15.Adaptation

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Aliénor

Cela fait un mois que je me suis mariée. Un mois que je vis dans la maison de cet homme. Et un mois que je l'ai à peine aperçu.

Bien sûr, c'est en grande partie de mon fait. Dès qu'il est dans une partie de la maison proche de moi, je pars à l'autre bout.

Grâce à cela, j'ai pu remettre de l'ordre dans mes idées. Et j'ai pu enfin reformer mon bouclier. Je suis de nouveau celle que je suis depuis maintenant quelques années.

Discrète, obéissante et silencieuse.

Bien sûr, cela ne plaît guère à Madame Hugnot. Mais je doute qu'être autrement lui plaise davantage. Et moi, enfoncée derrière ce brouillard protecteur, je suis en sécurité.

Je suis même devenu bien plus imperméable qu'avant. Je n'ai pas pleuré ou fait de crise depuis plusieurs semaines. En réalité, je ne ressens guère plus grand-chose.

Mes finalement, sans sentiment, ne sommes-nous pas plus en sécurité ?

Je trouve cependant toujours un soulagement dans l'écriture de mon journal qui me permet de garder la tête froide et de mieux comprendre mon état.

J'y ai écrit chaque jour mes occupations.

Durant tout ce temps, je me suis levée à six et demi. Je n'ai besoin que de cinq minutes pour me vêtir et me rendre en cuisine. Là, je finis mon petit déjeuner à temps pour commencer les tâches donné par la gouvernante.

Plus le temps est passé, plus elle a fait en sorte de rendre les tâches compliquées. Son but a été très vite clair. Que je fasse une faute qui lui permette de se plaindre à moi.

Pour cela, tous les moyens sont permis. Me donner trop de tâches pour que je ne puisse pas les finir dans les temps. Me donner des tâches impossibles à réaliser seule. Me donner des tâches ingrate, salissante et dangereuse. Ou encore des tâches qui ne peuvent entrer dans le champ de mes compétences.

Rien de cela n'a fonctionné. Bien sûr, j'ai échoué à quelques reprises. Mais moins souvent qu'elle ne l'a espéré et pas assez pour énerver mon mari.

Malgré ma lâcheté retrouver, je réussis à maintenir mes résolutions. Jamais, je ne déroge aux règles que je me suis fixée.

Toujours travaillé dans les horaires que j'ai annoncés le premier jour. Jamais plus, jamais moins.

Ne jamais abandonner la tâche que je me suis imposé à travers la faveur que j'avais demandée. C'est avec grand soin que je prends soin des plantes.

Il y eut un ou deux ratés dus à mon apprentissage, mais je trouve du plaisir à prendre soin de cette forme de vie.

Cela n'a pas été de tout repos. Après avoir donné ma liste à la gouvernante, j'ai attendu une semaine sans avoir de nouvelles. Malgré ses dires, je doutais que la dame ait fait le nécessaire.

Alors après une longue réflexion, une nuit blanche et beaucoup de courage, j'ai envoyé un message au maître des lieux. Il ne m'a pas répondu, ce qu'il m'a autant perturbée que soulagée.

Cependant, à peine une heure plus tard, je recevais un message d'un homme qui me disait qu'il avait bien passé ma commande et que pour toute autre demande de ce genre, il fallait que je m'adresse à lui.

C'est peut-être la seule personne qui se montre humaine avec moi. J'ai eu besoin à plusieurs reprises de ces services et il m'a toujours répondu avec politesse et même humour.

Il fait quelques blagues sur les produits que je lui demande et je lui réponds avec un trait d'humour. Étonnement, c'est sûrement la personne dont je me sens la plus proche alors que je ne connais ni son nom ni sa voix ni son visage.

Quand j'ai reçu le matériel et les plantes que j'avais demandées, c'est alors que madame Hugnot amplifia ses manœuvres fourbe.

Elle a fait tout pour que je ne puisse pas finir ce que j'ai décidé d'entreprendre, mais elle n'y parvient pas. Comme je l'ai dit, je me tiens à mes résolutions.

L'après-midi, bien qu'épuisée physiquement autant que mentalement, je me rends tous les jours à la bibliothèque.

Et si je n'y étudie pas la botanique, j'étudie. En effet, j'ai trouvé toute une rangée de livre rempli de livre d'études en tout genre. On y a entreposé les livres de cours de plusieurs générations.

Les plus vieux livres avait cinquante ans et peu importe leur âge, il couvre l'enseignement depuis le collège jusqu'aux masters, et ceux dans plusieurs filières.

Visiblement, cette famille d'aristocrates, même criminel, refusait que ces enfants faces autres choses que des études jugées sûrement plus nobles.

Il y a beaucoup de livre de droit, d'économie ou de médecine. Quelques ouvrages pour des études de maths sup, maths spé. Dès livres d'école d'ingénieurs.

Cependant, malgré tout, je me force à trouver des choses à étudier. Cela faisait deux ans que j'ai quitté le lycée et que l'on a interdit de reprendre des études. Il me faut donc plus de temps que je ne l'espérais pour réussir à étudier des livres de première année de licence.

Je me concentre particulièrement sur les cours de maths. Mais j'étudie également plusieurs autres livres régulièrement. Le droit notamment. Pas par plaisir, mais dans l'espoir qu'un jour cela puisse m'être utile.

Je ne quitte la bibliothèque que vers vingt d'heure pour dîner et aller me reposer.

En un mois, j'ai fini de remplir déjà deux cahiers que je cache maintenant sous mon lit. Et ma liste de choses à demander n'a cessé de grandir.

Si j'ai fait l'exploit de rayer deux points de cette liste en même temps le premier jour, depuis, je n'ai fait que la faire grandir. Sans vraiment avoir l'espoir de la réduire, car pour cela, il faudrait que je croise mon mari.  Chose qui m'effraie chaque jour davantage.

Et pourtant, ce matin, alors que je prenais mon petit déjeuner, mon portable à sonner.

Il m'attend dans son bureau pour huit heures...

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant