Réalité virtuelle

Chapitre 15 : Le port d'Illinier

Depuis notre départ, ça me faisait bizarre de ne plus voir quelqu'un s'arrêter sur place et mettre ses mains dans le vide en disant appuyer sur quelque chose qui n'existait pas.
C'était une nouvelle aventure qui s'offrait à nous mais cette fois-ci, sans le moindre barbare de l'autre monde et leurs besoins différents des nôtres.
Après seulement quelques secondes de pensées, en arrivant à cette capitale au bord de l'eau qu'est le port d'Illinier, des bâteaux partaient et venaient, faisant de potentiels échanges commerciaux.
Il nous fallait en prendre un pour nous rapprocher de notre but qui était de trouver la guilde des Croix inversées.
Là où aventuriers naviguaient, gens comme nous faisaient la même chose, il y avait un beau bâteau, très grand et accueillant.

En souhaitant s'en approcher, un de ces barbares de l'autre monde qui n'avait pas compris qu'on était pas comme lui, nous avait dit que le capitaine vers qui on allait, n'allait jamais nous accepter.
Pour pouvoir passer incognito, Anne avait une capuche et une écharpe sur son visage pour cacher sa véritable apparence.
Heimérid quant à lui, avait la faculté de se fondre dans l'ombre de quelqu'un.
Tandis que Zhin ... N'en parlons même pas, il faisait son Zhin.
"Ah ouais et pourquoi on pourrait pas aller en bâteau avec ce capitaine? A-t-il demandé à l'aventurier face à lui, tout son corps frôlait celui de la personne à qui il parlait.
-Du calme, mon gars. Répondit nerveusement le barbare de l'autre monde.
Il prend pas les aventuriers, c'est tout."
Tout en le laissant s'occuper de cet aventurier, avec Anne, nous nous sommes avancées jusqu'au capitaine.
"Alors comme ça, les barbares de l'autre monde ne vous intéressent pas? Ça tombe bien, car moi non plus. Ai-je dit avec un sourire sur le visage.
-J'ai traversé les mers un nombre incalculable de fois. Expliquait-il avec une pipe à la bouche.
On m'la fait pas à moi.
Demande à ton amie d'enlever sa capuche pour que je puisse bien voir qu'il n'y a pas tromperie sur la marchandise.
Et tant que vous y êtes, cette chose dans ton ombre aussi."

C'est là que j'ai sorti mon arme au moment où Heimérid s'est montré et qu'Anne en a fait de même.
Au moment où celui qui était à côté du singe nous pointa du doigt en criant qu'on était des pactisants du roi des démons, ce qui lui a offert le poing de Zhin sur le coin du visage.
"Laissez-moi quinze minutes pour préparer notre départ et on partira où vous voudrez!" M'a dit le capitaine, là où nous nous sommes échangés un sourire.
Très rapidement et à l'incompréhension des barbares de l'autre monde, les gardes sont venus nous assister.
En peu de temps, une vingtaine d'aventuriers ont pris les armes et sont venus à notre rencontre.
"Que la Déesse Estelle nous protège." Ai-je dit en langage démoniaque, tout en tapant du bout de ma lame sur le sol.
Très rapidement, nous nous sommes mis à nous battre.
Nous avions une règle qu'il nous était impératif de suivre, qu'importe sa difficulté.
Il était interdit de tuer quelqu'un, pas même un aventurier, à moins d'être tous du même avis.
J'avais une vitesse légèrement supérieure à celle que j'avais avant, malgré que j'avais une armure lourde sur moi, tandis qu'Anne, et de très loin, était la plus rapide de nous tous.
De son arc, elle désarmait les cibles qui au préalable, avaient été bloquées par Heimérid grâce à ses tentacules qu'il pouvait rentrer dans le sol pour qu'ils sortent où il voulait.
Tandis que Zhin, avec ou sans notre aide, distribuait ses poings sans faire de favoritisme.
Rapidement, j'ai été le rejoindre pour parer tous les coups qui pouvaient arriver sur lui ou les gardes qui nous aidaient.

Après cinq minutes, bien que le combat restait facile, d'autres barbares sont venus aider ceux déjà présents en prétextant que c'était une quête événementielle.
Parfois, j'en avais marre d'être comparée à un personnage d'un jeu qui n'était là que pour leur apporter du plaisir ou de l'expérience.
Et c'est quand j'ai entendu leurs propos que j'ai décidé d'arrêter de me défendre et d'attaquer en retour.

Dix minutes étaient passées, nous étions à bout de souffle et malgré notre état, qu'importe combien d'ennemis étaient tombés inconscients, d'autres arrivaient pour les remplacer.
On continuait sans relâche quand soudain, à quelques minutes que le bâteau ne sorte du port, une attaque magique est venue jusqu'à moi.
Alors qu'un oiseau de feu venait de percuter ma lame, de mon épée à deux mains, j'ai eu à me défendre contre une épée lourde, que je connaissais si bien.
Au même moment, des carreaux d'arbalète arrivèrent jusqu'à moi, eux-mêmes bloqués par des flèches d'Anne.
Malgré la masse de barbares autour de nous, ceux-là, je ne pourrai jamais les oublier.
De son épée contre la mienne, Rénald se trouvait face à moi.
Assisté de loin par les oiseaux de feu de Nuxie et la stratégie d'Elvirin.
Je ne voulais pas en arriver là ... Mais c'était soit ça, soit la rage qui allait me transformer.
"Fées des océans, faites de moi la plus tempétueuse des vagues." De mes mots murmurés aux esprits, rapidement, ma lame s'est recouverte d'une eau magique, où les inscription elfiques ont pris vie.
D'un simple coup de mon épée que j'ai enfoncée dans le sol en criant, une puissante vague d'eau expulsa tous mes adversaires, même le chevalier qui n'avait pas réussi à résister à mon pouvoir.
Poussée par le liquide féérique, j'ai surfé jusqu'à Rénald qui était au sol.
J'ai mis ma lame au-dessus de son cou et un regard triste pouvait se lire sur son visage.
"Tu seras toujours une membre de notre guilde, Andréalle." M'a-t-il dit, pris au dépourvu.
Pour une raison que j'ignorais, je savais que lorsque j'attentais à la vie d'un barbare de l'autre monde, il n'était plus capable de revenir auprès de la statue de la Déesse Estelle.
En se redressant, Elvirin et Nuxie observaient mes actes sans réagir mais pas un seul ne dit un mot.
D'un simple coup de lame, je pouvais en finir avec les premiers qui m'avaient fait du mal.
Mais en étais-je seulement capable? Est-ce que c'est ce que je voulais?

Notre interdiction de tuer quelqu'un avait ses limites.
On avait l'autorisation de tuer celles et ceux des Croix inversées ainsi que de l'arc-en-ciel gris.
C'était une règle qu'y avait été mise pour nous permettre de réagir au plus vite selon la situation.
Et cette fois-ci, j'étais en droit de tuer Rénald mais ...
Moi qui m'étais entraînée pendant des semaines, au moment décisif, mes mains ont commencé à trembler.
Mon regard devint vacillant mais la douce voix d'Anne me fit reprendre mes esprits.
"Si tu ne t'en sens pas capable, c'est qu'ils n'en valent pas la peine, Andréalle."
En rangeant mon arme après avoir soupiré, je me suis penchée sur le chevalier à mes pieds et j'ai récupéré la sienne.
"La petite fille naïve que tu as connue n'existe plus, grand chevalier.
Et ta guilde ne m'intéresse plus." Lui ai-je dit en me redressant, avant de me diriger vers le bâteau qui allait partir sans nous.

"Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé, Andréalle ... M'expliqua Rénald.
-Je suis une membre des Larmes noires, maintenant." Ai-je dit sans me retourner, avant de lancer son épée dans l'eau et rejoindre le bâteau en direction des Croix inversées.