Aliénor
Je ne sais plus du tout depuis combien de temps, je suis enfermée.
Je ne peux plus mesurer le temps. Je ne sais pas combien de temps, j'ai mis pour m'endormir, ni combien de temps, j'ai dormi.
Tout ce que je sais, c'est que j'ai très mal dormi. Tourmentée par un sommeil agité, des rêves angoissants, je me suis réveillée à plusieurs reprises complètement frigorifiée.
Finalement, je me suis totalement réveillée quand un jeune homme est rentré pour me déposer un plateau. La première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est que lui au moins ne me haïssait pas.
En effet, rien dans son habitude n'a démontré haine ou colère, pas plus que pitié ou compassion. Il est juste là pour faire ce qu'on lui a demandé.
Cela a quelque chose d'agréable, enfin quelqu'un qui ne pense rien de moi.
Face à mon repas, je suis toujours pleine d'interrogation. Est-ce le repas du midi ? Ou le petit déjeuner ? Bien que je doute qu'ici l'on donne trois repas par jour au prisonnier.
Donc si c'est le repas du midi, est-ce vraiment midi ? Ou alors, ils cherchent réellement à me faire perdre la notion du temps ?
Tout en réfléchissant à ce problème, je commence à manger. Je n'ai pas peur que ce soit empoisonné. Je ne pense pas que ce soit du genre de leur patron. Et même si c'était le cas, peut-être que ce serait une délivrance...
Bien que je semble perturber sur la question du temps, ce n'est pas par peur réelle. Disons, c'est plutôt une habitude.
Le Rochambeau ont utilisé plusieurs fois une méthode semblable pour me torturer. Ils appréciaient m'enfermer dans une pièce totalement noire pour plusieurs jours voir semaine. J'en sortais très affaiblie et mentalement fragilisée. Après ces séances, je devenais plus malléable et moins résistante.
J'avais fini par trouver des solutions pour supporter l'enfermement total sans possibilité d'avoir conscience du temps qui passe.
Premièrement, trouver un moyen de mesurer le temps malgré tout. Cela pouvait être compté le nombre de repas, le nombre de fois où je dormais, tout dépend.
Le problème des repas, c'est qu'ils peuvent être donnés à des heures non régulière. Le sommeil est peut-être plus efficace si l'on fait confiance à nos cycles de sommeil. Chose difficile à faire quand l'on est déjà fatiguée et stressée par la situation.
Une fois mon piètre repas fini, je place le plateau à côté de la porte et me lance dans une série d'exercices pour rester forme. Étirements, échauffement, gainage... J'avais appris par expérience que l'on supporte mieux l'enfermement quand l'on fait ce genre de petit truc pour se maintenir en forme.
Le temps s'écoule lentement, l'ennui accentue mes émotions douloureuses. J'aimerais revenir à mon état d'apathie. Quand je ne ressentais rien, je souffrais moins.
Mais je le sais déjà, mon bouclier qui me permet de me protéger rompt dès que les émotions deviennent trop forte. C'est alors que je me les prends comme un ras de marée.
Finalement, le même jeune homme vient échanger mon plateau repas pour me laisser un plateau plein totalement identique au dernier. Une grossière purée insipide, un morceau de pain presque rassis et une pomme.
Le plus gênant, c'est de ne pas avoir de couverts pour manger la purée, mais le pain ne fait parfaitement office de cuillère.
Finalement, sachant que je n'aurai pas davantage de réponse, je me recouche. Pour essayer vainement de m'endormir, je n'essaye à des exercices de respiration.
Mais rien n'y fait, je n'arrive pas plus à m'endormir que la veille. Non que je ne sois pas fatiguée, mais dès que je ferme les yeux, tout devient encore plus réel et douloureux. Comme si mon cerveau travaillait en plus dès que je plonge dans le noir.
Des larmes coulent de nouveau.
Dis jours sont passés. Du moins, j'ai compté dix sommeils longs depuis que l'on m'a enfermée ici.
La théorie que j'avais faite qu'ils cherchaient à me fragiliser avant de m'interroger de nouveau, ce que confirme.
Depuis le départ de Martial, seul le jeune homme vient échanger les plateaux pour que je puisse me nourrir. Aucune autre visite et aucune interaction.
Cela me pèse déjà sur le moral. La solitude forcée me rend encore plus fébrile. Pourtant, je ne laisse pas tomber.
Pour ne pas sombrer dans la folie qui me guette, je me tiens à un programme strict. Dès mon réveil, je fais des exercices pour me maintenir en forme. Exercice que je vais refaire plusieurs dans la journée.
Après, j'use du petit lavabo pour me faire un semblant de toilette. Sans savon, sans gants de toilette ou autre fleur de douche, sans serviettes, je fais de mon mieux pour me sentir propre.
J'ai même essayé de nettoyer mon pyjama. D'abord le haut que j'ai dû faire sécher toute une journée avant de pouvoir le reporter, puis le bas.
Ensuite, je dois entendre le premier repas de la journée. Toujours, même chose insipide, mais déjà, je commence à m'habituer et à ne plus trouver ce repas mauvais.
L'après-midi se déroulait de la même façon que la matinée et quand la fatigue me prend après le second repas, je fais des exercices de respiration avant de tenter de dormir.
La température est toujours la même, n'aidant pas à mes nuits entrecoupées de toute manière de cauchemar.
Et Les quatre premiers jours, la vive lumière ne m'avait pas plus aidé à me reposer. Elle est restée constamment allumée.
Puis, enfin, elle s'est éteinte. Ce n'a pas été un soulagement pour moi. Car malgré le manque de sommeil, je préfère de loin que ma cellule soit éclairée.
En effet, comme pour les premiers jours avec la lumière. Le noir a englouti ma cellule durant trois longs jours.
Ce fut un enfer pour moi de ne pas totalement sombrer. Malheureusement, je sais que j'ai fait plusieurs grosses crises, dans lesquels je me retrouvais enfermée dans ma salle de tortures des Rochambeau.
Cette famille avait réussi à me faire considérer le noir comme une punition. J'ai honte de l'avouer, mais ils ont réussi à créer pour sur moi une véritable phobie du noir.
Mais malgré cela, j'ai réussi à me tenir à mon programme pour ne pas sombrer.
Par la suite, la lumière s'est allumée et éteinte de manière aléatoire.
Je dois bien avouer que ce traitement commence malgré tout à faire son effet. Malgré tout mes efforts, je me sens de plus en plus fatiguée. J'ai perdu mon appétit, ne mangeant plus que pour essayer de rester en forme.
Mes crises de larmes ou de frayeur sont de plus en plus régulière.
Je sursaute. Les cliquetis de la serrure ne ressemblent pas à celui de d'habitude. Quelqu'un d'autre que le jeune homme va rentrer. Paralysée par la peur, je me redresse du mieux que je peux.
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Deuxième captivité
AcakAliénor : Un mariage. Cela ne signifie pas grand-chose pour moi. Finalement, je passe juste d'une captivité à une autre. Je ne la crains pas vraiment. J'ai eu des années pour m'y préparer. Une seule question reste : cette nouvelle vie peut-elle êtr...