XXV

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J-8

Je ne m'appelais pas Pauline Guyot.

Je n'avais pas de petit frère qui s'appelait Armand

Je n'avais pas de père qui s'appelait Jean-Édouard et qui travaillait comme député dans un parti conservateur.

Je n'avais pas de mère s'appelant Christelle et exerçant en tant que médecin généraliste.

Pendant au moins trois ans, je passais pour cette fille, cette « Pauline Guyot », et je vivais de telle sorte que tout le monde croit que ce rôle, cette personne, c'était moi.

Mais elle n'était pas moi. Elle n'était qu'un costume de chair et de sang que j'enfilais jour après jour pour me convaincre moi, mes parents et le monde qu'ils avaient réussis à me faire oublier qui j'étais.

Et jusqu'à aujourd'hui, il avait réussi avec brio.

Je décidais qu'après toutes ces découvertes, il n'y avait qu'une seule chose à faire ; donner raison à Denise et aller la rejoindre.

Je n'allais pas dormir une nuit de plus dans cet endroit où grouillaient les menteurs.

Je fis alors mon sac en apportant le strict nécessaire. Je pris les vêtements dans lesquels je me sentais le plus à l'aise, et mon journal de magie. Je délaissais mes cahiers de cours et le reste de ma garde-robe. Ils n'étaient pas à moi. Ils ne m'appartenaient pas. Ils étaient à Pauline Guyot. Et j'avais déjà établi que je ne savais pas du tout qui était cette femme.

J'attendais alors la nuit, lorsque tout le monde dormait, pour partir de la maison.

J'ouvrais la porte de la chambre avec précaution, avant de descendre les escaliers en faisant le plus attention possible à ce que personne ne m'entende. Jusque-là, personne ne m'avait surpris ou n'essayait de me retenir de m'en aller. Ça devait être ma chance, aujourd'hui.

Il ne restait plus que l'étape fatidique de la porte d'entrée. Je devais faire jouer de mon jeu de clé sans réveiller personne, et ça, ça n'allait pas être de la tarte, surtout avec le gros sac qui me pesait sur le dos.

Je tentais tout de même d'ouvrir la porte. C'était la première fois que je fuguais la nuit.

Et ça, je ne savais pas si c'était possible. Car je n'avais aucune idée où se trouvaient les gardes du corps lorsque nous étions censés dormir.

Je l'ouvris, et tomba nez à nez avec Bernard.

— Hep, petite, tu crois que je ne t'ai pas vue ?

Mince, j'aurais dû mieux calculer mon plan. Il ouvrit le reste de la porte et me tira vers lui, avant de la refermer derrière lui.

— Qu'est-ce que tu comptais faire par ici, ma petite ? T'enfuir en courant ?

— Oui, et alors ? Je ne veux plus rester une seconde ici.

— Ah, crise adolescente, n'est-ce pas ? Tu te rends compte que tes parents vont se faire un sang d'encre ?

— Peuh, c'est pas mes parents !

Il roula des yeux. Ça devait être parce qu'il devait avoir entendu cette excuse des centaines et des centaines de fois. Il ne devait pas se douter que cette fois, c'était vrai.

— Je m'en vais pour la nuit, mais j'en ai pas fini ici, ne t'inquiète pas. Je reviendrais leur donner la monnaie de leur pièce. Je suis simplement trop fâchée pour rester chez eux maintenant. Alors, ne t'inquiète pas, d'accord ! Et les inquiète pas non plus, dis-je en pointant du doigt la maison. J'arrive.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant