III

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J-20

La fin des cours arriva. J'avais la tête remplie de nouveaux termes financiers (BFR, marge brute, etc.) dû à ma dernière leçon qui avait duré deux heures. Les garçons semblaient absorber les mots et jongler avec les concepts avec moins de difficultés que moi. C'était probablement parce que leur père travaillait à son compte et qu'il devait partager avec transparence ses journées passées au travail.

Ce n'était pas le cas du mien. Il n'était cependant pas indépendant. Il avait travaillé dur pour être député, mais ne révélait pas grand-chose de son quotidien. Et tant mieux, car j'étais sûre et certaine que cela aurait été barbant de toute façon.

Sur le chemin du retour, je cherchai du coin de l'œil la personne que j'avais croisée ce matin. Cette personne ne ressemblait pas à quelqu'un que je connaissais. Mais dans un sens, il était normal que je pense ça. Elle s'était couvert le visage. Je n'aurais pas pu la reconnaître. Et si nos parents l'avaient récemment embauché, alors je ne le repèrerais pas dans tous les cas.

Mais quand même... Cette histoire puait. Si quelqu'un souhaitait véritablement me surveiller en toute impunité et sans être dérangée, pourquoi se cacher autant la figure ? C'était comme si quelqu'un se mettait sur le front l'étiquette « suspect ». Ça n'avait pas de sens, à moins que cette personne refuse complètement de se faire identifier. Et cela signifierait que je la connaissais bel et bien !

Calme-toi, ma petite. Ne fais pas ta miss. Tu sais pas si elle te regardait toi ou quelqu'un d'autre aux alentours. Tu n'es pas toute seule à étudier dans cette école.

La voix de ma conscience tentait de m'apaiser. C'était louable, mais pas certain que ça marche.

L'inconnu masqué se trouvait derrière moi, presque en ligne droite.

J'accélérai le pas pour rentrer à la maison. C'était la première fois que je me sentais plus en sécurité au foyer qu'à l'extérieur.

En ouvrant le portail amenant sur notre jardin, je croisai plusieurs gardes du corps en face de l'entrée.

Personne ne portait de cagoule, de casquette, de lunettes de soleil, ou d'autres accessoires lui cachant son identité.

Il n'y avait que les mêmes gardes que je connaissais depuis toujours. Il y en avait un, d'ailleurs, que je retrouverais entre mille.

Chauve, tatoué, et au regard de chien méchant, je suspectai mes parents d'avoir embauché Bernard dans le seul but d'effrayer des potentiels voleurs avec son allure stéréotypée.

En me voyant approcher, son éternel air énervé s'adoucit.

— Ma petite Pauline ! Tu as passé une bonne journée ?

— Ça pouvait aller. Dis, Bernard, tu me le dirais si toi ou un de tes collègues jouiez une partie de cache-cache en me suivant ?

Le garde du corps haussa les épaules.

— Honnêtement, si je le savais, je ne le dirais pas. Mais comme aucune filature de ce genre arrive en ce moment, je peux te dire que tu peux rester en paix. Personne ne te suit.

— Hm... Je ne sais pas si je dois te croire. Tu viens juste de me dire que si quelqu'un me suivait vraiment, tu ne me le dirais pas.

— Touché, répondit-il. Mes lèvres sont scellées. Mais je suis honnête, cette fois. Personne ne te suit.

Cette fois ? Je ne relevais pas ce fait et laissai tomber mon mini-interrogatoire. Il ne parlerait pas. Il était payé pour, et ce n'était pas aujourd'hui qu'il renoncerait à son salaire juteux.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant