Tu sautes, je saute

Chapitre 31

Thomas Anderson

     Le téléphone d'Amalie sonne de nouveau mais je tente de ne pas me laisser distraire par l'auteur de ces sollicitations à répétition. Soit Amalie n'a pas été assez claire avec lui concernant la nature de la relation que "j'entretiens" avec elle, soit elle est toujours amoureuse de lui et ils sont réellement sur le point de reprendre là où ils s'en sont arrêtés. J'essaye de rester concentré sur la conversation avec mes amis mais un message sur le portable d'Amalie me tire de la discussion animée qui a lieu autour de moi.

     - Et bien Li, tu es très demandée dis donc !, s'exclame mon meilleur ami.

     - Oui, elle souffle.

     Elle attrape son portable et jette un coup d'œil à ses notifications avant de la ranger dans sa poche.

     - C'est le travail.

     Je sais qu'une part de sa réponse est vraie, mais elle ne dit pas toute la vérité, et je suis le seul à le remarquer. Mes potes continuent de siroter leur boisson tandis que je me tends en pensant à ce Joshua. C'est le week-end, alors ça m'étonnerait qu'il appelle pour parler travail. Amalie semble ailleurs alors qu'elle finit son verre et qu'elle m'indique qu'elle va en chercher un autre.

     - J'y vais, je m'empresse de dire.

     Les traits de mon visage fermé, je me lève sans lui adresser un regard. J'entends quelqu'un se lever et m'emboiter le pas. Une fois éloignés de notre table, Eliott prend la parole.

     - Qu'est-ce qu'il t'arrive mec ?

     Je passe commande auprès du barman alors que je fuis le contact visuel de mon pote.

     - Rien, je dis les dents serrées.

     Je sais qu'il n'en croit pas un mot. Il me connait bien mieux que je le pense, et il est capable de deviner que quelque chose me préoccupe sans que j'ai à ouvrir la bouche.

     - Il y a un problème avec Li ?, il me demande en payant nos verres pour moi.

     Ma mâchoire se contracte alors que j'essaye de garder mon calme.

     - Son ex veut pas la lâcher, je lance finalement.

     Je sens le regard d'Eliott me scruter alors que je fais tout pour essayer de détendre mon visage crispé.

     - Pitié Tommy, tu vas pas me dire que t'es jaloux ?

     Une vague de surprise emplit mon corps.

     - Moi ? Jaloux ? Mais pour qui tu me prends ?

     Mon pote pouffe alors que je porte ma bière à mes lèvres. Boire me détendra sûrement, et je n'ai aucune envie de retourner à table alors que la colère semble vouloir s'immiscer dans mes veines.

     - Thomas Anderson n'est pas jaloux, reprend mon meilleur ami. Les gens sont jaloux de lui, nuance.

     Il parvient à m'arracher un rire. Je porte finalement mon regard sur lui pour le découvrir en train de me sourire, serein.

     - Ce que je veux dire, mon pote, il ajoute, c'est qu'elle t'aime cette nana, ça crève les yeux !

     Mes sourcils se haussent d'étonnement sans que je le veuille et j'écoute attentivement chacune de ses paroles, tentant de me rassurer.

     - Il suffit de voir la manière dont elle te regarde pour le deviner, elle est carrément folle de toi. Pire que Katelyn !

     Un nouveau rire s'échappe de ma gorge face à sa remarque. Mon meilleur ami sait comment me calmer.

     - Bon aller, on y retourne, il ajoute.

     On attrape les verres et on regagne notre table alors que j'aperçois Li pianoter sur son portable, le visage fermé. Peut-être qu'Eliott a raison. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que nous ne sommes pas amoureux, et que rien ne la retient de retourner dans les bras de son ex-fiancé. Ça me tue de l'admettre, d'autant plus quand je sais qu'il lui a brisé le cœur, mais la manière dont il ne lâche pas l'affaire pourrait la convaincre d'accepter sa proposition. Ça ne m'aurait pas gêné il y a trois mois, mais aujourd'hui, y penser me sert la poitrine.

     À peine je me suis assis que son téléphone sonne de nouveau.

     - Excusez-moi, je dois répondre.

     Elle se lève et au vu de l'expression qui orne son visage, je sais que c'est lui. Les dernières minutes où je suis parvenu à me rassurer semblent lointaines et un mélange d'inquiétude et de rage me gagne. C'est donc ça, la jalousie ? Je n'aime pas du tout ça. Ça veut dire que je suis bien plus attaché à elle que je le voudrais, et c'est exactement ce que je ne voulais pas qui arrive.

     Je l'observe à travers la vitrine du bar. Elle fait des aller-retours en se mordant la lèvre, probablement jusqu'au sang. C'est une habitude qu'elle a quand quelque chose la préoccupe, mais je me doute qu'elle le fait inconsciemment. Elle a l'air d'argumenter avec son interlocuteur quand son regard se pose finalement sur moi à travers la vitre. Son visage reste neutre avant qu'elle ne me tourne de nouveau le dos. À cet instant, je regrette de ne pas être à côté d'elle pour dire à cette enfoiré d'arrêter de l'appeler. Mais je n'ai aucun droit de faire ça et ça me fout encore plus en rogne. J'avale quelques gorgés de ma boisson alors que la voix de mes potes m'arrache à mon observation.

     - Il veut vraiment pas la lâcher, lance Eliott.

     Je ne peux m'empêcher de le fusiller du regard. Je sais qu'il n'y est pour rien, mais la dernière chose dont j'ai envie actuellement, c'est qu'il relève l'évidence.

     - Tu me dis si tu veux qu'on s'occupe de lui.

     La blague de mon meilleur pote me passe au-dessus. D'habitude, ça m'aurait amusé, mais à cet instant, je serais presque tenté de le prendre au mot. "Thomas Anderson n'est pas jaloux". Il semblerait que si.