui sait probablement bien plus de choses que moi à ce sujet.

     Puis j'ai repensé à cette soirée. Enfin, avant qu'on soit interrompus. Je ne m'étais jamais confié à quelqu'un comme je l'ai fait avec elle. Tout le monde à cette image de fils prodige à son papa, et comme je ne veux pas les décevoir, j'agis comme ils l'attendent de moi. Mais j'ai la sensation qu'avec Amalie, c'est différent. Je n'ai pas à avoir peur d'être moi-même, ou de me livrer. C'est un sentiment que je n'ai jamais eu avec personne auparavant, et c'est d'autant plus déstabilisant.

     - Tu veux monter ?

     Amalie me tire de mes pensées alors que je me suis garé devant son immeuble.

     - Tu n'es pas trop fatiguée ? Tu ne veux pas aller dormir ?

     - Dis le si tu ne veux pas passer de temps avec moi.

     Sa moue boudeuse m'arrache un rire alors que je sors de la voiture. J'en fais le tour et lui ouvre la portière pour qu'elle sorte à son tour. Je remarque le sourire qui prend possession de son visage, mais ne dis rien. On se contente d'entrer dans le bâtiment et de se diriger vers l'ascenseur.

     - C'était vraiment une super soirée, je lui fais remarquer.

     - C'est vrai ? J'ai quasiment tout organisé toute seule. Bien sûr, j'ai eu l'aide de mon collègue Dan, mais depuis New York, il pouvait difficilement tout faire. J'avais peur que ce soit un désastre mais Laure et Maya avaient l'air contentes et leur mise sur le marché semble prometteuse.

     Je l'écoute attentivement débiter ces paroles à la vitesse de l'éclair. Quand quelque chose la stresse, elle se met à parler vite sans même s'en rendre compte. Je mentirais si je disais que je ne trouve pas ça adorable.

     - Tu as vraiment assuré Li.

     Elle prend une grande inspiration en se tournant vers moi. Ses épaules se détendent de soulagement, et elle retrouve peu à peu son calme.

     - Fais comme chez toi, elle me lance alors qu'on entre dans son appartement.

     C'est plus ou moins ce que je fais à chaque fois que je viens ici maintenant.

     - Tisane ?, je l'interroge alors qu'elle se laisse tomber dans son canapé.

     - Avec plaisir ! Avengers ?

     Je laisse échapper un rire avant d'acquiescer. Je n'ai généralement pas le choix dans ce genre de situation, et j'adore la manière dont ça l'amuse de voir Iron Man et Captain America se "chamailler". Selon ses dires : "on dirait un vieux couple". Pour le coup, on ne peut pas dire qu'elle ait tort.

     Et nous aussi on ressemble à un couple. À un vrai couple je veux dire.

     Non ! Je dois arrêter de laisser mes pensées aller sur ce terrain là. M'avouer à moi même que je l'aim...que je l'apprécie n'est déjà pas facile, alors si je n'arrête pas de penser à ce genre de choses, ça ne va pas s'arranger.

     Je me concentre sur la préparation des boissons chaudes avant de prendre place sur le canapé à ses côtés. Je l'observe faire une montagne de coussins pour s'installer à son aise. Elle met le film en marche alors que je parviens difficilement à détourner mon regard d'elle. Son doux visage marqué par la fatigue se détend. Je m'installe à mon tour de l'autre côté de la pile de coussins. Je suis tellement près d'elle que je perçois son parfum frais et sucré. Ça a le don de m'apaiser.

     Tout ce que l'on distingue à présent, ce sont les dialogues du film et nos respirations régulières. Je repense aux paroles d'Aaron il y a quelques mois. "Tu n'as pas envie d'avoir quelqu'un dans ta vie ? Savoir que tu n'es jamais seul, que cette personne t'attend tous les soirs, et que tu sais que tu te réveilleras à ses côtés le matin." Pourquoi ces mots prennent sens tout d'un coup ? Je veux dire, pas que je traine chez Amalie souvent. Peut-être un peu plus de la moitié de la semaine ces derniers temps. C'est peut-être devenu routinier, d'accord. Mais je crois que c'est vraiment ce que je ressens pour Amalie. J'ai trouvé quelqu'un sur qui m'appuyer. Alors pourquoi c'est si terrifiant ?

     Et puis maintenant que Joshua ne fait définitivement plus partie de sa vie, pourquoi je ne trouve pas le courage de lui avouer mes sentiments ?

     Je ne sais pas d'où sort cette poussée de courage, mais une voix intérieure me crie qu'il est temps que je lui dise, qu'elle doit savoir.

     - Li ?

     Aucune réponse ne parvient à mes oreilles alors que je me redresse pour la découvrir en train de dormir. Elle aura tenu à peine une demi-heure devant le film avant de sombrer dans le sommeil. Ce n'est pas le bon moment alors.

     J'attrape la télécommande et éteint la télé avant de me lever. Je débarrasse nos tasses et je glisse mes bras sous ses genoux, et dans son dos, en veillant à ne pas la réveiller. Mon cœur rate un battement quand elle se blottit un peu plus contre moi alors que je la soulève et que je traverse son lieu de vie pour me rendre dans sa chambre. Je serais toujours étonné du contraste entre la Amalie éveillée, pleine de vie, et la Amalie endormie, silencieuse. On dirait deux personnes totalement différentes.

     Je la dépose doucement dans son lit et la couvre avec le drap. Je tourne les talons, m'apprêtant à sortir de la pièce.

     - Thomas...

     Sa voix n'était qu'un murmure, mais je suis certain de l'avoir entendue. Je me retourne et viens m'accroupir à côté d'elle. Ma main glisse sur sa joue alors qu'elle chuchote quelques mots, ses paupières toujours closes.

     - Reste, s'il te plait.

     Je n'ose pas dire un mot. Je me relève et vais me poser à côté d'elle sur le matelas. Son corps endormi me fait face alors qu'elle vient se blottir contre moi. Je l'entoure délicatement de mes bras et la serre un peu plus contre moi. Je ferme les yeux à mon tour et profite du calme qui règne et de cette sensation d'apaisement qui m'envahit.

Tu sautes, je sauteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant