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J-9

« Il faut qu'on parle. »

C'était la phrase que personne n'avait envie de prononcer dans un couple. C'était la phrase que personne n'avait envie d'entendre dans un couple.

Elle signifiait que quelque chose n'allait pas. Et que la personne recevant la missive allait passer un sale quart d'heure.

Je serrai mon téléphone portable et déglutis.

Cette phrase pouvait encore passer dans un couple classique. Dans mon cas, les éventuelles conséquences d'une telle discussion seraient désastreuses.

Faut pas qu'on casse, faut pas qu'on casse ! me répétai-je, espérant changer le contenu du message rien qu'avec la pensée.

— Pauline, je veux aller en date avec toi.

Le ciel me tombait sur la tête.

— Un date ? répétai-je, un peu plus confuse, cette fois. Tu veux qu'on discute dans un restaurant.

— Non. Je veux qu'on marche ensemble dans un parc, main dans la main.

Des images de nous, flânant dans les rues de Paris pendant des heures, se manifestèrent dans mon esprit. La partie très lesbienne de mon être n'avait envie que d'une seule chose : dire oui.

Mais comme mes hormones et mes ovules ne dirigeaient pas mes comportements, je gardais mon calme et fronçais le visage pour m'empêcher de sourire bêtement.

— Quand ça ?

— Maintenant ?

— Ah oui, d'accord ! Mais je sors tout juste de l'église. On va me reconnaître dans cette tenue.

— Allez, Pauline, tu ne vas pas me dire que tu vas laisser tout le monde te dicter quoi faire !

J'avais peur de Denise. Mais j'avais encore plus peur des thérapies de conversion.

— Je ne peux pas. Pas dans cette tenue, en tout cas. Je suis désolée.

Denise bougonna un peu, puis accepta ma condition. Je partis donc à la maison pour me changer.

J'allais passer le restant de l'après-midi et probablement le restant de la soirée dehors. Il me faudrait donc une tenue qui me permettrait de flâner dans les rues de façons incognito.

J'attrapai mes lunettes, que je gardais pour les séances de lecture nocturne et attachai mes cheveux en queue de cheval. Je pris ensuite dans mon placard mes vêtements les plus oversizes que je pus trouver.

En me regardant dans le miroir, je ne me reconnaissais pas. J'étais passée d'une élégante jeune fille à un rat des bibliothèques.

Je n'étais jamais sortie ainsi. Mais bon, tout avait une première fois.

En essayant d'éviter mes parents le plus possible pour pas qu'ils me voient, j'étais partie de la maison, puis leur avais envoyé un simple message leur disant que je reviendrais plus tard.

Ils me demanderaient probablement avec qui je venais de faire un rendez-vous amoureux, mais je ne prévoyais pas de leur donner satisfaction dans les réponses.

Nous nous étions données pour point de départ Licornes & Strass.

Je la retrouvais donc, comme prévu, près du bar gay. Elle était vêtue d'une robe fleurie et d'un chapeau de paille assortie de la même fleur.

Elle était ravissante, comme à son habitude.

— Bonjour, Denise. Tu es magnifique aujourd'hui.

Elle gloussa puis fit la révérence. Elle me scannait de haut en bas. Je m'attendais à ce qu'elle me retourne le compliment, alors je bombais mon torse de fierté.

Rendez-vous avec le malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant