chapitre 26: «L'amour est à réinventer»

19 3 259
                                    

"Les fautes sont grandes quand l'amour est petit."

proverbe italien

***

Malya

Je ne trouve jamais les mots face à la question « Qu'est-ce que l'amour pour toi ? ». Peut-être parce que, orpheline dès le premier souffle, l'amour m'a toujours été une terre inconnue. L'amour, celui qu'on décrit avec un grand A, le véritable, celui qui fait battre le cœur des enfants et les fait rêver d'aventures romanesques, m'a échappé dès l'aube de ma vie.

La plus grande souffrance de l'Homme, disent-ils, est de connaître ce sentiment. Ce sentiment qui te dévore de l'intérieur, qui te consume, qui fait de toi sa chaire à canon. J'observe les autres, je vois leurs regards s'illuminer d'une étincelle fugace, leurs sourires s'épanouir à la mention d'un nom. Et moi, je ressens tout cela, intensément, mais je choisis de fuir, le cœur en friche, me demandant si ce n'est pas mieux ainsi, de ne rien ressentir du tout.

Je souhaite oublier cette douleur, ce visage, cette voix. Tout ce qui le concerne, toutes ses paroles... Elles résonnent en moi comme un écho lointain, un murmure du passé que je veux taire. J'aurais voulu ne jamais connaître la définition de l'Amour, car il est bien trop douloureux.

Mais l'amour, ce n'est pas seulement la douleur. C'est aussi Aaron, ce garçon qui m'aime d'un amour pur, celui qui se tient là, devant moi, avec ses yeux emplis d'une tendresse sans faille. Aaron, qui est prêt à m'offrir le monde, et moi, qui ne peux accepter son cadeau. Car l'amour, je l'apprends à mes dépens, est un feu qui peut réchauffer ou consumer, et je ne sais plus si j'ai la force de me brûler à nouveau.

Pourtant, je l'aime, éperdument, passionnément, à en perdre la raison. Mais comment aimer quand un abîme se creuse entre nos mondes ? Les actes irréparables de ses parents ont scellé le destin tragique des miens, laissant mon cœur orphelin de toute affection. Ils ont ôté la vie, ont détruit tout espoir de bonheur familial. Et moi, comment pourrais-je me donner à Aaron, quand chaque baiser serait un rappel de ce que nous avons perdu ? Comment nos cœurs pourraient-ils battre à l'unisson quand les échos de nos familles résonnent en dissonance ?

L'amour, je le découvre, est un champ de bataille où les cœurs se trouvent pris au piège entre les lignes ennemies. C'est un puzzle dont les pièces, bien que parfaitement taillées l'une pour l'autre, ne peuvent s'emboîter à cause des gouffres creusés par les générations passées. C'est un roman inachevé, une histoire suspendue à la plume hésitante du destin, attendant le courage de tracer la prochaine ligne.

Et Aaron, je l'aime tant que je le hais. Je hais ce qu'il éveille en moi, cette vulnérabilité, cette peur de m'abandonner à un sentiment qui a le pouvoir de me détruire. Je hais cette guerre intérieure, ce désir de lui appartenir tout en sachant que je dois me protéger. Je l'aime à le haïr, car dans cet amour interdit, je trouve à la fois ma damnation et ma délivrance.


-"Que écrivez-vous mademoiselle Angel ?"

Je suis projetais vers la réalité par la voix stridente de ma professeur de mathématiques.

-"Rien, madame." Je me précipite pour ranger mon cahier d'écrire, or malheureusement elle attrape mon carnet et le feuillote.

-"Au vu de vos notes pitoyables dans ma matière, vous devriez vous concentrer sur les cours plutôt qu'à vos stupides textes." Elle jette mon calepin que je rattrape de justesse.

Why YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant