12.Madame Hugnot

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Antonin

Je suis soulagé quand j'entends au moins la porte d'entrée du personnel claquer. Ma gouvernante ne va pas tarder à arriver, ce qui me permet d'esquiver le reste de la discussion.

Il ne faut pas que cette ignoble femme se rende compte d'à quel point elle m'a déstabilisée. J'ai honte de l'avouer, mais le début de la conversation m'a amusé.

Pourtant, sa première faveur a été une douche froide. Un dur retour à la réalité. Je ne sais comment elle a pu l'apprendre. Sa famille doit avoir plus de contact que je ne l'imaginais.

Le nombre de personnes qui savent que ma mère avait pour grande passion la botanique et le jardinage.

Et ce n'est pas un secret pour personne que j'ai été très proche de ma mère.

Et cette femme ose se servir de ça pour se rapprocher de moi. Elle ose se jouer innocente pour mieux me manipuler.

Un instant, j'ai hésité à l'envoyer directement à la cave pour lui apprendre à se jouer de moi. Puis, j'ai réussi à retrouver mon calme. Si je veux l'avoir, il faut que je la joue plus fine.

Je vais la laisser faire ce qu'elle veut. Combien de temps tiendra-t-elle en faisant une activité si salissante ? Je vais attendre qu'elle en ait marre pour la mettre face à ses contradictions.

J'ai tout de même tenu à lui montrer que je n'étais pas totalement dupe d'elle en lui proposant une autre faveur la concernant directement.

Elle avait de nouveau essayé de jouer l'innocente en demandant une chose à l'opposé de mes attentes. Sa demande ressemble parfaitement à ce que j'attendrai d'une femme que je pourrai apprécier.

Elle et sa famille, c'était bien préparé. Mais elle allait finir par payer, je m'en fais la promesse.

Enfin, ma gouvernante passe la porte de la cuisine. Comme à son habitude, elle a une tenue très stricte qui la rendent bien plus vieille qu'elle ne l'ait en réalité.

J'espère un peu, que ce côté froid et sévère de Sylvie Hugnot impressionnera et intimidera la femme vicieuse. Bien que je doute que quelqu'un puisse l'impressionner.

Sylvie me salue avec beaucoup de déférence comme à son habitude. Habitude qui m'agace. Je n'aime pas vraiment la façon dont elle me traite. Pour elle, parce que je fais partie de la famille, je suis supérieur à n'importe quel autre humain.

Les Hugnot sont une famille qui sert la mienne depuis plus d'un siècle. Sylvie a cette fierté. Et malheureusement, elle est liée à la maison. Elle et son marié sont chargés d'entretenir les lieux et elle forme déjà ses enfants à en faire de même.

Quand je suis devenu le mettre de lieux, je lui ai bien proposé de la libérer, en lui donnant une compensation généreuse bien sûr. Mais elle a tout bonnement refusé.

À présent, je suis content qu'elle soit là, elle allait pouvoir se charger de ma femme indésirable.

Ma gouvernante se tourne vers cette dernière. Je l'ai déjà prévenue de ma volonté à ce qu'elle participe aux tâches ménagères. Mais, je ne lui ai pas révélé à quel point je veux me débarrasser de ma femme.

Je connais suffisamment bien Sylvie pour savoir qu'elle n'aimerait pas ma femme. Pour ma gouvernante, il était impensable que je me marie avec une famille de parvenus.

- Sylvie, voici ma femme, commencè-je avant de me tourner vers cette dernière pour lui dire. Je te présente Madame Hugnot, ma gouvernante. Je vais vous laisser pour que vous fassiez connaissance. Vous en profiterez pour trouver comment tu lui viendras en aide. J'espère que tu l'aideras au moins deux à trois heures par jour.

Sans même attendre sa réponse, je sors de la cuisine, notant au passage le mépris sur le visage de ma gouvernante.

Comme je l'ai deviné, elle n'apprécie guère ma femme. Cela devrait me combler. Pourtant, un sentiment que je ne comprends pas me prend désagréablement aux tripes.

Refusant de s'attarder sur ce problème, je retourne à mon bureau. Mais plutôt que de reprendre mon travail comme je le devrais, j'ouvre le logiciel de surveillance sur mon ordinateur.

En quelques clics, me voilà à voir la cuisine. Je me demande si en l'observant ainsi, je pourrais enfin voir son vrai visage. Je l'imagine mal s'aplatir devant une servante.

Et malgré mon envie de la dévoiler enfin, je ne parviens pas à mettre le son. Comme si je ne voulais pas être trop déçu. Comme si l'entendre en plus de la voir serait trop compliqué.

Me concentrant sur les images, ce que j'y vois me surprend. Loin de devenir la femme arrogante que j'imaginais, elle semble au contraire être encore plus effacée quand ma présence.

J'ai bien remarqué qu'elle se comporte de deux manières distinctes avec moi. La première et la plus courante, c'est la fuite. Elle se fait toute petite, sursaute quand je lève trop la voix et réponds à peine.

Je n'imagine qu'elle joue ce rôle pour éviter d'être démasqué trop facilement. Moins l'on parle, moins l'on risque de dire une bêtise.

Puis parfois, une lueur s'éveille dans son regard, elle se redresse et me parle comme une égale. Elle me donne poliment, mais avec force son opinion, quitte à me confronter.

J'analyse ce comportement comme la preuve que le premier n'est qu'un jeu que parfois, elle ne peut plus tenir. Occasionnellement, sa vraie personnalité ressort, gommée bien sûr.

Je m'attendais donc au moins à retrouver cette deuxième femme. Pourtant, je la vois écouter attentivement, mais je regarde fuyant ma gouvernante. Je sais que cette dernière peu se comporter à la manière d'un dragon.

Fut un temps où elle n'était pas seule à prendre soin de ce lieu. Elle tenait alors son rôle de gouvernement d'une main ferme, trop ferme. Je l'ai vu plusieurs fois être trop violente verbalement avec les autres employés.

Refusant qu'il y ait du harcèlement sous son toit, il lui avait laissé le choix changer ou de travailler seule puisque je ne pouvais la renvoyer. Elle avait choisi la deuxième solution.

Si je devais être totalement honnête, je n'apprécie pas Sylvie. Mais j'espérais que son caractère puisse m'aider pour une fois.

Néanmoins, la voyant s'en prendre à cette femme indésirable, une sourde colère monte en moi. Pourquoi ne se défend-elle pas, bordel ?

Je sers les dents et ferme le logiciel pour me calmer. Je vais devoir me reprendre. Cette femme me met en danger.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant