Chapitre 21 : Mensonges

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Malgré que la couleur n'était pas tout à fait la même, aux yeux de tout le monde à l'exception du roi, on pouvait penser que je buvais un verre de vin rouge.
La réalité était son sang dont personne n'était au courant, dont je me délectais jusqu'à la dernière goutte.
Sur le moment, ça calmait mes pulsions et les voix dans ma tête ...

Assis autour d'une grande table, nous discutions de la stratégie à prendre pour aller retrouver mes camarades prisonniers des Croix inversées, dont les sources nous affirmaient qu'ils étaient encore en vie.
Bien que les généraux, plusieurs soldats très haut placés et le roi parlaient, dans ma tête, la seule chose qui comptait était de les revoir sains et saufs.
J'étais dans l'incapacité de penser sereinement et les regards inquiets des autres envers moi ne me faisaient pas plaisir.
Mais je ne pouvais pas le leur reprocher, surtout en sachant que peu à peu, la population démoniaque commençait à douter de mes capacités en tant que princesse.
Que ça soit par mes actes irréfléchis ou mes humeurs changeantes, certaines personnes parlaient dans mon dos.
Mais encore une fois, je pouvais comprendre cet aspect de leur personnalité qui doutait de moi.
Après tout, la royauté ne m'intéressait pas et seuls la vengeance et le sauvetage primaient pour moi.
Une fois leur discussion finie, alors que le roi se levait de table pour continuer sa conversation en privé avec le général déchu, la générale elfique est venue s'asseoir à mes côtés.
"Est-ce que tu penses pouvoir tenir le coup, petite furie? Me demanda-t-elle.
-Je vais essayer ..." Lui ai-je répondu au regard fuyant.
De sa main sur ma tête pour me caresser les cheveux, É'Synthia s'éloigna pour se rendre auprès du roi et finaliser la stratégie à adopter.

Dans ma longue robe tentaculaire, faites desdits tentacules, s'il y avait bien un point sur lequel les gens ne doutaient pas de moi, c'était que si un Nyrzhül me faisait confiance, ils gardaient espoir en ma personne.
Malgré mon impatience, je suis restée sage le temps des préparatifs qui ont pris plusieurs jours.
Suite à ma conduite, l'interdiction de sortir avait été retirée.
Avec une simple mais longue cape noire pour couvrir mon corps dénudé dessous, je chevauchais Heimérid en direction des remparts où j'avais pour habitude d'aller.
D'une certaine façon, me voir pavaner dessus redonnait le moral aux citoyens.
Une fois arrivée à destination, ma monture est redevenue robe et j'ai pris mon violon dans mes mains.
Contrairement à mon habitude, alors que j'allais commencer à chanter, cette fois-ci, j'ai décidé de le faire en langage draconique.
C'est là que s'est passé quelque chose auquel je ne m'attendais pas.
Dés les premières paroles, l'ombre qui avait pour habitude de me suivre est revenue.
Enveloppée dans le noir total, je ne voyais plus rien d'autre qu'elle.
Moi qui pensais que l'ombre était le roi des démons, à cause de leur voix commune ou de leur apparence, j'avais fait fausse route.
Alors que très rapidement, esprits et fées dansaient à mes côtés dans le néant absolu, l'ombre en fit de même.
De mes tentacules, j'ai continué à jouer du violon tandis que de mes mains, j'ai pris celles de mon partenaire de danse.
Peu à peu, le monde s'est mis à s'éclairer.
Bien que je chantais, c'est là que ses murmures m'ont fait arrêter tout ce que je faisais.
"Un jour, tu me mettras une couronne sur la tête.
Maintenant que tu ne rigoles plus, moi-même je peux être sérieux.
Et ce jour-là, tu t'agenouilleras à ma vue.
En attendant, je vais t'enlever une partie de ton fardeau, petit chat."

Autour de moi, je me suis retrouvée dans une pièce similaire à celle où j'avais été enfermée.
Torturés et mal en point, Zhin et Anne étaient là, dans une cellule commune.
Ma respiration s'est coupée et j'ai voulu arracher les barreaux d'où ils étaient.
Alors que je pensais y parvenir, je suis passée au travers.
Bien que ma présence n'était pas réelle, Anne a relevé les yeux.
"Andréalle, est-ce que c'est toi? A-t-elle demandé.
-Oui ... Je suis là, Anne ... Je vais vous sauver ... Lui ai-je dit avec difficulté.
-Si tu peux m'entendre, Andréalle, je ne sais pas combien de temps je pourrai encore tenir ...
Mais je compte sur toi et ton retour, comme je l'ai toujours fait ... Finit-elle en toussant du sang.
-Je t'en fais la promesse, Anne." Répondis-je avec conviction, alors que lentement, le monde se remit à devenir noir.

De retour face à l'ombre, je me suis agenouillée.
"Je ferai tout ce que tu me diras de faire.
-J'y comptais bien."
C'est là que ses bras se sont mis sur moi et qu'un cri hurlant et perçant me fit vibrer les oreilles.
Cette fois-ci, ses mains brûlaient mais ses yeux étaient si froids que j'en venais à me demander si le roi et lui n'étaient pas le jour et la nuit.
Bien que je ne comprenais pas tout, cet individu était en mesure de me faire trouver ceux que je voulais sauver.
C'est là que j'ai ouvert les yeux dans la réalité.
J'avais mon instrument à la main et à la moindre note que je jouais, les fées se mirent à résonner avec.
J'avais la sensation d'amplifier leurs pouvoirs et donc, directement, les miens aussi, puisque je dépendait des leurs.
Tout en continuant de jouer, l'énergie dégagée par les esprits et la mienne étaient si puissantes que j'avais l'impression que nous allions exploser.
C'est là que j'ai regardé le ciel et sans m'en rendre compte, j'ai dit Estelle, tu me manques ...
Mais seule la Déesse avait le droit de porter un tel nom.
Était-ce parce que ses pouvoirs vivaient au travers de moi?
Je ne saurai le dire avec certitude.
Mais une chose est certaine.
De par l'amplitude démesurée des fées, leurs pouvoirs se sont joints aux miens.
Aux grandes ailes grises dans mon dos faite d'écailles sombres, je me suis élevée dans les airs jusqu'à dépasser les nuages.
Une explosion s'est créée sous moi pour m'éjecter encore plus haut.
D'une pente de glace qui flottait dans les airs, j'y ai enfoncé mes griffes pour continuer de m'élever.
Bouscuclée par le vent d'une tornade, j'ai encore été plus en hauteur.
Là où mes ailes n'arrivaient plus à m'emmener, une main faite de pierre rattrapa la mienne.
C'est là que j'ai vu l'ombre au-dessus de moi.
Alors qu'elle me regardait, une larme à coulé de son œil avant de se geler.
À nouveau, je me suis mise à tomber à toute vitesse, incapable de me remettre à voler car mes ailes se sont mises à disparaître.
Au moment où j'allais toucher le sol, j'ai cligné des yeux et j'étais à nouveau sur les remparts.

É'Synthia venait de me rejoindre et me regarda, dubitative.
"Est-ce que tout va bien, petite furie? Me demanda-t-elle.
-Comme depuis plusieurs jours. Lui ai-je menti alors qu'une immense joie d'avoir revu mes camarades bouillonnait en moi.
-Tu étais en train de jouer de la musique?
-Comme depuis plusieurs jours, É'Synthia.
-Rien d'autre? Tu m'as l'air légèrement différente?
-Ce n'est pas comme si quelque chose allait arriver ici, à Ernistère.
-Tu as raison, ça doit simplement être une impression étrange à cause de la future bataille qui se prépare.
-Ça doit être ça."

Tout en la suivant, j'ai rangé dans ma robe une des fioles qui auparavant contenait du sang de vampire, alors que maintenant, s'y trouvait une larme gelée.


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