Chapitre 32

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Elle était là, juste à côté de lui, et il ne pouvait détacher son regard de son profil alors qu'il devait faire face à la foule. Il ne voyait que cet être chétif et épuisé à côté de lui, à genoux, les yeux clos, qui attendait la mort.

Elle croyait qu'il allait la tuer.

Il avait appris à reconnaitre les différents visages face à la mort.

Il y avait les terrifiés, ceux qui auraient pu vendre leurs enfants pour sauver leur vie. Il y avait ceux qui étaient tétanisés, horrifiés par la mort, horrifiés par ce qu'il pouvait bien y avoir ensuite, qui restaient sans bouger, sans même se défendre, alors que la mort venait à eux. Il y avait les courageux, ceux qui emportaient autant de monde que possible avec eux, résignés à mourir, mais pas seul. Et puis il y avait ceux qui étaient résignés. En paix.

On aurait dit qu'elle faisait partie de ceux-là. Si ses épaules n'avaient pas tremblé, il aurait presque pu croire qu'elle n'avait pas peur.

Gryffondor, courageux ? Pourtant elle avait peur. Peur de la mort.

Et lui, n'avait-il pas peur de la mort comme tout le monde ?

-    Général, souffla l'un des gardes à côté de lui.

Elle avait l'air plus jeune avec ses cheveux courts. Ça lui avait fait mal, de les couper.

-    Mon général, vous ne deviez pas prendre la parole ? insista le garde.

Elle rouvrit les yeux mais elle ne les releva pas vers lui. Il n'y avait que tous ceux en face d'elle qui avaient le droit à son regard brun.

Elle avait repris du poil de la bête. Ses joues n'étaient plus aussi creuses, et son teint un peu rosé lui donnait l'air en meilleure santé qu'à l'époque où elle se trouvait ici, même sous sa protection. Il ne pouvait s'empêcher de s'abreuver de son profil si parfait, qui lui avait atrocement manqué malgré la colère qui le consumait, malgré la haine qui l'incendiait tout entier.

Il avait été tiraillé entre ses deux émotions paradoxales, celle de vouloir sa vengeance, sa mort à tout prix, et celle de la revoir, de revoir son visage, croiser son regard brun et chaud, plein d'espoir et de chaleur. Rien que pour lui. Il voulait entendre sa voix murmurer son prénom. Il voulait sentir sa main brûlante glisser jusqu'à la sienne sous la couverture quand il n'y avait plus personne pour les voir, lorsqu'il n'y avait plus la moindre chandelle pour les exposer. Il voulait voir ses sourcils se froncer de colère contre lui. Il voulait voir ses lèvres s'ourler d'un sourire lorsqu'il faisait des remarques cyniques ou l'entendre rire lorsqu'il faisait l'une de ses blagues trop noires qui ne l'auraient jamais fait sourire à l'époque de Poudlard. Il voulait voir ses lèvres se pincer lorsqu'il ne respectait pas son code de rangement des archives. Il voulait la voir pleurer de regret de l'avoir trahi. Il voulait l'entendre dire qu'elle n'aurait jamais dû le faire. Il voulait la voir souffrir. Il voulait la voir sourire comme le soir où ils avaient fêté Noël. Il voulait la voir au fond du trou. Mais il voulait sentir sa main dans la sienne. Sentir son corps à côté du sien dans son lit. Il voulait lui dire comme il ne voulait plus jamais la voir disparaitre, ne plus jamais la quitter du regard et il voulait qu'elle ait mal, comme il avait mal.

Il voulait qu'elle souffre autant qu'il souffrait.

-    Mon général ...

Il pensait que la retrouver règlerait tout ses problèmes, qu'il aurait enfin l'esprit tranquille de l'avoir retrouvé. Maintenant, il se rendait compte que c'était loin d'être le cas. Son coeur était tiraillé entre haine, soulagement et amour. Il avait l'impression qu'il allait exploser de ce trop plein d'émotions contradictoires.

Coeur de fer, coeur de pierre, coeur briséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant