30. Prison

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Antonin

Il n'y a plus de temps à perdre. Tout en me dirigeant vers la cellule, je sors mon téléphone.

Mon interlocuteur devait attendre mon appel, car il décroche en quelques secondes :

- Monsieur ?

Sa voix est tendue par l'appréhension. Il se demande sans aucun doute ce que j'ai déduit de ma lecture. Il doute encore que ma colère me rende aveugle.

- Martial, je veux que tu me rejoignes dans la cave. Mais avant ça, trouve-moi quelqu'un pour remettre la chambre d'Aliénor en état. Je veux que tous soit impeccable, mais surtout, il ne faut pas que ce soit Sylvie. D'ailleurs, je veux même qu'elle ne soit au courant de rien.

- Ce sera fait, monsieur.

Je peux entendre le soulagement dans sa voix. Je ne sais pas jusqu'où il a lu, mais visiblement, il est parvenu au même conclusion.

Raccrochant, je me rends compte de mon malaise, l'imaginant lire le journal intime. Un sentiment proche de la jalousie me comprime la poitrine. C'est complètement con.

S'il n'avait pas lu le journal, il n'aurait pas voulu que je le lise par moi-même. Et sans ça, je doute que j'aurais agi aussi vite.

C'est presque essoufflé que je descends les dernières marches vers les cachots. Ces derniers se trouvent en plein milieu du parc et la route pour y parvenir est bien dissimulée. De l'extérieur, cela ressemble à une simple maisonnette. Mais à l'intérieur, passer le poste de garde, il y a une porte qui donne sur l'enfer.

Derrière la porte, un escalier qui descend sur des dizaines de mètres avant de déboucher sur un labyrinthe de galeries parsemées de cellules et de salles de tortures. Des centaines de cellules pour des dizaines de salles de tortures.

De nos jours, peu sont encore utilisées. Pourtant l'immensité de ses lieux reflète encore l'influence de ma famille dans l'histoire.

Ce lieu est aussi vieux que le manoir et est témoin des agissements de ma famille depuis des siècles. Régulièrement, les chefs de famille ont fait des améliorations, des rénovations.

Mon père a fait rénover sa propre salle de tortures avec les dernières nouveautés pour torturer un être humain. Elle ressemble d'ailleurs plus à une salle d'opération d'un blanc stérile.

Mon frère étonnement préfère les salles de tortures moins sophistiquées. Il aime même se rendre dans les salles les plus anciennes et sales, estimant que cela met ses victimes dans le bon état d'esprit.

Moi, je ne torture que rarement, je n'éprouve aucun plaisir à faire ce genre de tâche que la plupart de nos hommes feront avec plus d'entrain que moi.

C'est pour cela que je choisis plus promptement la torture psychologique. Privation sensorielle, privation de nourriture, privation de sommeil, bruit répétitif, isolement complet... Tant de moyens de placer n'importe quel humain dans un état de faiblesse mental sans même se salir les mains.

C'est pour cela que j'avais placé Aliénor dans cette cellule. C'est la plus soft que j'ai pour mes interrogatoires.

Et pourtant, bien qu'elle ait été placée dans l'une des plus douces, propre et neuve, je sens déjà la culpabilité ronger mes entrailles. Je l'avais enfermée alors qu'elle ne rêvait que d'une chose, de la liberté. J'ai fait d'elle m'a prisonnière alors que depuis le premier jour de son arrivée, elle se considère comme ma captive.

Je suis connu pour être le plus observateur de ma famille et pourtant la haine m'a aveuglé au point de ne pas voir l'évidence.

Sans prêter attention aux hommes qui sont de garde, je pénètre dans leur salle pour récupérer les clés des cellules.

Alors que je marche rapidement vers sa cellule, Martial ne rejoint. Il ne prête guère plus attention à l'homme qui nous suit, essayant de nous demander ce que l'on fait et s'il peut nous aider.

Je place dans un coin de ma tête que son comportement me paraît suspect. Je connais peu Adam, l'homme qui nous suit. Comme la plupart des hommes ici, il est sous le commandement de mon père ou mon frère, peu importe. Bien sûr, comme je suis celui qui habite le manoir en ce moment, j'ai un droit de regard sur qui se trouve sur ses terres, mais je n'y prête guère attention.

Cependant, je remarque rapidement le comportement nerveux de l'homme, mais je n'ai pas le temps de m'en soucier. Je dois la sortir de là.

Ce qui m'agace plus c'est de ne pas voir Loïc. Le jeune à qui j'avais confié le soin de ma prisonnière. Comme c'est pour l'instant ma seule détenue, ça ne peut être qu'elle la raison de ma venue. Ce devrait être lui qui me court après pour me faire un contre-rendu de sa détention.

Une fois arrivé, je fais une pause. Mon regard trouve celui de Martial qui hoche la tête. Il est d'accord avec moi. Avant que je n'ouvre, il me glisse :

- Ma femme et mon fils s'occupe de sa chambre et j'ai donné sa soirée à Sylvie en prétextant que tu as dû sortir pour un rendez-vous.

Tout est donc prêt. Il ne me reste plus qu'à affronter les conséquences de ma bêtise. Je tourne la clé dans la serrure.

Et je ne suis pas prêt à ce qui m'attend derrière la porte. En l'enfermement, malgré ma colère et ma haine, j'avais donné des ordres très clairs.

Le premier était qu'elle devait recevoir suffisamment de repas pour être en forme. Pas juste pour survivre. Je n'avais pas pour but de l'affaire. Elle devait donc recevoir au minimum deux repas par jour avec suffisamment d'apport énergétique. J'avais juste demandé à ce qu'ils soient distribués de manière irrégulière.

En dehors des repas, elle devait rester seule. La solitude pouvait devenir vite pesante, surtout quand l'on a quelques choses à se reprocher. Elle devait ainsi avoir le moins de contact avec l'extérieur. Loïc a pour ordre de ne même pas lui parler ou même la regarder.

Cependant, il devait la surveiller via les caméras. Il fallait qu'il s'assure de sa bonne condition physique.

Mon dernier ordre était que l'on me prévienne si elle souhaite avouer, si elle est malade ou si elle met sa vie en danger.

Des règles parfaitement claires. Pourtant, des règles qui ont été bafouées. C'est dans un maelstrom d'émotions, passant de la rage à la culpabilité que je pénètre dans la cellule.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant