XXXV

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J-1

J'allais faire en sorte que la mort de Victor ne fut pas en vain.

J'allais faire en sorte que personne d'autre ne souffre comme il a souffert. Personne ne se sentirait tellement au dépourvu qu'il n'aurait pas d'autres choix que de se nouer une corde au cou.

Personne ne se sentirait si démuni qu'il préfèrerait vivre avec une peine immense qui ne s'en irait jamais.

Et je ferais en sorte que je ne sois pas une source de chute pour toutes les personnes dans mon cas. Il n'y aurait plus jamais d'autres personnes dans des thérapies en France, quelle que soit la religion qui les force à faire quoi que ce soit. Mes parents n'attraperaient jamais ce Joker.

J'avais proposé à Tristan, alors que l'heure de la fermeture du cimetière allait arriver, de venir avec moi à Licornes & Strass, pour qu'on puisse se voir avec les membres du personnel là-bas pour une réunion de crise rapide.

En y allant, j'avais bien évidemment envoyé un message à Denise pour qu'elle puisse nous rejoindre. J'avais aussi envoyé des messages à Myrlène et à Strass.

Ces deux derniers y avaient répondu par la positive rapidement, alors que Denise ne répondait toujours pas. Mon message avait été envoyé dans le vide, et je ne savais pas si elle l'avait lu ou pas. Il était perdu dans un trou de vers téléphonique.

Une pincée d'anxiété me serra le cœur.

Quand je pourrais la revoir ? Allait-elle bien ? Était-elle en sécurité ? Pourquoi était-elle aussi silencieuse ? Ça ne lui ressemblait pas.

Toutes ces questions bondissaient dans mon crâne, sans trouver de réponses adéquates. Je préférais alors les ignorer, sans beaucoup de succès, et continuer ma route vers le bar.

Quand Tristan et moi arrivions, Myrlène et Strass nous attendaient déjà, assis dans un coin de la salle, sur une table. Myrlène, qui avait réussi l'exploit d'être habillée encore plus en gothique que la dernière fois que je l'avais vu, nous avait déjà préparé des boissons fraîches. Un nouveau bijou ornait aussi son visage, en plus du piercing et du mascara extravagant : un sourire radieux.

La voir autant en forme faisait du bien. Elle qui était si sombre au début de notre relation, elle semblait avoir trouvé la lumière. Denise avait réussi à exterminer la chose qui la rendait morne.

— Merci d'avoir accepté cette réunion impromptue. Je vous présente Tristan, mon ami de l'école de commerce.

Il se présenta, et mes amis du bar l'accueillirent avec toute la convivialité du monde.

Pendant le temps des introductions, je gardais un œil sur la porte battante du cabaret, espérant voir une poupée rousse débarquer à n'importe quel instant.

Mais elle n'était pas là.

Je laissais tomber et m'assis près d'eux.

— Alors alors ? demanda Myrlène, en se frottant les mains.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qu'on fait ?

Attendre Denise une minute de plus ne servait à rien. Le plan pourrait se faire qu'elle participe au groupe ou pas.

— Alors, je viens vers vous en tant que membres de STOP Homophobie. J'ai besoin de vous.

— Comment ? demanda Strass.

— Vous avez vu les infos ? Les infos me concernant, plus particulièrement ?

Tristan but une gorgée de sa boisson, et secoua la tête.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant