XXX

19 3 0
                                    

J-2

Je ne dis rien du reste de l'enterrement. Il valait mieux pas que j'ouvre ma bouche. Car si je le faisais, je n'étais pas sûre d'empêcher un flot d'insultes d'en sortir.

Je préférais donc faire la muette endeuillée, un rôle que mes parents et le reste des invités avaient accepté avec plaisir.

J'étais l'amie proche, et la potentielle petite amie dénuée de son amoureux.

À la fin de la cérémonie, je décidai de retrouver Denise immédiatement, en tenue sombre, chez elle. J'avais prétexté à mes parents que j'allais passer ma soirée avec Tristan pour le réconforter. Fous et obsédés comme ils étaient, ils avaient dû prendre ça pour une rencontre propice pour un couple.

Quoi qu'il en soit, ils avaient pas conclu que c'était une bonne idée de me laisser partir. Tant mieux.

J'avais pris le temps de la prévenir que je me rendais chez elle ce soir. C'était de dernière minute, mais elle m'avait répondu instantanément.

Elle devait m'attendre. Elle devait être si sûre que ce que j'allais découvrir allait me dégoûter.

Et pour l'instant, elle avait raison sur toute la ligne.

Je me retrouvais devant la porte de l'appartement de Denise, et je toquai pour qu'elle m'ouvre.

— C'est moi, dis-je.

Elle m'ouvrit, et me dévisagea d'un air indéchiffrable.

— Euh, ça ne va pas ?

Je ne lui avais rien expliqué. Ni pour ce que j'avais compris sur moi ni pour mon ami qui avait disparu.

La nuit allait être longue.

Je me jetais vers elle, et elle m'accepta dans ses bras.

— Allons, allons, viens, dis-moi ce qu'il se passe.

Elle m'installa dans le salon, et m'offrit une tasse de thé. Elle prit soin de m'y mettre du sucre et du lait, peut-être pour adoucir mon cœur.

Je le bus, et il ravit ma gorge. Ça n'allait pas être suffisant cependant. Il faudrait que je sorte ce que j'avais en tête pour aller beaucoup mieux.

Je lui dis alors pour les faux médicaments, pour les mesures sur moi, et sur l'obsession de mes parents sur ma situation de couple. Je leur dis tout sur les événements de la semaine dernière, et notamment sur le suicide de Victor, ainsi que sur mon implication en tant qu'expérimentation humaine.

Denise m'arrêta avec la paume de la main.

— Attends... Tu veux dire que tu n'étais pas la seule à subir la thérapie de conversion ?

— Non. Moi, c'était plus subtil. Pour Victor, il a dû avoir tout de front, avec des cours formels, à l'église. C'était beaucoup trop fort.

— Oui, ça m'a l'air juste de le dire de cette façon. Tes enfoirés de faux parents ont tenté d'ignorer totalement ton homosexualité alors qu'il le savait que tu l'étais. Ils pensaient qu'en te traitant « normalement », tu reviendrais à la « normale ». Enfin, c'est la théorie.

Ces monstres... J'arrivais pas à croire que je n'avais rien vu venir.

— Je veux me souvenir de moi. Elle essaye de remonter, je le sens et je le sais. Pour l'instant, elle n'est qu'un mélange de tristesse et de colère noire, mais elle a besoin de revenir.

— Tu veux de nouveau être Blasée. Tu n'as pas peur de ce que ça peut faire remonter ?

— Non. Est-ce que tu peux me faire redonner la mémoire ? Je sais que tu m'as connue toute mon enfance, jusqu'à la fin de mon adolescence. S'il y a une personne capable de me faire souvenir de moi, de ma vie d'avant, de mes vrais parents... C'est bien toi !

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant