Chapitre XXXVI

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Juste avant d’entrer dans la chambre d’Elisabeth, Kaycee prit une grande inspiration. La main sur la poignée, elle entendit la chanson mélancolique de son amie « Mon bébé, mon bébé, ne me laisse pas ! Je t’en prie, ne m’abandonne pas, mon bébé ! », ses larmes se mirent à couler sans qu’elle ne puisse les retenir face à la détresse de sa patiente. Elle prit quelques minutes pour se ressaisir, sécha ses larmes et entra dans la chambre. Kaycee regarda Elisabeth, Elisabeth semblait la regarder en retour, mais l’image de Kaycee ne s’y reflétait pas. Elisabeth regardait dans le vide sans voir ce qu’il se trouvait autour d’elle. Kaycee s’approcha, Elisabeth continuait sa chanson lancinante tout en caressant son ventre.

— Elisabeth ?
— « Mon bébé, mon bébé, ne me laisse ... »
— Elisabeth ? Tu m’entends ?

Elisabeth pleurait tout en continuant à chanter et à caresser son ventre. À nouveau, Kaycee ne put retenir ses larmes. Elle lui prit les mains et tenta de la ramener vers la réalité.

— Elisabeth ? S’il te plaît, Elisabeth, écoute-moi. Écoute ma voix. Je sais que tu es sous le choc, mais, s’il te plaît, regarde-moi.
— Mon bébé, mon bébé, mon bébé…

Comme Elisabeth ne décrochait toujours pas, Kaycee prit le visage de son amie entre ses mains et la regarda dans les yeux.

— Elisabeth ? Elisabeth, tu m’entends ? Ça va ?
— Kaycee ? Oui, ça va, qu’est-ce que tu as ? Demanda Elisabeth comme si elle se demandait pourquoi son amie était ainsi penchée sur elle.
— Ça fait cinq minutes que je te parle et que tu ne m’entends pas.
— Mais je t’entends, je te vois, pourquoi es-tu aussi près de moi ?
— Parce que j’ai peur.
— Peur de quoi ?
— Tu étais complètement ailleurs, ma belle. Tu étais là, mais absente.
— Non, dit Elisabeth en regardant Kaycee et en lui souriant. T’inquiète pas, je suis là.

Le sourire d’Elisabeth était si peu naturel que Kaycee en eut des frissons, l’attitude et les paroles de son amie lui donnaient froid dans le dos tant elle était présente physiquement, mais absente pour tout le reste ; de plus, la sérénité qui émanait d’elle était vraiment étrange. Kaycee voulut lui répondre, mais on entendit des éclats de voix dans le couloir.

— Mais monsieur, le docteur a dit que vous deviez attendre !!!
— Et moi, je vous dis que c’est ma femme et que j’ai besoin de la voir !!! gronda William avant de rentrer.
— Monsieur Foster, il me semble que je vous ai dit qu’il fallait que vous patientiez, non ? Demanda fermement Kaycee.
— Mais j’ai besoin de voir ma femme, ça fait des heures que j’attends et qu’on ne me donne aucune nouvelle. Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Votre femme a perdu beaucoup de sang, elle est épuisée et a besoin de repos et que les médicaments agissent.
— Mais, moi, j’ai besoin de la voir.
— Je ne pense pas que ce soit le moment pour cela, monsieur Fos…
— Kaycee, pourquoi est-ce que tu ne veux pas laisser mon mari me voir ?

Kaycee se tourna vers Elisabeth, choquée à la fois par la question et le ton de voix employé. Elisabeth était si calme alors qu’elle aurait dû être tout le contraire après ce qu’elle venait de subir ou au pire, elle aurait au moins dû être effrayée par la présence de son bourreau, mais rien. Quand William entendit sa femme, elle prit cela comme une invitation et se rapprocha de son lit.

— Chérie, comment vas-tu ?
— Ça va.
— Je suis désolé, tu sais. Tellement désolé. Je ne voulais que tout ça, je ne voulais pas que ça arrive ni que ça se passe comme ça. Je veux que tu guérisses et que tu sortes d’ici, on va arranger les choses. Tu me manques, je t’aime. Lexa est passée prendre les enfants, je ne sais même pas où ils sont, ça m’inquiète.

William continua un long monologue où tantôt il se confondait en excuses ce qui donnait la nausée à Kaycee et tantôt il s’énervait contre Lexa qui lui avait volé ses enfants ce qui exaspérait la médecin au plus haut point. Elisabeth, elle, l’écoutait sans dire un mot, elle le voyait et l’entendait, mais elle ne parlait pas. Kaycee ne savait pas ce qui l’énervait le plus : voir William parler sans s’arrêter pour dire des inepties hypocrites ou voir Elisabeth l’écouter sans se rebeller comme si elle croyait en ses paroles.

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