XII

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J-17

Après la discussion avec le directeur de l'établissement, « Strass », j'avais aperçu Denise au fond de la salle, de nouveau habillée de ses vêtements habituels, et qui me saluait du bras.

Malgré son changement de tenue, elle n'en était pas moins scintillante, car il restait quelques paillettes sur ses bras, ses jambes, ou son visage.

Je terminai la conversation avec Myrlène qui était devenue soudainement muette à l'arrivée de son patron. Je la remerciai pour le Blue Lagoon, puis partis à la rencontre de la jeune drag queen magicienne.

Je m'attendais à ce qu'on se prenne un temps sur l'une des tables du bar, et qu'on puisse enfin discuter des points qui me posaient problème. Mais, contre toute attente, elle n'était plus du tout dans l'humeur de discuter en long en large et en travers de ses actions et de leurs motivations.

Pourquoi m'inviter, alors ? Elle voulait juste un spectateur de plus à son spectacle ou quoi ?

Elle m'avait dit qu'elle était trop fatiguée pour ça et qu'on pourrait se voir plus tard dans le lendemain pour en parler.

J'étais perplexe, et déçue, mais je pouvais comprendre. Ce n'était pas un travail facile. Elle m'avait donné son numéro de téléphone, afin que je n'aie pas à résoudre des énigmes compliquées pour savoir d'où elle se trouvait.

Je fus donc contrainte d'accepter cette solution alternative, et la quitter ce soir. Ce n'était pas si mal, car cela permettait que je ne rentre pas trop tard. Et auprès de mes parents, c'était toujours plus simple de prétexter une soirée cinéma improvisée, plutôt que d'avouer avoir siroté de l'alcool dans un bar gay.

J'avais pu me rendre chez moi sans problème. Le lendemain, nous étions le . Et qui disait samedi, disait matinée à l'église. Je faisais partie du groupe « Jeunesse en Christ » ; nous nous retrouvions tous les samedis matins pour étudier la bible et ses leçons. Nous parlions à cœur plus ou moins ouvert des problèmes rencontrés dans notre vie de jeunes chrétiens dans une société moderne et progressiste.

C'était là que je retrouvais les jumeaux, surtout. C'était cet endroit qui avait créé notre complicité. À chaque cours, ils étaient là. À chaque événement spécial, qui pouvait parfois durer toute la nuit, ils étaient là.

L'église se trouvait hors de Paris, en banlieue parisienne, dans un ancien bâtiment racheté à une entreprise en faillite. C'était, apparemment, le seul endroit qu'ils avaient pu trouver pour ne pas déranger les voisins en besoin de repos et se prendre des plaintes tous les quinze du mois.

En rentrant dans le bâtiment, je saluais mes autres camarades, ceux avec qui je jouais le rôle de la bonne femme chrétienne. Je retrouvais mes amis, près de la croix de Christ, à prier à genoux.

— Ah, vous voilà.

Tristan fut le premier à interrompre sa prière. Il se releva, et tout de suite après, me collait un index entre les deux yeux.

— Toi !

— C'est pas bien de menacer ton amie quand tu viens juste de prier.

— Je ne te menace pas, c'est juste que j'ai besoin d'explications. Tu crois que je n'ai pas remarqué la façon dont tu nous as snobés toute cette semaine ? Et comment tu as fui pour la pause déj et la fin des cours. C'est suspect. Il n'y a pas plus suspect que ça !

Je balayai ses accusations d'un revers de la main.

— C'est une longue histoire. Je suis pas sûre que vous auriez envie de le savoir.

— Bien sûr que si, dit Victor, ayant fini sa prière. C'est important pour nous de savoir si tu as décidé d'enfreindre les règles. Nous voulons ton bien, nous aussi.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant