Chapitre XVIII

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Deevyah était un peu gênée, après tout, c’est à Kaycee qu’elle venait parler et non à Elisabeth. De plus, Elisabeth ne connaissait toujours pas le travail de Deevyah et cette dernière ne savait pas comment lui expliquer les choses.

— Non, je ne veux pas te déranger, je vais attendre que ma cousine arrive, c’est le mieux.
— Tu ne me déranges pas, voyons. Au contraire, je veux t’aider, je veux savoir ce qui te met dans cet état. Maintenant, si tu ne te sens pas à l’aise avec moi ou si tu ne me fais pas confiance, je comprendrais, ne t’en fais pas.

Deevyah n’avait vraiment pas envie qu’Elisabeth ait l’impression qu’elle la voyait comme une fouineuse ou qu’elle n’avait pas envie de lui parler.

— Il s’est passé quelque chose d’horrible à mon travail !
— Ah bon ? Et il s’est passé quoi ?
— Quelqu’un est mort, dit difficilement Deevyah des sanglots dans la voix.
— Quoi ? Quelqu’un est mort ? Demanda Elisabeth éberluée. Et toi ça va ? Que s’est-il passé ?
— …
— Mais tu fais quel travail ? Je n’ai encore jamais eu l’occasion de te demander.

Ce que Deevyah craignait arriva finalement plus vite que prévu. Elle aurait pu saisir l’occasion pour tout lui expliquer, mais elle paniqua et préféra omettre certains détails.

— Ce n’est pas vraiment très intéressant comme travail. On va dire que je fais un peu comme toi, je réponds à des appels.
— Okeyy, répondit Elisabeth qui trouvait la réponse très vague. Et alors ?
— Alors j’ai pris un appel, c’était des enfants qui appelaient, parce que… parce que… parce que…

Deevyah n’arriva pas à aller plus loin, les larmes se mirent à couler sans qu’elle ne puisse les arrêter ou les cacher. Elle avait appelé un de ses amis qui travaillaient dans la police pour savoir la suite et il lui avait annoncé le décès de la dame. En effet, son compagnon ne lui avait laissé aucune chance, il avait tiré à bout portant et en plein coeur. Deevyah se demandait comment les enfants allaient réussir à surmonter ça. Surtout en sachant que le meurtrier de leur maman avait réussi à s’enfuir juste avant l’arrivée de la police. Plus elle repensait à tout ça, plus elle se sentait malheureuse et plus elle se sentait impuissante. Elisabeth vint poser sa main sur la cuisse de Deevyah en la caressant doucement pour la réconforter. Ce simple geste donna des frissons à Deevyah dans tout son corps. Elle se concentra sur ce qu’elle devait dire et non sur cette main si douce.

— C’est les enfants qui… qui ont appelé pour dire… que leur maman était en train de se disputer… et de se faire battre par son copain. Et il a fini par lui tirer dessus.
— Nooon ?
— Si, s’effondra Deevyah. On était encore au téléphone… J’ai entendu le bruit… J’ai eu si peur… Peut-être même plus que les pauvres petits… Eux ne savaient pas ce qu’était ce bruit alors que moi… Si tu les avais entendu… Ils semblaient si fragiles et perdus… Avant de raccrocher, je les ai entendu hurler après leur maman, car elle ne se réveillait pas… C’était déchirant… Je ...C’est trop dur… Comment les gens peuvent être aussi méchants et faire du mal aux gens qu’ils sont censés aimer ?

Elisabeth ne put répondre à Deevyah tant ce qu’elle venait d’expliquer faisait écho à sa propre vie. Elle se leva pour faire les cent pas, elle imaginait Lov et Liv cachés dans la maison pour passer un appel à la police et expliquer des choses similaires.

— Elisabeth ? Vous allez bien ? Demanda Deevyah, hésitante.
— Oui, ça va, c’est juste que cette histoire me donne un choc.
— Oui, tout comme moi. Les enfants avaient quatre ans et six ans et demi, ils étaient cachés là où leur mère les avait laissé, c’est tellement dur et injuste.
— Je suis vraiment désolée, dit Elisabeth en revenant s’asseoir près de l’indienne. Je sais que je ne suis pas Kaycee et que probablement, ce que je vais te dire ne te réconfortera pas, mais je suis vraiment désolée. Et je suis spûre que si ces enfants sont tombés sur toi au bout du fil, ce n’est pas pour rien. Tu as dû savoir les écouter, les épauler et les rassurer, car tu es comme ça, même si toi aussi tu devais être mal d’entendre tout ça. Mais si tu travailles à l’accueil téléphonique dela police, c’est pour une bonne raison, sinon on ne t’aurait jamais donné un poste avec autant de reponsabilités et qui demande autant de forces morales.
— …
— Oui, j’ai supposé que tu prenais les appels de la police vu que tu n’avais pas d’uniforme, sourit Elisabeth en voyant le regard interrogateur de Deevyah. C’est déjà énorme ce que tu fais : pouvoir être présente pour les gens qui appellent, les aider, les orienter, les rassurer. Tu ne peux pas savoir comme ça fait plaisir de passer ce genre d’appel que ce soit la police, les urgences générales ou l’accueil d’un hôpital et de tomber sur une personne à l’écoute et empathique comme toi, c’est très réconfortant. Et crois-moi, je parle en connaissance de cause, continua Elisabeth tout en souriant en repensant à son dernier appel au 911 et à Patel qui en l’écoutant et en l’orientant vers le Cedars-Sinaï lui avait permis de rencontrer Kaycee puis Deevyah.
— Merci beaucoup, c’est très gentil. Vos propos me touchent énormément, dit Deevyah en souriant à Elisabeth.
— C’est la vérité, je te dis juste ce que je pense et ressens, car tu as l’air d’être quelqu’un de génial.
— Merci beaucoup Elisabeth. Je peux vous faire un câlin ?
— Oui, bien sûr, répondit Elisabeth en ouvrant les bras.

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