14.Un mois

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Antonin

Cela fait un mois que je me suis marié. Un mois que je vis avec cette femme dans ma maison. Et un mois que je l'ai à peine aperçu.

Et pour cause, je fais tout pour ne pas la croiser. Et je suis plutôt certain que c'est réciproque.

Je l'ai vu s'esquiver quand, par malchance, je devais passer près d'une pièce dans laquelle elle œuvrait. Elle avait visiblement le don pour disparaitre.

Et comme je ne souhaitais pas plus qu'elle de rencontre, je ne lui en tiens pas rigueur. Ne plus la voir m'a permis de me remettre les idées en place.

Deux jours après mon retour au manoir et notre dernière conversation en face à face, je suis parvenu à travailler sans penser à elle. Ce qui fut une véritable libération.

Bien qu'avant que je puisse totalement passer à autre chose, j'ai relu personnellement le dossier que j'avais demandé avant le mariage sur ma fiancée.

Je ne l'avais lu qu'en diagonale. Mais mon instinct me soufflait qu'il avait quelque chose de louche dans cette histoire.

Lire le dossier loin permis de me remettre les idées en place. Quand mon père et celui de ma femme s'était mis d'accord pour nous marier, elle et moi, mon père et moi avons trouvé cela étrange qu'il nous propose leur plus jeune fille qui n'était apparue que deux ans plus tôt, au moment où nos deux familles se rapprocher.

À cette époque, je n'avais encore rien contre les Rochambeau, mais la coïncidence était troublante quand l'on considérait que les deux grandes sœurs étaient plus proches de moi en âge. Et pour dire, l'une d'elle avait mon âge.

Pourquoi offrir leur fille de quatre ans ma cadette ? Fille dont la maladie les avait soi-disant forcés à la garder cachée. Si faible que même révéler au monde, elle ne faisait que peu d'apparition.

Forcément, père et moi avons soupçons la tromperie. Par trois fois, nous avons réussi à nous procurer de l'ADN du père et de la fille. Et par trois fois, les laboratoires nous ont bien confirmé que les échantillons avaient toutes les probabilités d'être celui d'une fille et d'un père.

Trouver des informations sur elle a été quasiment impossible. Nous n'avons pas trouvé sa trace avant qu'elle soit suffisamment remise pour que sa famille annonce son retour au foyer familial.

Avant, au dire de ces gens, elle avait été confiée à un institut médicalisé de pointe. Mais malgré tous nos efforts, nous n'avons jamais su lequel c'était.

Une fois chez elle, elle n'en est guère sortie. Elle faisait l'école à la maison et les hommes placés habilement autour de chez eux ne l'ont vu sortir que deux ou trois fois par an.

Même lorsqu'il y avait des invités, elle n'était pas toujours présente. Il semblerait qu'elle était, jusqu'à il n'y a pas si longtemps encore, convalescente.

La dernière information que j'avais à son sujet, c'est qu'elle a passé son Bac avec mention très bien, mais qu'elle n'a jamais postulé pour des études supérieures.

À dix-neuf ans, elle ne faisait rien de sa vie. Bien-sûr, cela ne veut rien dire d'elle. Elle pouvait très bien avoir pris une ou deux années sabbatiques pour se reposer avant de reprendre des études.

Pourtant, la lecture de ce dossier a été ce qui m'a permis d'être de nouveau sûr de moi la concernant.

Elle avait passé toute son adolescence enfermée, dorlotée et chouchoutée dans un nid de vipère. Il n'y a aucune chance pour qu'elle n'en soit pas devenue une elle-même.

Elle a été éduquée pour devenir ma femme, nul doute qu'ils ont pris tous leur temps pour lui inculquer ce qui me plaisait chez une femme. C'est ce qui est parvenu à me perturber.

Et si l'on ajoute à tout ça, les commentaires réguliers que sa sorcière de mère et ses gorgones de sœurs, ça donne le portrait parfait de la petite fille gâtée et parfaite manipulatrice.

Car oui, la famille de cette chère et douce vipère ne perdait pas une occasion en public pour chanter les louanges de cette fragile et merveilleuse enfant. À leurs dires, nulle famille ne peut se targuer de prendre mieux soin d'une des leurs.

Il n'y a rien à dire ce mois loin d'elle m'a définitivement permis de me soigner du poison qu'elle avait commencé à distiller en moi.

Et pour me faire un rappel constant de qui elle est, les rapports régulier fait par Sylvie me parvenaient régulièrement sur mon bureau quand elle ne venait pas elle-même s'indigner de devoir s'occuper d'elle.

Je ne sais pas à quel point je peux lui faire confiance. Ma gouvernante est certes loyale, mais certainement pas honnête. Je ne doute pas que si ses rapports ont sans aucun doute un fond de vérité, il n'en reste pas moins largement exagéré.

Il ne m'a pas fallu longtemps pour demander à Martial de vérifier ses allégations sur le manque ponctualité de cette sorcière. Et il m'a assuré que tous les jours, elle travaillait de sept heures à midi, soit cinq heures. Donc plus que je ne lui en demande.

En découvrant cela, je suis un temps retombé dans le travers de me demander jusqu'à quel point elle était semblable à ce que je pensais d'elle. Mais je m'en remis très vite.

Cependant, je ne prête plus autant attention aux plaintes incessante de ma gouvernante.

Finalement, le dernier contact que j'ai eu avec ma femme, c'est ce message qu'elle m'a envoyé environ une semaine après mon retour au manoir :

" Bonjour,
je suis désolée de vous importuner de cette manière, mais je ne sais vers qui me tourner. Comme vous me l'avez autorisé, j'ai fait une liste de tout ce dont j'ai besoin pour l'entretien de plantes de cette maison. Pensant que je devais la retourner à Madame la gouvernante, je lui ai donné cette liste. Elle me l'a cependant retournée en m'assurant que ce n'est pas à elle de s'en occuper.
Me voilà donc dans l'embarras de devoir vous déranger. Je ne sais pas vers qui me tourner ainsi voici ci-joint la liste concernée.
En espérant sincèrement ne pas vous avoir manqué de respect en m'adressant à vous pour un si petit problème.
Aliénor"

Ce message m'a semblé étrange, et je doutais réellement que ce soit passé ainsi avec Sylvie. Je ne doutais pas que cette dernière ne le lui avait pas dit aussi clairement que ce n'était pas à elle de s'en occuper, puisque c'est faux. En règle générale, c'est ma gouvernante qui se charge des dépenses de cette maison. Sauf celles qui sont bien trop chères.

Mais ne voulant pas rompre ma parole et sachant que pour cela, je ne pouvais pas passer par Sylvie. J'avais chargé Christophe, mon homme de confiance qui est chargé des finances de mes entreprises légales comme illégales, de ce chargé de ce problème.

Ainsi, je n'ai eu même pas à répondre à cette femme.

Bref, cela fait bien longtemps que je ne lui avais pas parlé et malheureusement ce temps de grâce prend fin.

Je l'ai convoqué aujourd'hui dans mon bureau après avoir bien trop repoussé ce moment.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant