J-2
La marque de brûlure qui mutilait le corps de ma petite amie avait été infligée par nulle autre que moi.
Si, à chaque fois qu'elle se trouvait nue et devant un miroir, elle devait voir cette horrible cicatrice, c'était parce que je lui avais fait du mal.
C'était moi la personne qui l'avait le plus blessée. En plus de ne l'avoir jamais aidée sur l'agression sexuelle qu'elle avait subie, moi, sa meilleure amie, j'avais lâchement fui pour une nouvelle vie que je pensais meilleure.
J'étais un monstre.
Denise me serrait, et je ne pus m'empêcher de me demander quand elle allait arrêter de faire comme si elle m'aimait pour commencer à m'étrangler.
Mais ce moment ne venait pas. Elle persistait à garder les mains sur mon dos, traçant des doux cercles avec les doigts pour me calmer.
— Denise... Tu ne me détestes pas ? Pourquoi ? Je t'ai fait du mal pourtant. Tu devrais.
— Je ne te déteste pas. Ce ne sont que des égratignures. Ma vie n'a pas été en danger. Et puis, je préfère largement ces brûlures-là plutôt que la captivité. Donc ne t'inquiète pas. Je ne te hais pas.
Je me reculai et admirai son visage. Elle ne semblait pas mentir. Enfin, selon ma vision. Je n'étais pas la plus forte pour détecter les expressions faciales.
— Tu es sûre que tu ne me détestes pas ? Je trouverais ça juste de le faire. Même si ça me rendrait triste de te perdre. Tu es la seule personne liée à mon ancienne vie qui me reste. Et je ne sais pas si je pourrais revenir dans un village qui avait fermé les yeux sur ce qui se passait.
— Je ne sais pas si nos parents savaient comment le prêtre « prenait soin de nous », entre guillemets. Mais c'était bien eux qui lui ont demandé de nous réparer.
J'acquiesçai. Oui, je me souvenais. Mes parents trouvaient mon comportement trop étrange, en plus du fait que j'étais obsédée par les filles autour de moi au commencement de la puberté.
Quant à Denise, elle était là parce qu'elle ne se comportait pas assez comme un homme.
Je me mis à pouffer. Pas d'hilarité, mais de désespoir.
— On a subi tout ça pour quoi ? Regarde-nous ? On est loin d'être devenues des fiertés pour nos parents.
Denise me reprit dans mes bras. Cette fois, j'acceptai sans réserve son embrassade.
Elle me reproposa ensuite un thé, pour nettoyer mon estomac. Je l'acceptai volontiers, pendant que je faisais les cent pas dans la pièce de vie.
— Il n'y avait qu'une seule école, et elle avait subi de grands dégâts, poursuivit Denise alors qu'elle allumait la bouilloire d'une pression sur un bouton. Et je ne t'apprends rien en disant que c'est un des établissements les plus importants qu'un petit village peut avoir.
— Je ne me sens pas particulièrement fière de moi sur ce coup-là.
— La commune n'avait pas les finances pour reconstruire l'école. Il y avait déjà assez de problèmes comme ça, avec les petits commerces qui fermaient, et les familles d'agriculteurs qui faisaient faillite. L'école, ça a été la goutte de trop. Ou peut-être pas. Je pense que la découverte de la perversité du prêtre a été pire.
— Ah, ça s'est su ? Attends, pourquoi je ne me souviens pas de ça, moi ?
La fumée s'échappait de la bouilloire. Elle prit cela comme le signe qu'elle pouvait commencer à me préparer le même thé que tout à l'heure, avec autant de lait et de sucre.

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Rendez-vous avec le mal
Mistero / Thriller⚡ Pour contrer la maitre chanteuse de ses parents politiciens, une jeune femme s'engage dans un jeu de séduction dangereux avec le corbeau ⚡ Pauline, 20 ans et fille d'un politicien homophobe, vit avec honte dans le placard et rêve de se fondre dans...