Chapitre 37

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Thomas Anderson

     Amalie baisse la tête et joue nerveusement avec le plaid entre ses doigts.

     - Ce n'était pas le cas de Josh...

     La simple entente de ce nom fait parcourir un brin de colère dans l'ensemble de mon corps.

     - Il l'a mal pris ?

     Elle ne relève pas la tête, et je sens que j'ai touché une corde sensible. Le silence règne pendant de longues secondes.

     Alors que je m'apprête à lui notifier qu'elle n'est pas obligée de répondre si elle n'en a pas envie, elle reprend la parole.

     - Au début, il disait que ça ne lui posait pas de problèmes. Mais plus notre relation avançait et on se disputait, plus c'était un sujet qu'il ramenait sur la table. Je savais qu'il voulait des enfants, mais il m'avait assuré qu'il serait prêt à faire ce sacrifice pour moi.

     Elle laisse un instant de silence avant d'ajouter.

     - À chaque crise de douleur, il ne manquait pas de me rappeler de quoi je le privais.

     Ma mâchoire se contracte et je tente de garder mon calme. Comment c'est possible d'être un connard à ce point ?

     - Je ne pouvais pas lui en vouloir, je sais que c'est un sujet qui peut peser sur un couple.

     Elle soupire, mais ne relève toujours pas son joli visage.

     - Tu n'as pas à te sentir responsable de tout ça Li. Tu n'y es pour rien. J'espère que tu en es consciente ?

     Elle porte enfin son regard sur moi, et je perçois ses yeux briller, se remplissant de larmes. Cette vision me serre le cœur. Elle se contente d'hausser les épaules, peu convaincue.

     - Cette maladie, tu ne l'as pas choisie. C'est quelque chose qui doit être dur à porter et ce tocard n'a aucun droit de te le reprocher. Ce n'est pas ta faute.

     J'insiste sur chacun de mes mots, en espérant que ça ait l'effet escompté. J'attrape doucement sa main et la serre dans la mienne pour appuyer mes propos. J'observe son visage marqué par la fatigue se détendre peu à peu. Elle devait sûrement appréhender d'aborder le sujet avec moi, au vu de la réaction qu'a pu avoir ce Joshua, mais je veux qu'elle sache qu'elle n'a pas à avoir ce genre de peur avec moi. Tout ce que je veux, c'est qu'elle se sente bien.

     - Ce n'est pas trop compliqué à gérer ?, je lui demande finalement.

     - Un peu, mais je suis loin d'être à plaindre. Généralement, les anti-douleurs font effet, mais il reste des jours où ce n'est pas le cas.

     Elle fait allusion aux jours comme aujourd'hui, où la douleur doit fortement la limiter dans sa vie quotidienne. La voir mal comme ça me donne envie de lui retirer cette douleur et de la prendre pour moi, juste pour la voir de nouveau sourire. Mais je me sens surtout impuissant.

     - Je veux que tu saches qu'avec moi, tu n'as pas à avoir peur de me parler, ou de dire quand ça ne va pas. Même si je ne peux pas faire grand chose, j'ai envie d'être là pour toi.

     Je veux qu'elle le sache, qu'elle n'en doute jamais. Elle peut compter sur moi et mon soutien. Elle m'offre un sourire reconnaissant et serre à son tour ma main dans la sienne pour me remercier. Elle prend quelques gorgées de tisane et me notifie qu'elle l'apprécie. Elle me remercie de l'attention alors que je lui indique qu'elle n'a pas à le faire. Elle repose la tasse sur la table avant de reporter son attention sur moi.

     - Et toi alors ? Qu'est-ce qu'il s'est passé depuis le lycée ? Je n'ai pas souvenir que tu rêvais de travailler dans le vin.

     Elle n'a pas tort. Je ne rêvais pas de suivre les pas de mon père. Il est vrai que depuis nos retrouvailles, nous n'avons pas eu l'occasion d'avoir une conversation sur ma vie entre le lycée et maintenant.

     - En effet, ce n'était pas le cas.

     Elle semble percevoir que je ne dis pas tout et m'invite du regard à poursuivre.

     - Ce n'est toujours pas le cas.

     Elle fronce les sourcils, ornant son doux visage d'une expression interrogatrice.

     - Au lycée, je ne savais pas ce que je voulais faire. Alors quand mon paternel a été appelé pour récupérer la tête de l'entreprise de son père, il a tout de suite pris pour acquis le fait que je lui succéderai un jour.

     - Et toi, de quoi as-tu envie ?

     Je laisse un soupire se glisser entre mes lèvres alors que je m'enfonce un peu plus dans le canapé et caresse le dos de sa main avec mon pouce.

     - Je n'ai jamais vraiment eu le temps d'y penser en fait. J'ai à peine été diplômé du secondaire que mon père m'avait déjà inscrit à UCLA. Il voulait être sûr que les études que je suivrais seraient à la hauteur du poste que je récupérerai un jour.

     - Donc tu n'as jamais pris le temps de savoir réellement ce que tu avais envie de faire ?

     Je secoue la tête.

     - Mon père ne semblait pas vraiment me laisser le choix. Il ne m'a même pas posé la question et a choisi pour moi. Alors tenter de découvrir ce que j'aurais aimé faire était inutile.

     Et douloureux. Je n'aurai jamais eu la possibilité de le faire de toute façon. Un air désolé se lit sur le visage de la brune qui se tient à mes côtés.

     - Et toi alors, le marketing ? Je t'imaginais dans quelque chose de bien plus... exotique.

     Je lui arrache un éclat de rire qui vient réchauffer ma poitrine.

     - Je ne savais pas trop quoi faire non plus en sortant du lycée et mon frère a toujours voulu travailler dans le marketing, c'était normal de suivre ses pas.

     Elle affiche un léger sourire qui trahit un éclat de tristesse, et je me dis que c'est le bon moment pour l'interroger à ce sujet.

     - C'est Maxime ton frère, c'est ça ?

     Elle mime un oui de la tête.

     - Il est resté en France ?

     - En fait, il est mort il y a quelques années d'une leucémie.

     - Oh, excuse-moi, je ne savais pas, je m'empresse de dire.

     - Ne t'excuse pas ! Suivre ses pas, c'est un peu comme continuer de le faire vivre à travers moi.

     - Il serait fier de toi, j'en suis sûr.

     Elle m'offre un léger sourire. Sarah aurait tout de même pu me le dire. Je me sens idiot de ne pas l'avoir su avant.

     - J'espère, je fais tout pour en tout cas.

Tu sautes, je sauteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant