XXIII

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J-8

J'étais seule, sur le lit, pendant que Denise prenait une bonne douche afin d'expier toute la colère que j'avais pu faire remonter. Alors que l'eau coulait à un rythme relaxant, je me résignais à attendre mon tour pour la toilette. Je ne pouvais pas rentrer chez moi dans cet état, dans tous les cas. J'étais obligée de rester un moment.

Peut-être que c'était pour le mieux. Peut-être que si je passais mon temps dans les transports en commun afin de rentrer vite chez moi, j'allais péter un câble.

Et il valait mieux que je pète un câble en privé, dans une chambre feutrée à bonne isolation plutôt qu'en public.

Je me couchai sur le lit, et me couvris le visage. Ça y est, la lumière du soleil me sortait par les yeux. J'en avais marre. J'en avais un peu marre de tout, pour être honnête. Tout ce que je voulais moi, c'était une vie heureuse auprès d'une femme que j'aimais. Tout ce que je voulais, c'était de pouvoir voir mes amis de temps en temps, et échanger des bêtises. Tout ce que je voulais, c'était me trouver une carrière épanouissante.

Qu'avais-je fait pour mériter ça ? Je n'avais rien demandé de tel !

Je me tortillais dans les draps, n'arrivant pas à sortir de mes paupières les images de la proposition morbide de ma petite amie.

Faire tant déprimer mon père qu'il s'ôte la vie... Non, mais elle s'entendait, des fois !

Elle ne devait pas le faire, et pourtant, elle m'avait exposé son plan sans la moindre honte. Comme si assassiner mon père était la chose la plus normale à réaliser et que tout ce que j'avais à faire c'était de lever mon pouce pour l'autoriser à commettre son méfait.

Enfin, pour elle, ça ne serait même pas un méfait. Ça ne serait qu'une juste rétribution pour ce qu'il m'aurait fait.

Mais qu'est-ce qu'il m'aurait fait, au juste ?

L'eau de la douche s'arrêta de couler, et mes poils de bras se hérissèrent d'un coup.

Denise sortit, vêtue seulement d'une serviette de bain. Elle n'avait pas l'air paisible, mais la folie de tantôt avait définitivement quitté son esprit, pour le moment.

Elle avait eu raison de se refroidir le visage pour oublier sa colère. Elle se connaissait bien.

Je pris sa suite et partis me laver aussi.

— Et moi, est-ce que je me connais ?

Je me posais la question réellement. Moi, je ne savais pas trop quoi penser. J'avais l'impression qu'on avait mis mon corps dans un océan de nuages. Et les nuages, ce n'était pas exactement les éléments les plus solides de notre univers.

J'étais dans le flou.

Alors que l'eau tapait contre ma peau, mes muscles des épaules se détendirent. Je me sentais de mieux en mieux.

— Qu'est-ce qu'ils m'ont fait ? Qu'est-ce qu'ils m'ont fait il y a trois ans ?

Là. C'était là le cœur de la réponse à tous mes questionnements.

Pourquoi mes parents me cachaient le secret qui les faisait mener à la baguette par Denise ? Pourquoi Denise considérait que la peine de mort devrait être rétablie pour mon père ? Pourquoi je me sentais aussi bizarre dans cette famille où je m'étais toujours douté que quelque chose clochait ?

Cette question du « qu'est-ce qu'il m'est arrivé il y a trois ans ? » tournait en boucle dans ma tête, et je ne serais pas capable de m'en débarrasser tant que je n'étais pas confronté à la réponse.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant