XVIII

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J-12

J'avais évité mes parents comme la peste après cet incident. Quand ils se trouvaient dans une pièce, je faisais tout pour me trouver miraculeusement dans une autre. Et j'avais l'impression que ce n'était pas que moi. La fuite était réciproque.

Et eux ne m'en avaient pas reparlé non plus. C'était à peine si on se regardait dans les yeux ou si nous échangions des mots à peine murmurés.

Nous nous parlions sans trop nous parler, en échangeant des banalités qui nous feraient voir comme des personnes normales auprès du petit Armand. J'espérais qu'il n'y voyait que du feu. À ce que j'avais pu observer, il semblait toujours aussi enjoué que d'habitude.

Pour un œil plus expérimenté, par contre, nous ne tromperions personne. C'était improbable. Un lien avait été rompu, et il pourrait le voir.

Je ne me sentais plus à l'aise chez moi. Malgré notre manque de contact, je me sentais épiée de partout.

Mais dans un sens, c'était logique. J'avais volé une grosse somme d'argent, normal que les relations se dégradent après ça. Mais j'avais l'impression que le vol n'était qu'un prétexte pour connaître les détails de ma vie amoureuse. Que le vol d'argent ne représentait pas le quart de la colère et du malaise entre nous. J'avais l'impression que c'était ma situation de couple, le véritable problème.

Ça ne devait pourtant pas en être un. L'argent était bien plus grave objectivement que de savoir si je fricotais avec les jumeaux ou pas, et mes parents n'étaient pas bêtes. Ils le savaient. Alors pourquoi, l'un comme l'autre, se penchaient sur des données sans importance ? Il y avait forcément une donnée que je ne captais pas. J'avais besoin de plus d'informations. Sinon, ma tête allait exploser.

Bref, je me sentais toute bizarre dans l'enceinte de la maison, et décidai que je préférais me confronter à un démon dont je connaissais la nature plutôt qu'à un faux ami.

C'était ainsi que je me retrouvais auprès de Denise et de son bar à Licornes, le suivant, tard le soir. Elle m'attendait au pied de Licornes & Strass, et paraissait surprise que j'aie eu envie de la voir.

Elle m'ouvrit la porte, et me prit la main, qu'elle caressa ensuite avec toute la tendresse du monde. Tout le contraire de notre dernier contact.

— Je suis confuse, Pauline. Pourquoi venir ? Je t'ai fait du mal.

— À peu près toutes les personnes que je connais me font du mal en ce moment, dis-je, le visage plat. Tu n'es ni la première ni la dernière.

Elle se mordit la lèvre et regarda ses pieds. Je remarquais alors qu'elle portait une veste à manche longue, dont elle prenait bien soin à la rabaisser, en lâchant ma main de temps à autre.

— Ça va ? me surpris-je à lui demander.

— C'est moi qui devrais te demander ça. Comment va ta tête ? J'espère que je ne t'ai pas trop blessée.

Elle caressa mon crâne, et dans le même temps, se rapprochait de moi. Elle portait un parfum à la charlotte aux fraises, aujourd'hui. C'était envoûtant, et ça allait bien avec son image.

Je profitais de ses doigts doux sur mes mèches de cheveux et de notre proximité physique.

— Non, j'ai pas eu de grosses bosses. Tout est parti avec quelques larmes versées dans un coin du quartier. Rien de grave.

Je gardais le même visage plat. Je n'avais pas forcément envie de me forcer à faire comme si tout allait bien. Et comme j'avais l'habitude de faire une tête de monstre à la maison, je gardais la même expression devant elle.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant