Je pleure. Je ne peux pas dire que ce soit une chose rare chez moi. Pourtant, c'est la première fois depuis une éternité que je n'ai pas versé une larme en présence de quelqu'un. Je ne pleurais plus depuis longtemps pour des paroles.
J'ai tout entendu. L'on a déjà traité de tous les mots, insulté de toutes les manières. J'ai appris à garder une carapace pour me protéger de tout ça.
Oh, j'en souffre. Mais seule et en secret. Je ne fais pas l'honneur à mes détracteurs de leur montrer qu'ils peuvent m'atteindre.
Cependant, dans cette cuisine, contre ce mur froid, les mots de cet homme m'ont transpercé le cœur. Ma gorge s'est nouée et avant même que je m'en rende compte les larmes ont coulé.
Comme si les mots de cet inconnu ont plus d'importance que les mots de mon géniteur ou que ma soi-disante famille. Comme si lui, contrairement aux autres, a une importance à mes yeux.
Pourtant, il n'en a aucune... Il ne doit en avoir aucune... Il ne devrait en avoir aucune...
Ai-je trop mis d'espoir en lui ? Je ne pense pas. Je veux dire, bien sûr qu'il n'est arrivé de rêver qu'il soit meilleure que les Rochambeau. Il faut dire que cela n'est guère compliqué. Cependant, en dehors de ces moments d'égarement, j'ai pris soin de me rappeler constamment que sa famille est l'un des plus vieux empires criminels de France.
L'on dit d'eux que même avant la révolution française, alors que leurs familles faisaient partie de la haute aristocratie, ils devaient leur fortune grâce aux crimes organisés. Bien qu'ils agissaient en ce temps-là sous la protection la plus secrète de la couronne.
Est-ce la vérité ? Je n'en sais rien. Mais ce qui est sûr, c'est que cette famille a une renommée internationale sans qu'aucune institution, qu'aucune agence, d'aucun pays n'ait pu les arrêter.
En sachant cela, je ne pense pas avoir un jour eu l'espoir de vivre une belle vie.
Pourtant, la douleur que j'ai ressentie lorsqu'il m'a craché ses mots était en partie celle de la déception. Comme si j'avais durant un instant espéré mieux de lui.
Bien sûr, cet espoir peut venir du fait que cela fait si longtemps que je n'ai pas été si bien traité. Oh, je sais que son comportement n'est pas normal ou acceptable. J'ai conscience de son mépris et de sa haine.
Cependant, il m'a apporté une trousse de soin. Chose qui m'est depuis longtemps devenue inconnu. Et il s'attend à ce que je lui réponde. Cela est presque miraculeux. Je parle tellement rarement que le son de ma propre voix me paraît parfois inconnu.
Je sais que cela est loin d'être suffisant pour considérer être bien traité. Bien que si je n'avais autant lu en cachette durant ces dernières années, j'aurais trouvé cela assurément gentil.
Il est difficile de savoir quel comportement est normal quand vous êtes coupé de tous.
Bref, même si je suis consciente du problème, peut-être qu'inconsciemment, j'ai apprécié ce moment d'accalmie et que je voulais pouvoir le satisfaire pour qu'elle puisse durer.
Mais même ça ne semble pas suffisamment pour expliquer la détresse qu'ont provoqué ses mots. Au fond de moi, c'est comme si le fait qu'il pense que je suis comme les autres femmes de la famille Rochambeau était grave.
Je ne sais d'où sort cette envie. Mais je souhaite lui prouver que je ne ressemble en rien à la femme qu'il a décrite. Son regard paraît avoir plus d'importance pour moi qu'il ne le devrait.
Il me faut plus d'une demi-heure pour me calmer. Une fois les larmes taries, je me relève, mon courage retrouvé.
Je sors prudemment de ma chambre. J'espère secrètement que cet homme est déjà parti.
Je retrouve difficilement mon chemin dans cet immense manoir. Plus détendu que lors de mes deux précédents passage, j'observe avec attention.
Le manoir a plutôt la taille d'un château, il est très vieux, plusieurs siècles, je dirais. Cependant, il a bien été entretenu et rénové. Beaucoup de pièces que je croise semble assez moderne.
Ceux qui l'ont réaménagé ont beaucoup de coup. Ils sont parvenus à mélanger de l'ancien au moderne, donnant à chaque pièce une chaleur et une sensation de confort.
Je réitère la réflexion que je me suis faite dans le parc, je préfère de loin cette prison au duplex aseptisé et froid des Rochambeau.
Pourtant, je n'arrive pas à m'imaginer cet homme froid et haineux comme chef de ces lieux. Ils apportent une telle chaleur, tant de lumière dans mon cœur que j'ai du mal à penser que tout cela soit à lui.
Ma curiosité me pousse à rentrer par l'une des portes entrouvertes. Je me trouve dans un salon chaleureux, printanier, très convivial.
Un petit canapé et des fauteuils en cuir entourent une magnifique table basse en verre au pied en fer forgé. Cette pièce donne envie de s'assoir pour partager un verre ou une tasse de thé avec des amis.
Pas de télévision, mais un magnifique poêle dans l'ancienne et immense cheminée. L'on a gardé le vieux mur en bois sculpté dont les motifs semblent très anciens. Néanmoins, il est évident qu'il a été rénové, le vernis me paraît neuf.
Les autres murs sont plus modernes, peint d'un bleu pastel forte agréable. Quelques tableaux très fleurale décoré les murs en compagnie de petites étagères accueillant toute sorte de plantes.
Toutefois, ce qui me saute aux yeux tout de suite après, c'est que si cette pièce a été rénovée, cela remonte à une dizaine d'années. Depuis, elle paraît abandonnée.
Une bonne couche de poussière recouvre tous les meubles. Les plantes sont toutes mortes et desséchée depuis longtemps.
Cet homme a raison, ce manoir à grand besoin d'un coup de propre. En sortant du petit salon, je remarque bien vite que presque tout est comme ça.
Il y a plus d'une dizaine année, quelqu'un avait totalement rénové. Puis, il avait dû se passer quelque chose et tout est resté figé dans ce temps. Seule la poussière a marqué le temps qui est passé inexorablement.
Enfin, me revoilà dans la cuisine. À mon grand soulagement, elle est vide. La seule trace de sa présence est le petit paquet accompagné de documents posé à côté de ma tasse de café vide.
Après un instant d'hésitation, je m'approche. Je prends tout d'abord une lettre manuscrite. L'écriture est plutôt élégante et simple à lire.
Je parcours rapidement les mots. Ils me viennent de cet homme. Il me dit qu'il me laisse le portable qui se trouve sur la table. Il sait que je n'ai pas mon portable avec moi et il ne veut pas que je récupère mon ancien tant qu'il ne peut pas me faire confiance.
J'ouvre la boîte le cœur battant. Il se trompe, je n'ai pas de portable avec moi, non pas parce qu'il n'y a pas de place pour le prendre avec une robe de mariée.
Je n'ai pas de portable, car je n'en ai jamais eu. Jusqu'à ce jour. Comment veut-il que je ne lui sois pas reconnaissante quand il me propose de manger des croissants ou qu'il me donne un portable ?
Contrôlant au mieux mes tremblements de joie, j'allume l'appareil. Je découvre rapidement qu'il ne m'a pas menti. Le répertoire ne possède que deux numéros : le sien et celui du responsable de la sécurité du manoir.
Je ne dois les contacter que s'il y a une urgence.
Il m'a également prévenu que mon portable ne serait pas connecté à la wifi et que le forfait qu'il m'a pris m'empêche d'avoir accès à la 4G.
Cela ne me dérange pas plus que cela. Cela reste un smartphone et sûrement l'une des premières possessions précieuses que j'ai.
Je le range délicatement dans ma poche, regardant le reste des documents. C'est le plan qu'il m'a promis.
Première mission pour aujourd'hui, visiter le manoir pour savoir comment je vais bien pouvoir nettoyer tout ça.
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Deuxième captivité
DiversosAliénor : Un mariage. Cela ne signifie pas grand-chose pour moi. Finalement, je passe juste d'une captivité à une autre. Je ne la crains pas vraiment. J'ai eu des années pour m'y préparer. Une seule question reste : cette nouvelle vie peut-elle êtr...