28. journal intime

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Antonin

En cet instant, je ne ressens que du dégoût. Je vais devoir lire les mots de cette sorcière, ses pensées les plus perfides, ses mots les plus dégoûtants.

J'imagine déjà le contenu de ces carnets. Elle a dû y noter tout ce qui allait lui servir pour me manipuler. Elle devait se moquer de moi et la putain de crédulité. Elle y avait sans aucun doute écrit ses plans les plus tordus.

Et je n'ai aucune envie de lire cela. Si je n'avais pas de paroles, je demanderais à un de mes hommes de le lire à ma place. Si je n'avais aucune parole, ces fichus carnets seraient déjà loin de mon bureau.

Malheureusement, je considère bien trop Martial pour manquer ma parole. Il veut que je lise ces putains de lignes, je vais le faire. Après toutes les tortures que je lui ai fait subir ce dernier mois à cause de la rage qui m'habite, il a bien le droit de vouloir me torturer à son tour.

Ne voulant plus perdre de temps, j'ouvre le premier de la pile. Visiblement, Martial les a triés puisque ce doit être également le premier. La date qui s'y trouve est la date de celui de cette mascarade qu'a été notre cérémonie de mariage.

Je m'apprête à le refermer pour passer directement au dernier, celui dans lequel avec un peu de chance, elle explique où se trouve le fruit de son larcin. Mais le visage grave de mon homme de confiance me revient en souvenir. Son regard grave et triste m'empêche de refermer le carnet.

Résigner, je me lance dans cette lecture écœurante. Je remarque malgré moi qu'elle a une très jolie graphie à la fois belle à regarder et facile à lire. Il n'y a aucune rature.

" Cher journal,
Je ne sais pas trop comment commencer. Il n'empêche que je trouve cela de dire "cher journal" comme s'il pouvait me comprendre. Je ne pense pas que je devrais commencer comme ça la prochaine fois.
Je sens bien que j'évite le sujet. Que je me focalise sur une petite chose, sans écrire ce qui est vraiment important. Mais qu'est qui est important ?

Peut-être devrais-je commencer par pourquoi j'écris ce journal. Surtout que c'est bien la première fois que je le fais.
Je ne suis pas encore sûre de pourquoi je le fais. J'ai juste trouvé ce cahier dans le bureau et j'ai eu envie de l'utiliser pour ça.
Je dois dire que c'est sûrement une bonne chose pour moi. À partir d'aujourd'hui, je n'aurai ni médicament ni psy pour m'aider à ne pas sombrer.
Bien sûr, on ne peut pas dire que celle qui me servait de psy me servait à autre chose que me prescrire des médicaments. C'est une complice et pour moi, elle est autant coupable qu'eux. Je sais qu'elle leur raconte tous ceux qui se passent durant nos séances. Malgré tout, j'avais fini par comprendre que parler me faisait du bien. Je ne disais pas tout, je ne lui faisais pas confiance. Mais je lui parlais quand même.
En cela, ce carnet va parfaitement bien la remplacer. Et il jouera d'autant mieux son rôle qu'il n'ira pas cafter ce que je lui confirais"

Je redresse ma tête du carnet, pris d'un mauvais pressentiment. Je ne retrouve pas là les écrits d'une manipulatrice. Mais plutôt ce d'une personne perturbait. Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de poursuivre la lecture.

La rage qui m'habite ne cesse de croître. Je refuse toujours de la voir autrement que comme une manipulatrice et lire ses pensées me frustre au plus haut point.

Pourtant, les mots de Martial me forcent à me replonger dans l'intimité de ses mots :

"L'autre raison d'écrire ici est simple. Cela va me permettre d'organiser mes pensées et mes sentiments. Je sens bien que ce grand changement dans mes habitudes me perturbe grandement alors commençons :

Aujourd'hui, je me suis mariée. Ce n'est pas le plus beau jour de ma vie. Je ne suis pas non plus heureuse, comblée ou toute autre chose que l'on pourrait être lorsque l'on se marie.
Je ne sais pas vraiment comment se sentent les autres femmes qui subissent un mariage forcé. Se sente-t-elle comme moi impuissante ?
À vrai dire, je m'attendais à ressentir bien plus de chose. Je m'attendais à retrouver cette colère qui m'habitait quand, il y a quelques années, ils sont venus me chercher. Quand ils m'ont annoncé que je n'avais pas d'avenir autre que ce mariage.
Je m'attendais à ressentir bien plus de frustration à dire oui en pensant non.
Je m'attendais même à devoir lutter pour ne pas essayer de fuir.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant