XIX

36 2 0
                                    

J-9

Le lendemain, c'était le 15 . Et qui disait samedi, disait le jour du culte des jeunes.

J'y étais allée comme à mon habitude, en traînant des pieds et en regardant le paysage plus souvent que les jours de la semaine. Par contre, pas comme mon habitude, je gardais mon visage fermé.

C'était mon visage naturel, et j'étais pas dans l'humeur de le modifier, dû aux différents événements de ces derniers jours.

Je pouvais passer en cours, où la plupart des élèves avaient la même expression fatiguée. Je pouvais encore passer à la maison puisque mes parents et moi n'étions pas en bons termes. Par contre, à l'église, c'était complément différent.

Là-bas, les visages étaient constamment radieux, et pleins d'expression que je considérerais comme exagérée. Ma tête, qu'on pouvait qualifier de bougonne, ne passerait pas inaperçue. C'était sûr.

Certains penseraient que je serais en colère contre eux spécifiquement, comme si j'avais l'énergie de songer à des connaissances quand je ne les voyais pas.

D'autres penseraient que je n'étais qu'une jeune insolente qui ne respectait rien. Ce n'était pas un problème. J'en avais marre.

Je voulais que tout finisse. Pour une fois.

Lorsque je me rentrais dans l'église, seuls les jumeaux s'y trouvaient. Nous étions en avance.

Comme d'habitude.

La vue de leur tête me rappelait la trahison qu'ils m'avaient faite. J'allais leur faire leur fête.

Ils s'étaient assis à nos places habituelles, et je n'eus qu'à me mettre au milieu d'eux.

Ils ne me dirent même pas bonjour. Ils savaient ce qu'ils faisaient.

— Vous. Vous avez des choses à m'expliquer.

Les deux garçons sursautèrent et comprirent immédiatement à quoi je faisais référence.

Victor fut le premier à s'incliner devant moi.

— Je suis désolé. Je n'aurais pas dû.

— Au moins, tu t'excuses. C'est pas si mal.

— Mais elle était tellement insistante, je n'ai pas pu faire autrement... ajouta-t-il.

— Qui ? Maman ?

Ça ne pouvait pas vraiment être quelqu'un d'autre, mais j'avais besoin d'être sûre de ce qu'ils avançaient.

Il acquiesça, confirmant la première impression que j'avais. Ma mère était pressante avec moi ces derniers temps, oui, mais c'était bien eux qui lui avaient mis l'information en tête en premier lieu, non ?

— Je suis d'accord. Mais à aucun moment elle vous a menacé de vous planter l'artère avec un scalpel, non ? Vous n'étiez pas obligés de lui dire quoi que ce soit. Ce que je ne comprends pas, c'est que vous vous êtes sentis forcés de tout lui raconter, comme des petits toutous obéissants. Maintenant, ils sont obsédés.

Tristan, lui, feuilleta la Bible, et semblait désintéressé par mes accusations et mes demandes d'explication.

— Pourquoi vous avez tout raconté le jour même ? Vous êtes ignobles !

Je leur disais tout ça, évidemment, avec la même expression blasée.

Ils m'énervaient, eux, tous. Je voulais juste être dans mon lit et en paix, moi.

Tristan continua de faire virevolter les feuilles puis s'arrêta sur la page de garde menant vers les écrits de Proverbes, le livre biblique le plus empreint de sagesse. C'était justement ce qu'ils leur avaient manqué, lorsqu'ils avaient décidé de m'offrir en sacrifice à ma mère.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant