XIV

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J-16

La fin du repas s'était passée mieux que la dernière fois. Elle m'avait donné des informations sur la raison de ses actions. C'était mieux que d'être complètement perdue sur la demande qu'elle m'avait faite pour que je travaille avec elle.

Je ne possédais pas tous les éléments en place, mais une chose était sûre. Denise ne faisait pas ce qu'elle faisait par plaisir. Il y avait quelque chose de rassurant à savoir qu'un individu ne commettait pas le mal par curiosité ; ou pire, pour en retirer une certaine jouissance.

Cela pouvait présager une rédemption. Quand une personne devenait un monstre pour la satisfaction de l'être, on ne pouvait rien en tirer. Certains pays avaient décidé que seule que la mort pouvait leur faire racheter leurs péchés.

Je terminai mon dernier beignet à la pâte à tartiner avec regret.

— Ce restaurant est vraiment divin, lui dis-je alors que je tapotai mes lèvres avec ma serviette. Merci de m'avoir fait découvrir cette merveille. S'il te plaît, je dois te repayer pour cette fois-ci. Laisse-moi t'offrir le restaurant, tu veux ?

— Oh oh, gloussa-t-elle. D'abord, tu viens de ton gré me rencontrer, ensuite tu m'offres le resto ?

Elle lécha sa dernière cuillère de glace et je ne pus honteusement pas détacher les yeux de ce spectacle.

— Tu deviens de plus en plus gentlewoman. C'est mignon. Fais attention à l'endroit où tu mets ton cœur, Darling. Je ne veux pas que tu le regrettes.

— Mais non, je...

Je ne terminais pas la phrase. Je me contentais de baisser le regard.

Cette phrase me mit le doute : savait-elle que je n'étais pas réellement amoureuse d'elle ? Je n'étais pas exactement la meilleure actrice de Paris.

Une sensation lourde, comme une boule de plomb, appesantit mon estomac.

Si c'était le cas, ça expliquerait pourquoi elle ne m'avait pas embrassée depuis le début de notre « relation », et pourquoi elle me disait cette phrase. Elle ne croyait pas en mon amour pour elle. Ce n'était pas bon pour ma couverture, ça.

Mais dans ce cas, pourquoi me garder près d'elle et me faire croire qu'elle était tombée dans le piège ? Pourquoi avoir eu les yeux pétillants lorsque je lui avais demandé de sortir avec moi, la veille au soir ?

J'étais perdue. Je préférais alors changer le sujet de la conversation et avaler une quantité énorme d'eau fraîche.

— Qu'importe. Tout à l'heure, tu m'as dit que tu voulais rendre la monnaie de sa pièce à ceux qui font souffrir notre communauté. Si c'est précisément mon père que tu vises, c'est que tu trouves qu'il a fait quelque chose de vraiment inacceptable selon toi. Mais si tu voulais punir les véritables responsables, ça serait plutôt le pasteur de notre église qu'il faudrait voir, non ?

Je n'expliquais pas que les jumeaux, d'autres jeunes et moi étions poussés en thérapie de conversion dès que nous étions soupçonnés d'avoir des penchants homosexuels. Il n'y avait pas mieux pour créer des sensations d'homophobie internalisée, comme disait Denise.

Étant une grande espionne de ma vie, elle avait dû entendre plusieurs conversations de cela avec les jumeaux, et notamment Victor, qui avait vécu la thérapie de ses propres yeux. Pourquoi ne pas s'adresser à la source des problèmes, plutôt que les personnes qui invoquent cette source pour infliger du mal aux autres ?

— Non. Jean-Édouard est la cible la plus pertinente, affirma-t-elle. Mais il est vrai que si je possédais un temps et un budget illimité, je saignerais toutes les personnes qui t'ont fait du mal, Pauline.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant