Épisode 2.3 : Regrets

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Konitos Croone

Konitos fixa sa cible sans la voir. Il était incapable de se concentrer à cause de certaines pensées qui lui traversaient la tête.

Il se sentait inutile.

Le pire dans tout ça, c'est que sa vie avait été assez tranquille jusqu'à il y a un mois : se lever, gouverner son – petit – royaume, fomenter un plan pour tuer Edgar et venger Grand-Papy et s'entraîner au combat. C'était plutôt simple.

Mais là... Primo, Edgar et Grand-Papy étaient de bons amis et avaient enterré la hache de guerre. Deuxio, il s'était fait mener par le bout du nez par un gamin maléfique – qui s'était avéré être un dieu ! Tertio, toute l'île lui était désormais accessible... Non. Le monde entier lui était désormais accessible et Gen voulait absolument partir à l'aventure, ce qui était des plus inquiétants. Quatro, il avait failli y avoir une nouvelle Guerre de Dyisia à cause de Neo Raïto, mais, et c'était ce cinquo qui était le plus frustrant de tous : elle n'avait pas eu lieu parce que Leo Davis avait réussi à y mettre un terme presque instantanément ! Où se trouve le fun ? Konitos voulait se battre et on lui a fait miroiter cette idée pendant plusieurs semaines. Et pour quoi, au final ? Rien ! Bon ok, peut-être un combat le soir du banquet qui lui avait valu un joli œil au beurre noir, mais rien de plus !

Il lui fallait trouver quelque chose pour s'occuper. Pour qu'il puisse se battre et évacuer toute cette frustration, sans non plus se faire taper sur les doigts après, parce que ledit combat aurait « des ramifications politiques dangereuses ».

« Faudrait que l'on aille à Raïto un de ces quatre. J'ai entendu dire qu'ils avaient construit une arène à l'époque. » dit Fey, qui décocha une flèche pile au cœur d'une biche en bois.

Les yeux du roi s'illuminèrent. « MAIS OUI ! »

Fey sursauta, lâchant son autre flèche beaucoup trop tôt et ratant de loin sa cible. « Qu'est-ce qu'il y a, mon oncle ? » demanda-t-elle, inquiète.

« On pourrait y faire un tournoi ! »

La jeune femme pencha la tête sur le côté. « Huh ? Vous pensez que c'est une bonne idée ? Si tôt ?

— Si tôt, j'en sais rien, mais c'est une bonne idée, crois-moi. »

Mû par une détermination fraîchement retrouvée, Konitos décocha une flèche qui transperça le cœur de sa cible, s'enfonçant de quelques centimètres. « Une excellente idée, même... »

***

Edgar Bright

Cela faisait maintenant deux minutes que Fredrick survolait l'océan. Il tourna la tête pour regarder l'île derrière lui, qui se faisait de plus en plus petite, puis il lança un regard en direction d'Edgar, qui hocha la tête.

« Bon, on est bons. Accrochez-vous, parce que ça risque d'être impressionnant ! »

D'un claquement de doigts, le dieu fit apparaître plusieurs morceaux de bronze finement taillés et décorés, lévitant tout autour du groupe. Petit à petit, ils se rapprochèrent et s'emboîtèrent, jusqu'à bloquer entièrement les rayons du soleil et les englober. Un immense bruit métallique se fit entendre, puis il ne se passa plus rien. Si ce n'était pour la petite boule de lumière qui irradiait de la main du dieu, ils auraient été dans le noir complet.

« C'est bon, tu peux te poser. »

Fredrick obéit et posa le pied au sol, manquant de faire chavirer Gregory. Tout le monde descendit du dos du dragon, puis, une fois que son ami eut repris une forme plus humanoïde, Edgar lança la boule lumineuse en l'air, révélant une pièce assez large et très haute.

« Vous voulez une lumière plus naturelle ou bien on se débrouille avec ça ? » demanda le dieu.

« Franchement... Je ne dirais pas non à un peu de soleil. » confessa Ezio. « Toutes ces journées en bateau m'ont donné envie de ne pas rester trop enfermé. »

Edgar hocha la tête. « Je vois. Terrasse et baie vitrée ce sera, donc ! »

Le furet claqua à nouveau des doigts. Sous les yeux ébahis de Gregory, Ezio et Fredrick, la sphère se mit à bouger d'elle-même. Ses pièces coulissaient de part et d'autre pour créer des escaliers et deux nouveaux étages, ainsi que pour révéler un beau ciel bleu dissimulé derrière une vitre qui se matérialisa rapidement. Des tables et des étagères remplies de livres apparurent de nulle part et même un joli tapis persan se déroula à côté des pieds du groupe.

« On dirait un studio... » marmonna Fredrick.

« Dis-toi que ça ressemblait à mon appartement il y a bien longtemps. »

Fredrick siffla. « Pas mal... Richou.

— Pshuh, ce n'était que le résultat de mon dur labeur. »

Gregory leva un sourcil. « Vous... Parlez de l'Ancien Monde, là ? »

Edgar sursauta. Il avait totalement oublié les deux passagers. « Hein ? Oh, erm... » Puis il soupira. « Moui moui.

— Donc votre première maison ressemblait à ça ? »

Quitte à s'être enfoncé, autant aller un peu plus loin sans non plus trop en dire. « Pas la première, non... Enfin... Pas celles de mes parents, en tout cas. Mais oui, ça ressemble un peu à mon appartement à l'époque où je n'étais pas encore un dieu.

— Je vois... C'est coquet, en tout cas. » dit Ezio.

Edgar claqua des doigts, faisant apparaître quelques plantes vertes. « Mieux, comme ça. Et puis tiens... » Il claqua à nouveau des doigts. « Vu que l'on a quelques jours à tuer, ça vous tente, une partie de billard ?

— Tu avais une table de billard ? » demanda Fredrick.

« Ouaip, même si je ne m'en suis pas servi des masses.

— Chanceux... J'aurais vendu quinze reins pour en avoir une à l'époque. »

Edgar lâcha un faible sourire en direction de son ami.

***

Rita Gallienne

« J'ai besoin de prendre l'air une petite dizaine de minutes. Je peux ? » demanda Rita à Giuseppe.

« Hein ? Oh euh, oui oui. Vas-y. Tu peux prendre ton temps.

Merci. » Rita hocha la tête à l'encontre de Silvia, puis sortit du palais.

Les choses s'étaient passées si vite. Desmond... Tu t'es bien joué de nous.

Les images tournaient sans cesse dans sa tête. Leo Davis, qui arrivait dans une sorte de bulle violacée. Les soldats, qui se demandaient ce qu'il se passait car ils étaient incapables de traverser une sorte de barrière. Dante, qui avait été le seul à pouvoir la franchir et qui se dressait fièrement au centre de l'arène pour accueillir le « héros de Dyisia »... Et la trahison de Desmond.

Elle avait tout fait pour attraper ce monstre, mais il avait réussi à se volatiliser grâce à ses pouvoirs.

L'image de Dante baignant dans son sang, inerte, restera à tout jamais gravée dans sa mémoire. Pourquoi ? Il y avait tellement d'autres solutions pour empêcher ce conflit, mais il avait fallu qu'elle se fasse dans le sang...

Rita hocha silencieusement la tête aux personnes qui montaient les marches du palais, puis, une fois en bas, elle emprunta le petit chemin sur la droite menant vers la forêt.

Une minute plus tard, elle y était.

La tombe de Dante était pour l'instant encore très sommaire et certains artisans de la ville étaient en train de travailler sur une stèle plus élaborée. Sa grande épée au pommeau en or était toujours là, plantée fièrement dans la terre. Personne n'était là pour rendre hommage à leur précédent roi.

Toutes ces années passées ensemble. En dehors des nuits, cela faisait plus d'une bonne dizaine d'années qu'elle ne l'avait pas lâché d'une semelle. Et tout ça pour quoi ?

Pourquoi ?

Rita s'agenouilla et pleura.

Les Chroniques de Loutre-Monde - Tome 4 - SAUVETAGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant