Rendez-vous avec le mal

XVI

J-16

J'étais enfin seule, dans ma chambre, assise sur le sol.

J'étais enfin à l'aise dans mon cocon, sans plus aucun bruit. Les seuls sons qui pouvaient me distraire de mon but seraient de la musique que j'aurais consciemment choisie. Et ce n'était pas vraiment de la distraction que ça serait, mais une aide pour libérer l'esprit.

Je croisais les jambes, puis ouvris mon sac à dos, avant de retrouver mon carnet de notes dans lequel j'avais noté mes plans pour séduire Denise et pour sauver ma famille. J'avais tout prévu : créer une relation intime avec elle, la forcer à s'ouvrir à moi, et trouver l'information qui permettrait de la mettre hors d'état de nuire.

Tuer un monstre était plus simple quand on dansait une valse avec lui.

Le problème avec ce plan, c'était qu'il se basait sur l'hypothèse que mes parents ne devineraient pas mon statut amoureux et que j'aurais tout le loisir de travailler en secret, pendant que la relation florissait petit à petit. Jusqu'à ce que je coupe sa croissance au moment où je le voulais.

Mes parents, enfin, surtout ma mère, pouvaient mettre la pression aux jumeaux pour qu'ils parlent. Et qui sait combien de temps se passeraient avant qu'ils ne révèlent que la personne avec qui je partage ma vie en ce moment n'était pas un homme, mais une femme ?

Si cela arrivait, je ne serais plus capable de voir Denise quand je le voudrais. Et en ce qui concernait l'identité de celle-ci, elle pourrait mettre en marche sa menace, si elle se sentait en danger.

Bref, rien n'était parfait. Mon plan initial, qui paraissait sans tache et déformation, puait. J'avais l'impression, maintenant, que je n'allais pas réussir, et qu'il y avait trop de façon de tout faire rater.

Je devais trouver autre chose. Un général ne persistait pas à commettre les mêmes erreurs de stratégie. Il s'adaptait. Car c'était la seule façon de survivre.

Je me levais, toujours avec mon carnet dans les mains, alors que je tournais en rond dans la pièce.

— Ce n'est pas les plus intelligents ni les plus forts qui gagnent, mais c'est les plus agiles.

Il devait y avoir une solution. Forcément !

— Denise cherche à punir, d'une façon ou d'une autre, les personnes qui font activement du mal aux membres de la communauté gay. Ça, c'est sûr. Mais a-t-elle forcément besoin de voir le député Guyot démissionner ? Si ce député était puni de sorte qu'il ne recommence plus ce pourquoi il avait été visé au premier abord, peut-être qu'elle accepterait de le laisser tranquille.

Il faudrait que mon père reçoive une punition qui était à la hauteur de son crime, mais qui était ni composée d'une démission, ou d'une révélation aux médias.

Il faudrait que ça lui coûte... il faudrait que ça lui coûte...

Soudain, une idée éclaira ma boîte crânienne.

— Ah ! Je sais. Il faut que ça lui coûte. Littéralement.

Personne ne résistait à un sac valant son pesant d'or. Si je parvenais à convaincre Denise qu'il était mieux pour elle qu'elle s'enrichisse et qu'elle laisse tomber le reste, elle permettrait à tous de s'en tirer de la façon dont il le souhaiterait.

Les parents préfèreraient sûrement perdre quelques milliers d'euros plutôt que le monde connaît leur part d'ombre.

Les idées fusèrent. Les parents se trouvaient encore dans le salon, probablement à discuter de nouveau à propos de leur plan de retrouver eux-mêmes la personne qui la menaçait. Avec un peu de chance, ils garderaient cette conversation pendant de longues heures encore.