4.Le début des hostilités

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Antonin

Je me retourne en me rendant compte que je l'avais observée trop longtemps.

- Grouille-toi, j'ai encore du travail.

Ma voix est sèche et brusque, mais il vaut mieux ça que de la laisser voir mon trouble. Elle est bien plus douée que je ne l'avais imaginée.

En la voyant trébucher puis s'étaler de tout son long, j'étais persuadé que c'était le moment. Le moment où son masque aller se fissurer. Le moment où la gentille fille allait se transformer en la femme horrible qu'elle était.

Mais elle m'a de nouveau surpris. Elle s'était relevé le plus dignement possible, étalant son propre sang sur sa belle robe de mariée.

Pas un cri, pas de hurlements aigus. À peine un regard sur ses mains en les débarrassant des graviers incrustant sa peau avant de se tourner vers moi.

Et toujours aucune colère. Son regard est bien plus interrogatif et songeur qu'agacé. Ce n'est pas normal.

En montant les marches pour me diriger vers la porte principale, je ralentis le pas, me demandant si elle ne s'était pas faite mal aux jambes également.

Je sers les dents. Je ne devrais pas m'en préoccuper. Pourtant, je garde mon pas lent.

Je sais qu'elle me suis juste en entendant ses talons hauts claquer sur les dalles de marbre.

Il n'est pas normal qu'elle n'ait pas déjà craquée. Toute personne parfaitement constituée n'aurait pas accepté d'être traité ainsi. Peste ou non.

Je suis sûr qu'elle sait parfaitement que j'aurais pu la rattraper. Et si je n'y étais pas arrivé, il aurait été la moindre des choses que je lui porte secours.

Habituellement, malgré tout ce que l'on peut dire de moi, c'est ce que j'aurais fait. C'était bien la première fois que je me comportais autant en connard. Non que je sois un ange, personne dans ma famille n'est un ange. 

Cela me frustre.

Pas de me comporter comme un connard. Au vu de sa famille, je ne doute pas qu'elle le mérite. Je dois même avouer que cela m'amuse quelque peu.

Non, ce qui me frustre, c'est de ne pas encore avoir entamé son armure.

Cependant, je n'ai même pas encore entamé mon vrai plan. C'est en souriant que je monte les dernières marche qui amène à la chambre que je lui ai préparé.

Je me demande combien de temps cette petite fille gâtée va tenir.

- Voici ta nouvelle chambre. Tu y trouveras de quoi te vêtir en attendant que ta famille nous envoie tes affaires. Les toilettes et les douches sont au bout du couloir et commune à tout l'étage.

Je me prive bien de lui dire qu'il n'y a plus personne qui y vit. Elle qui devait avoir sa propre salle de bain doit enrager.

Je l'observe entrer dans son nouveau chez-soi, faire un tour sur elle-même pour observer les lieux avant de savoir sur le lit.

Je n'arrive pas à comprendre son expression avec tout ce maquillage pourtant je la trouve presque touchante.

Mes points se serrent. La partie va être longue.

- Bien évidemment, jamais, je m'abaisserais à coucher avec toi. N'espère donc pas partager ma chambre.

Le fiel que je lui crache ne semble pas l'atteindre. 

Je la vois me regarder hésitante se tripotant ses paumes écorchées. Toujours persuadé qu'elle joue la comédie, je sors brusquement de sa chambre.

Mes pas me menèrent à la salle de bain au bout du couloir. Comme ma mère avait insisté de son vivant, chacune des salles de bains de ce manoir sont équipées boîte à pharmacie dont l'inventaire est régulièrement fait.

J'y trouve un spray désinfectant et des compresses stériles que je rapporte à la comédienne.

J'ouvre la porte sans frapper pour lui balancer mes trouvailles sans la moindre délicatesse.

Toujours assise sur son lit, elle me porte un regard plein de surprises et d'incompréhension. Pour elle, il lui paraît sûrement improbable que je puisse faire un tel geste.

Ce qui en soi n'a rien d'étonnant au vu de mon comportement. Pourtant, si je peux être un salaud, j'ai un code d'honneur.

Je me retourne pour enfin tirer ma révérence quand une voix fluette me figé sur place :

- Merci beaucoup.

Sa voix n'est qu'un souffle à peine audible. Ce n'est qu'alors que je remarque que je l'avais volontairement ignoré durant la cérémonie du mariage et que je ne l'avais plus entendu dire un mot de la journée.

Je n'avais donc pas pu entendre cette douce musique timide et mélancolique, mais qui me serra douloureusement la poitrine.

Si tout dans cette Barbie me semble faux, sa voix, elle me paraît authentique.

Or, ce n'est qu'une illusion. Cette douce voix qui crie l'innocence et la douceur ne peut appartenir à une femme de la famille Rochambeau.

Sans même me retourner, je quitte la pièce, claquant violemment la porte derrière moi. Je traverse telle une tempête le manoir pour retrouver le calme froid de mon bureau.

À peine arrivé, mon portable sonne. Pas instant pour souffler. Après un coup d'œil sur l'écran, je me détends. Au moins ce n'est pas mon paternel.

Mais Guillaume, mon pote d'enfance et le gars le plus collant que je connaisse. Je décroche :

- J'en reviens toujours pas que tu m'aies interdit d'aller à ton mariage ! S'écrit-il sans un bonjour.

Je soupire soudainement fatigué.

- Je t'ai déjà dit, cette chose n'a de mariage que de nom.

- C'est dingue quand même, s'exclame-t-il, toujours aussi enjoué. T'es vraiment un gosse de riche. Vous êtes au courant que les mariages arrangés ça n'existe plus dans notre monde !

Ce qui m'agace le plus c'est qu'il sait plus de chose sur ma famille qu'il ne devrait. Pourtant, ça l'amuse de m'astiquer.

- Au moins, elle est bonne ? Me questionne-t-il, ignorant mon silence agacé.

- C'est une femme vénale comme toutes les sorcières de cette famille.

- Ça ne répond pas à ma question. Allé mec, même si tu l'aimes pas, tu trouveras peut-être d'autres avantages à la situation...

Le sous-entendu de cette question me crispa.

- Je ne vais pas baiser un bout de plastique factice, crachè-je 'e cachant plus mon irritation. Si ta rien d'intéressant à me dire, je raccroche.

- Mec...

Et je raccroche en me pinçant l'arrête du nez.  J'ai des dossiers en retard à traiter, mais je ne pense pas que je serai capable de m'y mettre ce soir.

Il est tant de se reposer. Espérons que demain sera plus fructueux.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant