Chapitre 10 : Chagrin

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11 juin 2007



La chaleur et l'amour de sa dernière phrase ne fut pas suffisante pour atténuer la vague de choc et de colère traversa Ashley.

« Vous avez donc pris un bébé comme vôtre en échange d'argent, articula-t-elle d'une voix qui semblait à la croisée entre un grognement humain et un grognement animal.

Vous ne l'avez même pas élevé parce que vous le vouliez.

– Non Ashley ! Ne te méprends pas ! lui lança sa mère d'une voix douce en venant saisir ses mains dans les siennes.

Même si nous avons initialement accepté de nous occuper de toi en échange d'une paie, je peux te promettre que je me suis jurée de t'aimer comme si j'étais ta vraie mère ! »

Ashley jeta un regard dégoûté à sa mère.

Même si une part d'elle désespérait de la croire, une autre part avait juste l'impression d'avoir été traité comme une bête de somme, dont on s'occupe un certain temps avant de s'en débarrasser une fois qu'elle devient inutile.

« Que vous ont-ils dit sur moi ? Je suppose qu'ils ne m'ont pas confié à vous sans vous fournir quelques explications. »

Le regard de sa mère se fit hésitant.

« En réalité, ils ne nous ont pas tant parlé de toi que ça.

Ils nous ont juste dit que ta mère était dans l'impossibilité de s'occuper de toi et que tu avais besoin de parents adoptifs pour prendre soin de toi.

– Rien d'autre ? » insista Ashley, qui, mine de rien, n'avait pas oublié les propos de son père juste après qu'elle ait mordu Frank, il y a un mois de cela.

Sa mère dut s'en rendre compte car elle soupira avant de répliquer.

« Ils...ils nous ont dit qu'il était possible que tu développes des...''capacités anormales''.

– Des capacités anormales ? Comme se transformer en loup ?

– Ils n'ont pas explicité leur pensée.

Cela étant, tout porte à croire que c'était, en effet, à cela qu'ils faisaient référence. »

Ashley vit le doute dans l'expression de la femme avant que cette dernière n'ajoute.

« Ils...ils nous ont aussi demandé de prendre contact avec eux dès que tes...capacités se manifesteraient. »

La fillette eut l'impression que son sang se transformait en glace dans ses veines.

« Et...tu l'as fait ? »

Le regard rongé par la culpabilité de sa mère fut une réponse amplement suffisante.

Ashley sentit le goût amer de la trahison lui imprégner la bouche.

« Maman...tu n'as pas fait ça.

– Je suis désolée ma puce, souffla son aînée, qui tendit la main en direction de sa fille, seulement pour que celle-ci recule vivement, adoptant la même posture qu'un animal sauvage effrayé.

Mais comprends-moi...je n'avais pas le choix.

Contrairement à ce qui s'est passé avec Frank, c'est une affaire que Sébastien et moi ne pouvons étouffer.

Nous aurions d'ailleurs même déjà dû les prévenir après cet incident, mais j'avais convaincu ton père de ne pas le faire.

Mais cette fois, même moi, je suis impuissante.

– Maman non ! supplia Ashley en secouant frénétiquement la tête de gauche à droite.

Tu ne peux me faire ça ! Ils...ils vont m'emmener...ils vont m'emmener et je ne vous reverrais plus jamais Tiffany et toi ! Ils vont faire de moi un rat de laboratoire !

– Je te promets que non ma chérie, lui dit sa mère d'une voix apaisante.

Ils m'ont juré qu'ils s'occuperaient bien de toi et qu'ils t'aideraient à mieux contrôler tes pouvoirs.

Comme ça, tu n'auras plus à craindre de blesser qui que ce soit par accident, ce n'est pas merveilleux ? »

Non, ce n'était pas merveilleux du tout.

Et même si Ashley aurait dû être soulagée que des gens puissent l'aider à maîtriser ses capacités, de sorte à ce qu'elle n'ait plus peur de s'attaquer accidentellement à quelqu'un, dans l'immédiat, elle ne voyait que la trahison de sa mère.

Elle avait beau prétendre, après ce qu'elle avait fait, elle ne cherchait plus qu'à se débarrasser d'elle.

Ashley était une menace pour tout le monde tant qu'elle ne contrôlait pas ses facultés surnaturelles.

Ce qui incluait Tiffany.

Et ça, son aînée l'avait très bien compris.

Elle sacrifie une fille pour protéger l'autre.

Cette pensée ne lui apporta rien d'autre qu'un brûlant sentiment de douleur et de trahison.

L'entité en elle, toute aussi dévastée, gémit tristement, autant atterrée qu'Ashley de la situation.

Et ce, bien qu'elle tente de consoler cette dernière en lui envoyant des vagues apaisantes.

Toutefois, cela n'eut aucun effet sur l'esprit brisé par le chagrin et la colère de la petite fille.

« Quand est-ce-qu'ils vont venir ? demanda-t-elle d'une voix soudainement dépourvue d'émotion.

– Ils ont dit qu'ils viendraient te chercher ce soir. »

Ce soir.

Elle n'avait devant elle qu'une dizaine d'heures à peine pour se préparer à dire adieu à tout ce qu'elle avait jamais connu et aimé.

Cette nouvelle plongea Ashley dans un silence glacial.

Sa mère tenta de lui caresser la joue pour la rassurer, seulement pour être repoussée d'un geste par la fillette.

« Je veux être seule. »

La femme marqua une hésitation avant d'acquiescer.

« En cas de problème, je serais en bas. »

Ashley ne réagit pas – elle refusa de réagir.

Elle s'obligea à garder une expression indifférente et froide tant que sa mère était dans sa chambre.

Mais sitôt que cette dernière ferma la porte, le masque d'Ashley se fissura avant d'éclater en mille morceaux.

Elle se laissa tomber contre le mur, juste à côté de son lit et se mit à pleurer, enfouissant son visage dans ses bras, dans un vain effort de se détacher du monde extérieur.

Chose qui fonctionna car elle ne réagit même pas lorsque la porte de sa chambre s'ouvrit et que Tiffany se glissa à l'intérieur de la pièce.

Elle ne réagit pas non plus lorsque sa sœur vint se blottir contre elle et lui mit Loulou entre les mains, dans une tentative désespérée de la réconforter.

Une petite part d'Ashley aurait voulu que sa cadette ne la voit pas dans un tel état.

Une autre lui fut profondément reconnaissante pour sa présence.

D'autant que Tiffany demeura auprès d'elle tout du long, sa présence étant à la fois silencieuse et réconfortante.

Sans jamais lui poser la moindre question sur ce qui la bouleversait.

Elle se contentait simplement d'être là pour Ashley.

Et au milieu de la brume de détresse de cette dernière, la fillette de six ans comprit ce qui allait le plus lui manquer quand elle partirait.

Ce ne serait ni ses jouets ni l'amour ou la fierté de ses parents.

Ce serait la douce et pétillante présence de Tiffany.

Sœur Animale : Cœur de LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant