39. Protection

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Antonin

Mon regard se porte de nouveau sur mon portable. C'est une des premières fois depuis le réveil d'Aliénor que je ne suis pas à ses côtés. Bien qu'elle n'ai toujours pas parlé, bien que j'ai rarement le droit à un regard. Bien que je vois toujours de la méfiance quand ses yeux noisette se posent sur moi, elle semble vouloir que je reste à ses côtés.

Les premiers jours, elle a fait plusieurs crises de panique dès que je quittais l'infirmerie. Même la présence d'autres personnes comme Liliane, Martial, Estelle ou même Camille ne semble pas l'apaiser.

Une fois qu'elle a pu faire quelques pas et qu'elle semblait physiquement aller mieux, je l'ai installée dans la chambre d'ami de mes appartements comme prévu. En journée, Aliénor s'installe sur mon balcon, et je travaille à ses côtés.

Je ne mérite pas d'être à ses côtés, mais si cela peut la soulager, j'y serais. Tant qu'elle a besoin de moi, je l'assisterais par tous mes moyens. Puis quand elle se rappellera le monstre que je suis, qu'elle voudra fuir loin de moi, je lui en donnerai l'opportunité. Je la protégerai de ma famille comme des Rochambeau.

Mais aujourd'hui, je ne peux pas être à ses côtés. Et je ne peux m'empêcher d'être inquiet et de m'imaginer le pire.

J'ai bien vu à qu'elle point elle se forçait à ne rien montrer de son angoisse. J'aurais voulu annuler le rendez-vous. Mais Estelle m'a assuré que c'était le meilleur moyen d'aller mieux.

Pourtant, moi j'ai lu son journal et je sais qu'elle épreuve cela est pour Aliénor. Je comprends son angoisse et j'aurais tant aimé qu'elle m'en fasse part.

La seule psy qu'elle a côtoyé était une vendue au service de ses bourreaux. Une charlatan qui mérite bien plus que ce que lui ai réservé. Je me suis assuré que sa carrière était fichu. C'est une chose plutôt simple quand on a une armée de hackeur derrière soi. Ce qui m'enrage, c'est qu'elle ne soit pas au courant de pourquoi tout cela lui arrive. Mais la sécurité d'Aliénor passe bien avant cette femme.

J'ai bien essayé de rassurer Aliénor lui assurant que je ne serai rien et ne demanderai pas à savoir ce qu'il se passera avec son nouveau psychiatre. Je me suis assuré que les séances aient lieu dans mon bureau, seul pièce sans caméra en dehors des chambres et salle d'eau.

Pour autant, je ne peux oublier la détresse dans son regard quand je l'ai laissé avec lui. Je sais que si elle a besoin, elle a juste à appuyer sur le bouton camouflé dans son bracelet pour que reçoive une alerte. Mais me fait-elle assez confiance pour seulement appuyer ?

Un bruit sonore contre la porte du salon me sort de mes pensées. Je me suis installé dans le salon que semble préférer Aliénor. Et visiblement celui que j'attends est arrivé.

- Entre, l'invitè-je en me redressant.

Loïc rentre légèrement hésitant. C'est sûrement la première fois qu'il vient si loin dans le manoir. Il ne se sent pas à sa place.

Je suis heureux de constater qu'en dehors de son bras encore en attelle, il semble aller bien mieux.

- Bonjour, monsieur, me salue-t-il hésitant. Je vous remercie encore pour ce que vous avez fait pour moi.
- Tu es sous ma responsabilité, c'est normal. Assis-toi, j'ai une proposition à te faire.

Loïc s'assoie en face de moi, clairement mal à l'aise.

- J'aimerais te confier la mission de protéger ma femme quand ni moi ni Martial ne pouvons être à ses côtés.

L'expression du garçon passe de clairement surpris à hésitant. De mon silence, je l'invite à parler.

- Excusez-moi, monsieur, mais je doute d'être là personne qu'il faut. Je veux dire... J'étais son gardien de prison et c'est à cause de mon incompétence qu'elle souffre aujourd'hui.

Je croise les mains sous mon menton. J'y ai déjà pensé en effet. Mais nous parlons d'Aliénor. J'ai lu ses cahiers et je ne doute pas qu'elle n'en voudra pas à Loïc.

Et pour l'instant, je manque d'homme à qui je fais entièrement confiance.

Je soupire :

- Nous lui demanderons son avis. Mais comme tu n'es ni responsable des ordres que je t'ai donné, ni de la trahison de Sylvie et Patrick, je ne pense pas qu'elle refusera.

Je vois bien qu'il n'ai pas encore convaincu. Son amour propre est encore blessé et visiblement il est plus sensible que je ne me le serait imaginé.

- Vous pensez qu'elle est en danger même au manoir ?

Je hausse les sourcils surpris qu'il me pose une question. Je le vois ce décomposer. Je le trouverai presque mignon à réagir au moindre de mes petits mouvements. Il est rare qu'un de mes hommes soit aussi craintif avec moi.

- Je ne pensais pas qu'elle le serait dans une de mes cellules. Je ne peux pas encore attraper mes bâtards de traître tant que je ne suis pas sûr de tous les attraper. Il vaut mieux s'assurer que tous le monde soit en sécurité.

Loïc hoche la tête mais je devine qu'il a encore plein de questions. Le respect qu'il me porte se mêlent trop à de la crainte pour que cela me plaise. Je préfère que l'on me parle plutôt que l'on me fuit.

- Demande moi ce que tu veux.
- Je sais que cela ne me regarde pas, mais votre femme n'a pas été la première a vous trahir.

La rage et la culpabilité qui dormait en moi se réveille. Je ne suis pas en colère contre lui mais contre moi. Ça me ronge de ne pas pouvoir rattraper mon erreur et établir l'innocence d'Aliénor. Pourtant, il le faut. Il faut que l'on avance nos pion avec prudence.

Loïc doit sentir ma colère, la peur se lit sur son visage. Il perd toute ses couleurs et tremble légèrement.

Je soupire pour me calmer avant de reprendre d'un ton impérieux :

- Ce que je vais te dire doit rester entre nous pour l'instant. Si j'entends ne serait-ce qu'une rumeur à ce propos tu n'auras plus l'occasion de voir le soleil. Nous sommes d'accord ?

Mes paroles finirent de décomposé le visage du garçon. Ce bonhomme, fier de son allure de brute, n'est qu'un enfant à mes yeux.

- Oui monsieur !
- Bien, ce que tu dois savoir c'est qu'Aliénor est innocente. C'est Sylvie qui a tout fomenté.

Je n'ai pas réussi à cacher la rage qui m'habitait à cette instant.

Un éclair de compréhension traverse le visage de Loïc suivi par de la colère. La colère de Loïc ne me surprend pas. Il est loyal envers moi, et comme certains de mes hommes il ne supporte pas la trahison. Mais par dessus tout il fait partie de ces hommes qui sont persuadés qu'ils doivent protéger toutes les femmes surtout si elles sont innocente.

Bien que j'estime qu'il n'y a pas plus de raison de protéger un homme ou une femme s'ils sont innocents et trop faible pour ce défendre eux-mêmes, j'apprécie avoir ce genre d'homme sous mes ordres. Ils font partie de ce qui ne violeront ou ne violenteront pas des femmes.

La colère de Loïc m'assure qu'il sera un bon protecteur.

- Patron, pourquoi ces traîtres sont encore vivant ?
- Car il me faut toute les preuves nécessaires pour leur faire payer à la hauteur de leur crime. Mais ce ne sera pas ton rôle. Toi tu dois t'assurer qu'Aliénor n'est plus à souffrir.
- Elle ne risquera rien à mes côtés.

Deuxième captivitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant