XXXII

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J-2

J'étais seule dans le salon. Pourtant, tout me semblait bruyant.

Le son de l'aiguille de l'horloge qui faisait son tic-tac incessant, les bruits de ma respiration devenant de plus en plus haletante, les cartilages de mes doigts qui craquaient.

Tout était trop bruyant. Je pouvais presque jurer entendre le papier de l'enveloppe qui me narguait, posé de façon toute simple sur la table.

Ils avaient l'air de rien comme ça, mais elles avaient le pouvoir de tout changer. Elles devaient trouver ça amusant de me toiser, en m'imposant de faire un choix et de décider du sort qui s'abattrait sur ceux que j'avais juré de protéger.

Quand je regardais l'une ou l'autre de ces enveloppes bombées, je ne percevais pas le même avenir. La main qui allait choisir l'une ou l'autre allait tout changer.

Quand je regardais celui de gauche, je voyais un Armand auprès de sa famille heureux et ignorant des horreurs passées. Mon père avait été poursuivi en justice pour ses délits, mais il n'était nullement inquiet. Après ses procédures légales, il reviendrait sûrement dans la course électorale. Personne ne lui en tiendrait rigueur. Enfin, personne ayant assez de pouvoir pour lui faire peur. En fait, l'enveloppe de gauche, c'était l'équivalent d'une égratignure : douloureux sur le moment, mais personne ne s'en souvient dix ans plus tard.

Mais quand je regardais à droite, c'était un avenir tout à fait différent. Armand vivait dans un foyer pour jeune, auprès de personnes qui ne l'aimeraient jamais autant que ses parents. Le sourire caractéristique qu'il avait toujours sur lui avait disparu, et il avait désormais le visage sombre. Quant à ses parents, ils étaient soit en prison, soit avait décidé de fuir la justice et leur sort en s'ôtant la vie.

C'était celles-là, l'option que plébiscitait Denise. Moi, je lui avais parlé de pardon.

Il était plus simple de partir sur l'option de gauche, et tout ce que je disais à Denise justifierait que je parte sur ce côté. Si j'étais vraiment du clan de la miséricorde, c'était la voie que je devrais emprunter.

Je m'avançais d'un pas vers la table basse, et m'approchai de l'enveloppe qui pourrait révéler les fraudes financières. Mes doigts effleurèrent le papier, quand j'arrêtais de bouger et me gelai sur place.

Je savais que c'était l'option la plus concordante à prendre.

Mais... Mon cœur accepterait-il une punition aussi fugace qu'une simple amende et une pause dans la vie politique de Jean-Édouard ? Devrais-je vraiment le laisser filer aussi facilement, quand il pourrait recommencer ses méfaits et sa manipulation sans problème ?

Supposons que pendant sa pause politique, j'avais pu partir de la maison pour faire ma vie ailleurs, il pourrait toujours chercher un autre jeune influençable à manipuler.

Trois ans de travail seraient jetés à la poubelle, oui, mais s'il était déterminé, qu'est-ce qui me disait qu'il n'allait pas le faire ? Il avait peut-être basé tout son avenir sur la sortie de ce papier ?

Et dans ce cas, qu'il y ait un, deux ou trois rats... Là ne serait pas un problème. Quand on avançait sur un chemin arpenté, les yeux vissés sur le but que l'on se fixait, aucun obstacle n'était trop grand.

Je ne pouvais pas laisser passer ça. Il fallait que tout s'arrête, et vite. Si quelqu'un d'autre souffrait de la même expérience après mon départ, je n'allais jamais me le pardonner.

Je devais le punir. D'une façon si forte qu'il ne recommencerait jamais.

La seule option était de révéler son expérience au monde.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant