18.Soin

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Aliénor

Je me laisse entraîner vers l'infirmerie où il me place d'office les mains sous un courant d'eau froide.

- Reste là, m'ordonne-t-il avec une douce autorité. Je dois passer un coup de fil, mais je veux que tu gardes les mains sous l'eau jusqu'à ce que je revienne.

Encore ébranlée par tous ces événements, je hoche la tête. Et il s'en va.

Pour ne pas laisser le maelström d'émotions prendre le dessus, je me concentre sur ce qui m'entoure.

Pour une raison que j'ignore, je n'avais pas le droit d'entrer dans l'infirmerie sauf cas d'extrême nécessité.

C'est donc la première fois que je la vois. C'est une pièce assez étrange. D'un côté, elle est très moderne avec ses deux lits médicalisés dernier cri entourés de toutes sortes de machines médicales.

De l'autre, tout un mur est recouvert d'une immense armoire en bois magnifiquement sculptée, rappelant le mobilier des très vieilles pharmacies, des apothicaires ou des herboristeries.

Cette pièce doit servir d'infirmerie depuis bien plus longtemps que je ne peux l'imaginer.

Je suis toujours plongée dans ma contemplation quand il revient.

- Tu as toujours mal ? me demande-t-il en étudiant mes mains toujours sous l'eau.

Je grimace en guise de réponse. Je dois dire que malgré toutes les tortures que j'avais subies, je n'ai jamais expérimenté la douleur de la brûlure.

Mes tortionnaires tenaient à ce que je n'aie aucune cicatrice malgré tout ce qu'ils pouvaient me faire subir. Comme je n'étais déjà pas très belle, il ne fallait pas que je perde de la valeur.

Ils évitaient donc soigneusement tout ce qui risquait de me marquer, comme les brûlures.
Et la douleur que je ressens en ce moment est bien plus difficile à supporter que d'autres douleurs.

Malgré la fraîcheur de l'eau sur ma peau, j'ai toujours l'impression que la brûlure se propage vers l'intérieur de ma main.

- Dans ce cas, garde la main sous l'eau jusqu'à ce que tu ne ressentes plus de douleur, me conseille-t-il.

Il va chercher deux tabourets qu'il installe de sorte que je puisse toujours mettre la main sous l'eau tout en étant en face de lui.

- Je suis désolé de te demander ça maintenant, déclare-t-il un peu plus impassiblement. Mais j'ai besoin de connaître ta version des faits.

Il ne peut pas le savoir mais sa demande me touche bien plus que je ne l'aurais souhaité. C'est la première fois que l'on me demande ma version des faits depuis bien longtemps.

Avec les Rochambeau, c'était plutôt à qui trouverait la meilleure excuse pour me punir. Quel intérêt de se justifier quand tout le monde sait déjà que l'accusation est mensongère.

J'ai un peu honte de moi. Je pensais, jusqu'à présent, qu'il prendrait le parti de Sylvie sans écouter ma version des faits.

Après une courte réflexion sur la manière de raconter les faits, je commence :

- Bien que vous m'ayez autorisé un peu de repos, je devais m'occuper des plantes. Elles ne se soucient pas vraiment du repos, ajoute-je avec un fin sourire. C'est en rangeant mon matériel que madame Hugnot m'a retrouvé. Elle ne savait pas que vous m'aviez donné la journée et les suivantes et elle n'a pas cru lorsque je l'en ai informée. Elle m'a alors demandé de venir l'aider en cuisine.

J'ai choisi de dire cette demi-vérité. Non pas par peur qu'il ne me croie pas, ni par peur de représailles de la part de la gouvernante, mais parce que je pense que c'est plus simple.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant