21.La chute

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Aliénor

Cela fait maintenant près d'un mois que le repas avec le père et le frère de mon hôte a eu lieu.

Les choses ont évolué et plutôt dans le bon sens. Si j'ai repris mes sessions de ménage et de cuisine, ce n'est qu'après que main soit totalement soignée.

Et ce n'est plus madame Hugnot qui me donne les tâches, mais moi qui fais celle qui me semble utile. Cette dernière, bien qu'elle me regarde avec mépris, n'a plus rien tenté depuis. Plus de paroles blessantes ou d'actes violents envers moi.

Ma relation avec Antonin a également évolué. Si jusqu'au repas, je n'osais même pas penser à lui par son prénom, désormais, je commence de plus en plus à le considérer comme un allié.

Au début, j'ai juste arrêté de le fuir et quand nous nous croisions, nous échangions quelques mots en personne civilisée.

Puis, il m'a invité à déjeuner avec lui. Il souhaitait me parler de mon vœu de reprendre mes études. C'est ainsi qu'à en effet commencer notre discussion.

Par la suite, nous avons dérivé. Je ne sais plus comment ont en arrivée à parler de tout autre chose. Mais cette première vraie conversation a été enrichissante.

Après ça, il m'a invité plusieurs fois à manger en sa compagnie. J'ai appris de nombreuses choses sur lui.

Plus que son père ou sa fratrie, il m'a parlé de sa mère. Avec une grande tristesse et beaucoup de tendresse.

Il n'y a pas de doute, il adule sa mère, même dix ans après sa mort. Et l'image qu'il en dépeint est tellement belle que j'aurais aimé la rencontrer.

C'est elle qui avait lancé les rénovations de tout le manoir. Elle s'occupait personnellement des plantes. Elle lui avait appris à s'occuper lui-même de ses affaires, contrairement à beaucoup de personnes issues de la vieille aristocratie.

D'ailleurs, elle s'était battue pour qu'elle éduque elle-même ses enfants, elle et non des nourrices. Elle était finalement éprise d'une liberté que sa haute naissance avait rendue impossible.

Durant ces dernières semaines, j'ai également eu l'occasion de rencontrer d'autre personne de l'entourage d'Antonin.

Je me souviens bien de la matinée où une femme est rentrée sans prévenir dans le grand hall en criant qu'il avait intérêt à venir au plus vite.

Je ne cache pas que j'ai été surprise de voir cette jolie femme à la peau couleur chocolat et aux yeux vert lui parler sur ce ton sans crainte.

J'appris rapidement qu'il s'agissait de Camille, l'une de ses rares associées dans une affaire totalement légale. Je ne l'ai pas vu beaucoup, mais je sais déjà que je l'apprécie grandement.

La seule ombre qui m'empêche de complètement profiter de cette accalmie bienvenue, ce sont les jours me rapprochant des retrouvailles avec ma "famille" diminuant bien trop rapidement.

Plusieurs fois, j'ai eu envie de révéler mon secret à mon mari. Plusieurs fois, j'ai eu envie de me confier. Pourtant, jamais, je n'ai eu le courage.

Et me voilà face à un dilemme. Soit, je lui dis dans les jours qui viennent au risque de perdre tous ceux que j'ai gagnés. Soit, je garde tout secret, au risque de ne plus pouvoir jouer la comédie durant les retrouvailles.

Ce soir, en écrivant mon journal, j'ai pris une décision. Quitte à tous perdre autant lui dire. Après ce long mois à le côtoyer, je le sais plus rationnel que cruel. J'aime imaginer qu'il ne me fera pas payer la fourberie des Rochambeau.

Je referme mon cahier, fière de cette nouvelle résolution qui me donne plus d'espoir que de crainte. Puis je le cache dans sa nouvelle cachette.

Car depuis une semaine, j'ai plusieurs fois eu l'impression que quelqu'un a fouillé ma chambre.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant