XXI

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J-9

Denise venait de me demander de passer à la maison, ce soir.

Elle ne se rendait pas compte de l'ampleur de sa requête.

Quoi qu'elle eût derrière la tête, ce n'était pas une chose qu'on demandait à la légère. Si elle voulait qu'on soit seules toutes les deux, il y avait une raison toute simple : elle voulait faire quelque chose que personne d'autre que moi ne devait voir.

Je ne savais pas si je devais bondir de joie ou fuir en courant.

— Relax, je ne te demande pas la lune non plus. Je veux juste qu'on soit seules. Je ne peux rien te dire si ce n'est pas dans ces conditions. C'est ça ou rien.

— Tu ne comprends pas. La dernière fois qu'on s'est retrouvées seules, tu...

Elle baissa les yeux.

— Oui, c'est vrai. J'avais prévu que tu dises oui sans hésiter, mais j'ai eu la bêtise de briser ta confiance. Qu'est-ce que je peux donc faire, maintenant ? J'ai vraiment besoin que tu viennes à la maison, par contre.

— C'est pas que je ne veux pas venir. C'est que comme je ne sais pas ce qui m'attend, je ne sais pas comment prendre la nouvelle. Tu devrais comprendre pourquoi je me sens comme ça.

Denise se tint la mâchoire pendant un instant, à réfléchir à une façon d'attirer le petit chaperon que j'étais dans la tanière du loup.

— Je sais ! La porte d'entrée sera déverrouillée, autant de temps que tu le souhaites. Si tu veux. Tu pourras rester près de la porte, aussi. Je te laisserais choisir ce que tu veux. Tu pourras la fermer dès que tu te sens plus à l'aise.

Je me sentis plus rassurée par ces aménagements, et finis par accepter d'y aller. De toute façon, je n'avais pas vraiment le choix. Je devais absolument comprendre la vérité. Les conditions de Denise rendaient la manœuvre plus agréable, c'était tout.

Nous continuions notre rendez-vous dans les rues de Paris, à nous balader et à manger des glaces italiennes comme un couple classique sans tension meurtrière.

La fin de l'après-midi venue, nous nous rendions cette fois dans la demeure de Denise. Nous devions prendre le métro pour ça, car elle habitait hors de la capitale, à Montreuil.

Nous marchions jusqu'à un appartement à plusieurs dizaines d'étages, avant d'y rentrer et de prendre l'ascenseur. Elle habitait au huitième.

— C'est un T2, donc ce n'est pas très grand, mais on pourra facilement se poser sans trop se serrer. J'espère que ça t'ira.

— Bien sûr, pas de soucis. Tant qu'on garde le même aménagement dont on avait discuté.

Nous parvenions devant la porte de chez elle. Contrairement à sa loge à Licornes & Strass, aucun autocollant enfantin représentant son prénom se trouvait sur sa porte. Elle chercha les clés dans son sac à main, et l'ouvrit. Avant d'aller plus loin, elle me donna la clé.

— Voilà, ma part du contrat est respectée. La porte t'appartient. Ça te va ?

— Je n'aurais pas pu demander mieux.

Elle rentra en premier, puis je rentrais ensuite. Son appartement était rangé, bien que des boîtes de médicaments et autres bidules traînaient sur la table du salon.

Comme prévu, je restais près de la porte d'entrée. Je l'avais fermé, mais pas à clé. Je pouvais l'ouvrir quand je le souhaitais. J'étais en position de force.

— Alors, voilà ta tanière. Elle est sympa. Plus sobre que j'aurais pensé pour une fille comme toi.

— Je suis pas très déco. J'ai ni la patience ni l'envie de travailler dessus. Alors je préfère composer avec les meubles des proprios.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant