Réalité virtuelle

Chapitre 14 : Promesse d'hier, rêve de demain

Même si je tombais, je me relevais.
Si j'allais mal, je le gardais pour moi et je continuais d'avancer.
La vie ne fait pas de cadeau et si je voulais m'en sortir, il fallait que je me bouge.

Avec la tête dans le sable rouge d'un terrain privé du château, crachant ce que j'avais pu malencontreusement avaler ainsi qu'un peu de sang, j'ai posé ma main sur le sol et me suis remise debout.
"Alors furie, toujours décidée à apprendre les ficelles du métier? M'avait demandé la générale elfique où, de son épée posée sur son épaule, rigolait à ma vue fébrile qui peinait à rester sur ses jambes.
-Encore." Lui ai-je répondu avec un sourire qu'elle m'avait renvoyé.
Quoi que je puisse en dire, Rénald avait été un modèle pour moi.
De sa grande épée, il encaissait les coups en se tenant dans la mêlée.
Moi qui étais faite pour me déplacer rapidement, j'ai décidé de voir les choses sous un autre angle et faire comme lui.
Indirectement mon professeur, j'ai essayé d'imiter ses techniques car au combat, je voulais faire comme lui.
Même si ma dague était à ma ceinture, je ne l'utilisais plus.
J'essayais d'utiliser le moins possible mes pouvoirs pour ne plus devoir user des fées et de leurs forces et au final, faire du mal aux gens que je cherchais à protéger.
À nouveau, j'avais plusieurs fioles dans ma sacoche contenant du sang du roi des démons.
Aujourd'hui, il pleuvait fortement, ou comme diraient certains barbares de l'autre monde, il drachait.
Tombant à grandes gouttes sur ma nouvelle armure faite de plaques noires, aussi reluisantes que celles des gardes royaux, je me suis remise en position.
Elle était de la même résistance que le gantelet que je portais avant, qui maintenant avait été magiquement teint en noir et que je portais toujours.
Échanger vitesse contre résistance était peut-être une mauvaise idée mais c'était le choix que j'avais fait.
Tenant à deux mains le manche de ma nouvelle arme, celle-ci était très grande, lourde et épaisse.
De longues piques noires montantes faisaient sa garde, et au niveau de la goutille, une écriture draconique y était inscrite tandis qu'à la poignée, une inscription elfique y avait été gravée.
À ses côtés, je me sentais protégée mais surtout, je lui confiais ma vie sans hésiter.
En tant que fidèle compagnon dans mon futur groupe en expédition vers les terres inconnues, là où se trouvait l'auberge de la guilde des Croix inversées, j'ai décidé de nommer mon arme Zweihänder, parce que c'était un mot que j'avais entendu de la part de Nuxie et que je trouvais bien sympathique.

Et aujourd'hui, elle était affamée de triompher de mon entraînement.

D'une place à l'armée, à domestique pour finir par être ma garde rapprochée et à nouveau, meilleure amie, Anne m'accompagnait où que j'aille et la plupart du temps, s'entraînait avec ou contre moi.
De son arc qu'elle pouvait matérialiser par magie, Anne était la plus précise de toutes les personnes que j'ai eu le plaisir de rencontrer.
En ce jour et comme depuis maintenant deux mois, je mordais la poussière du sable rouge à chaque attaque de mon maître d'armes qui s'appelait É'Synthia.
Ce n'était pas pour lui déplaire car elle disait s'embêter toute seule à protéger les remparts qui n'étaient pratiquement jamais attaqués.
Depuis un moment, dans mon entourage proche comprenant le roi, les généraux, Anne et certains gardes, nous avions mélangés nos façons de parler et eux en sont venus à appeler les aventuriers les barbares de l'autre monde.
Moi qui souhaitais partir en expédition, j'avais retenu que dans leur jargon, un groupe devait toujours être formé de quatre personnes.
C'est pourquoi il nous manquait un fou capable de franchir les lignes ennemies avec nous pour aller s'occuper d'eux.
Le Nyrzhül qui me suivait, et par respect pour lui que j'ai décidé de nommer et qui maintenant avait Heimérid comme nom, faisait notre troisième membre.

Sous la forte pluie, un garde est arrivé jusqu'à É'Synthia qui venait de m'envoyer valser sur le sable une nouvelle fois.
Il était essoufflé, se tenait la poitrine pour reprendre sa respiration et serrait sa lance comme si sa vie en dépendait.
Je n'ai pas réellement écouter leur conversation qui avait pourtant l'air importante, car je pensais à la boucle d'oreille que j'avais sur moi.
Lors de mon combat contre Elias, malgré ma défaite, j'avais réussi à récupérer le bijou qu'il avait volé et je souhaitais, lors de mon expédition, offrir à Jizu la seconde que je ne portais pas, en guise d'adieu avant d'aller la venger.
C'est là que l'elfe noire est venue jusqu'à moi et m'a demandé de la suivre.
Dans la précipitation, nous sommes tous partis pour repasser par l'extérieur du château, pour passer par les jardins, ensuite l'entrée et pour finir, traverser la ville pour arriver à la prison qui était à côté des remparts.
C'est là que j'ai entendu la conversation entre deux hommes qui se trouvaient derrière la porte que je m'apprêtais à franchir.
"Je sais que je suis pas un démon mais je suis pas un ennemi pour autant.
-Alors pourquoi avoir voulu escalader la muraille sans passer par les portes?
-Car je suis pas un démon, vous alliez jamais me laisser rentrer!
Je cherche juste à voir une personne qui est venue chez vous il n'y a pas longtemps!
-Et qui me dit que tu ne fais pas ça pour attenter à la vie du roi? A demandé le garde suspicieux.
Commence d'abord par me dire comment tu t'appelles et ensuite on verra ce que je ferai de toi."
Sans leur laisser finir la conversation, j'ai eu un sourire et j'ai ouvert la porte.
"Cet homme s'appelle Zhin mais vous pouvez aussi l'appeler Zhin." Ai-je dit en regardant le singe dont je n'oublierai jamais la voix.

Après m'être expliquée avec la générale, Zhin a récupéré sa liberté et a eu l'autorisation de rester à Ernistère grâce à ma parole qu'il ne fera jamais rien pouvant porter atteinte à Sa Majesté.
Tous les quatre assis sur le rebord des remparts en regardant l'horizon, je me suis mise à parler à Anne, Heimérid et Zhin.
"J'ai fait la promesse de venger mes parents mais ça, vous le saviez déjà.
Je tiens surtout à garder dans mon cœur le rêve qu'un jour, nous, réels habitants de ces terres, ne nous sentions plus inférieurs aux envahisseurs barbares de l'autre monde."

Une créature mystiques aux multiples tentacules, la déchue la plus précise de tous les royaumes confondus, le combattant singe vachement bien musclé et moi-même, la fervente protectrice des créations de la Déesse Estelle, nous allions nous mettre en quête d'un avenir où les nôtres ne seraient plus jamais persécutés par les aventuriers.